Le courant passe mieux
relations entre l'Etat et l'agriculture représentée par le syndicalisme
majoritaire FNSEA-JA. Face à un Salon qui s'annonçait tendu, tant pour
des raisons économiques que pour des questions réglementaires, les
pouvoirs publics ont multiplié les gestes, les contacts et les
engagements. Suffisamment pour qu'ils parviennent à décrisper les
relations avec le premier syndicat agricole et les JA. « Nous attendons
maintenant les actes », résume Guy Vasseur, président de l'APCA
(chambres d'agriculture).

Couverture hivernale des sols
Le second acte, provoqué par le commissaire européen à l'agriculture, permettait justement de traduire dans les faits des revendications précises d'une partie des agriculteurs. Phil Hogan, dès son arrivée au Salon de l'agriculture, le 22 février, annonçait que la Commission européenne lançait le processus de stockage privé du porc, de manière à soutenir les cours et les exportations, face aux conséquences de l'embargo russe sur le porc européen. Autre mesure : le principe des couverts végétaux se voyait reconnu comme une des conditions au verdissement de la Pac, une revendication importante des producteurs de grandes cultures. De fait, Orama, le surlendemain, publiait un communiqué dans lequel l'organisation des producteurs de grandes cultures juge que la reconnaissance, comme élément du verdissement, de la couverture hivernale des sols, « est un vrai résultat positif et concret ». Selon les trois présidents des organisations de producteurs de blé, maïs et oléoprotéagineux, les échanges avec le commissaire européen Phil Hogan au Salon de l'agriculture ont « de nouveau montré que les producteurs de grandes cultures pouvaient être entendus comme des interlocuteurs responsables et porteurs de solutions originales pour allier intérêts économiques de l'exploitation et progression de la cause environnementale ».
Phil Hogan est considéré comme l'un des membres de l'équipe qui a saisi le mieux le fonctionnement voulu par le président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker. À savoir, demander systématiquement l'avis du premier vice-président, Frans Timmermans, qui a la haute main sur l'« amélioration de la réglementation ». En d'autres termes, la simplification des textes, tâche prioritaire dévolue tout particulièrement au commissaire à l'agriculture. Cette opération se traduira très probablement, dans quelques mois, par un nettoyage dans les contraintes du verdissement, cible privilégiée, notamment du régime des surfaces d'intérêt écologique. La reconnaissance, pour le maïs français, du couvert hivernal comme mesure équivalente à l'obligation de diversification des cultures est, en tout cas, un sérieux signal en ce sens, auquel les Allemands, très écoutés à Bruxelles, seront sensibles.
Modèle agricole
Qu'il s'agisse du gouvernement français ou de la Commission européenne, l'un et l'autre semblaient donc reconnaître le modèle agricole prôné par le syndicalisme majoritaire. « Le gouvernement a choisi : son interlocuteur, c'est la FNSEA », constatait un observateur averti dans les couloirs du salon. Une réalité en phase avec la politique générale du gouvernement, à l'heure d'une loi Macron qui vise à libérer les capacités de croissance des agents économiques. « Tout le monde reconnaît que la France doit se remettre dans le tempo européen », constate Xavier Beulin qui insiste sur « la perte d'influence actuelle de l'agriculture française ». « On note une meilleure reconnaissance de l'intérêt que représente l'agriculture pour la France », affirme Guy Vasseur (APCA). Et celui-ci d'insister sur les engagements du président de la République en ce qui concerne la simplification des réglementations.
Distance avec les écologistes
Surtout préoccupé par la relance de la croissance agricole et la compétitivité des exploitations, François Hollande n'hésitait pas, à plusieurs reprises, à prendre certaines distances avec les écologistes qui maintiennent leurs blocages de sites tels que le barrage de Sivens. Il n'hésitait pas non plus à trouver naturelle la tendance au regroupement des éleveurs – dans certaines limites certes – et se gardait bien d'une condamnation pure et simple des grandes exploitations.
Agriculture industrielle ?
Depuis plusieurs mois est survenue la thématique d'agriculture industrielle. Violemment rejetée par les uns, pudiquement défendue par les autres. Le concept n'a pas très bonne presse, chez les citadins comme chez les ruraux ou agriculteurs eux-mêmes. Mais qu'est-ce qu'un agriculteur industriel ? Le serait-on dès qu'on gère 500 vaches ? Et ne l'est–on pas quand on en exploite 100 ? Alors, où est la frontière ? Est-on industriel dès qu'on a 10 salariés ? Mais dix exploitants, est-ce mieux qu'un exploitant avec neuf salariés ? Dans la Creuse, un bon nombre d'éleveurs se regroupent pour créer un centre d'engraissement de bovins. Plutôt que de les envoyer en Italie pour être finis avant de nous revenir sous forme de viande. Le projet de la Creuse, si industriel soit-il, c'est de la relocalisation. Faut-il le condamner parce qu'il s'agit d'une exploitation « industrielle ». En viticulture, les vignerons particuliers emploient souvent des salariés. Saisonniers ou permanents. Et ils ont souvent des unités d'embouteillage parce que la mise en bouteille sur l'exploitation est un gage de qualité, de contrôle. On n'est pas très loin de l'industrie. Alors faut-il l'accepter ici et la condamner là ? Et puis, c'est si mal que cela, l'industrie ? En France, on adore les concepts un peu vagues qui ont pour seul mérite qu'on peut les contester sans trop se poser de questions.
Salon de l'innovation et de l'agroécologie
Ces questions de revendication levées, le dialogue FNSEA-pouvoirs publics renforcé, le Salon de l'agriculture 2015 devenait un salon tourné résolument vers l'innovation et l'agroécologie cher au ministre de l'Agriculture. Initiatives public-privé sur le biocontrôle, collaborations entre instituts de recherche et coopératives (Inra-Agrial par exemple), accords entre chambres d'agriculture et instituts (Chambres d'agriculture-Institut de l'élevage), initiatives pédagogiques sur l'agroécologie ou sur le machinisme agricole (Lassale Beauvais), présentations de technologies nouvelles (utilisation des drones) ou, au Sima, de machines adaptées à des économies d'intrants… le couple Salon de l'agriculture-Sima s'apparentait à un lieu de réflexion et de travail sur les nouvelles technologies en agriculture et le rôle que celle-ci peut jouer dans la réduction des effets de serre. Un salon moins politique, en dépit de l'incroyable quantités de visites d'hommes et de femmes politiques, un salon plus studieux. Exactement ce que désiraient les pouvoirs publics… à quelques semaines d'échéances électorales.
Bovins : une dizaine de contrats par jour négocié
« J'ai été très frappé cette année du nombre de visiteurs étrangers au Salon de l'agriculture », s'est exclamé Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine (FNB), le 26 février. « Au moins une dizaine de contrats ont été signés par jour aussi bien pour de l'export en vif qu'en viande. Voilà bien une preuve de la qualité de nos races à viande en France ». Il rappelle également à quel point le salon est un lieu de négociations et d'échanges tout au long de la filière afin d'interpeller sur la situation dramatique des éleveurs. « En 2015, ça passe ou ça casse ! Tant que les éleveurs n'ont pas plus de visibilité sur leur revenu avec la Pac et les cours, je leur conseille vivement d'arrêter d'investir. Ils doivent se mettre en observation pour sauver leurs fermes », affirme-t-il avec force. « Une crise qui dure, cela s'appelle une mutation ! », conclut-il. A la FNB, le résultat de l'audit demandé au ministère de l'Agriculture est attendu avec impatience d'ici un mois afin de « pouvoir enfin démontrer qu'il ne s'agit pas d'une crise conjoncturelle mais structurelle. »
691.000 visiteurs au Salon de l’Agriculture
Avec 691.000 visiteurs, le Salon internationale de l’agriculture qui a fermé ses portes le 1er mars, reste l’un des évènements préférés des Français. Certes, la fréquentation est un peu moins importante que celle de 2014 qui avec 703.000 avait battu le record des visiteurs. Les organisateurs sont néanmoins satisfaits, la crainte était que les attentats de Janvier à Paris et le plan Vigipirate décourage les Parisiens et les provinciaux. Il n’en a rien été. « Ces chiffres confirment que le salon reste un temps fort pour tous les Français. Il occupe une place majeure pour garder le contact avec la filière et donner des réponses à une partie de la population », s’est félicité Jean-Luc Poulain, le président du Ceneca et du Salon de l’Agriculture. L’édition 2015 n’a pas failli à la tradition. Elle a vu défiler les principaux responsables politiques de notre pays. Du président de la République, aux responsables de partis, en passant par le Premier ministre et de nombreux ministres du Gouvernement, tous ont tenu à arpenter les allées du salon.