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FDSEA de Saône-et-Loire

Sans concession, droit dans ses bottes

Le 4 avril à Ouroux-sur-Saône se tenait l’assemblée générale de la FDSEA de Saône-et-Loire. Une AG marquée par une année 2024 ponctuée de crises (sanitaires, climatiques, économiques…), de manifestations agricoles et colères non calmées (loup, Mercosur…), en raison du désordre politique aux niveaux national (retraites, simplification…) et régional (Feader…). Petit florilège des sections et commissions.

Par Cédric Michelin
Sans concession, droit dans ses bottes

Le président de la FDSEA de Saône-et-Loire avait prévenu, même à 80 ans en 2025, la vie de la FDSEA « n’est pas un long fleuve tranquille », c’est le moins que l’on puisse dire, et 2024 a été intense avec des manifestations historiques (lire aussi en page 2). Lors de la partie publique de l’Assemblée générale, de nombreux messages ont été passés, notamment aux élus présents, avec des réclamations explicites aux députés Dirx et Michoux. Parfois, les mêmes que celles réclamées au préfet et ses directions départementales. Sans oublier, des remerciements faits à d’autres, comme aux Maires ruraux, pompiers, gendarmes et au Département, tous représentés.

Mais bien que le ton soit toujours respectueux, marque de fabrique du « syndicalisme de solutions », les phrases prononcées sont pleines de puissance pour qui les décryptent bien.

Premier à s’exprimer, le secrétaire général, Anton Andermatt qui a été au cœur de l’organisation des manifestations historiques de 2024, « main dans la main » avec les JA71. « Une année syndicale, dans un climat tendu en raison d’une année rendue difficile avec le climat, le sanitaire et la situation politique inédite dans la Ve République ». Il donnait quelques grandes dates qui ont marqué les esprits depuis l’opération des panneaux retournés « on marche sur la tête » dès fin 2023 jusqu’au blocage de l’autoroute A6 à Tournus « pendant 5 jours, inédit, où on s’est aussi bien amusés ». Mais ce fut ce coup de force qui a été le carburant pour négocier « grâce à votre mobilisation », remerciait-il tous ceux qui ont pris sur leur temps de travail et personnel.

Ne pas abuser sur l’environnement

Le secrétaire général adjoint, Benoit Regnault donnait ensuite des exemples de négociations engagées qui ont abouti à des avancés. Lui qui participe tous les mois à la commission Environnement à la FNSEA, il voit s’accumuler nombre de lois, partant de l’Europe parfois aussi. « Sur les nitrates, l’Europe voulait classer 27 % du territoire en BCAE 2, pour rajouter la protection des tourbières. On respecte les règles démocratiques mais en France, avec toutes nos zones Natura 2000, nos lois sur l’eau… on a dit au Ministère de l’Environnement qu’il exagérait », pour ramener ce taux à 0,7 %. Autre exemple, celui de la BCAE 7, obligeant la rotation des cultures tous les 4 ans a minima, « contradictoire des filières qui se développent ». En 2025, ces dernières pourront déroger pour répondre aux marchés. Enfin, la BCAE8 sur la gestion des haies fut « un vrai scandale pour notre bocage », alors que la Ligue de protection des oiseaux (LPO) avait « imposé des dates » de non-entretien. « On enlève ces règles et on ne veut plus avoir besoin de demander des dérogations tous les ans », affirme-t-il. Le plus dur sera sans doute autour des questions phytosanitaires. « Le seul règlement n’est désormais plus à la Direction générale Agriculture, ni DG Environnement mais à la DG Santé […] qui n’écoute personne », s’attend-il à une loi contraignante, bien que la FNSEA discute avec les sages du Sénat, qui a pris l’ascendant sur l’Assemblée nationale.

Fidéliser les emplois

L’agriculture et la viticulture sont aussi en pourparlers avec les Ministères de l’Économie et de l’emploi. Président de la commission Emploi, Bernard Moreau estime que l’emploi agricole dans le département est de l’ordre de 3.000 équivalents temps plein, soulignant ainsi son importance. Le nombre de salariés est amené à progresser avec « la diversification, la transformation, la commercialisation… » dans les exploitations, pas forcément toujours plus grandes. En face, « la Deets (direction de l’emploi) est l’administration dans toute sa splendeur et on doit chaque année renégocier les temps de travaux et l’hébergement des saisonniers notamment pendant vendanges et l’arrêté de 1972 jamais remis en question » pour autoriser le logement sous tente notamment. « Les viticulteurs sont chaud bouillants face à cette distorsion de concurrence », qui laisse de plus en plus de saisonniers et vignerons dans des situations « inacceptables » à défaut d’empêcher les hébergements « sauvages ».

Car, la véritable bataille de l’emploi n’est plus le chômage de masse désormais, avec des entrées dans le marché du travail inférieures aux sorties en retraites, mais bien « le recrutement, la fidélisation pour ne pas avoir besoin de remplacer et donc une question de management et de salaires », travaille-t-il avec le service emploi ou le GIE Agri Emploi Rural 71. Malgré un « essor considérable », avec 120 adhérents et 80 ETP à l’année, sa « limite est qu’on ne trouve pas de salariés », pas plus que France Emploi alors que le travail du « vivant n’attend pas ». Les agriculteurs se tournent alors vers des prestataires dont certains sont « véreux », faisant peser des risques sur le donneur d’ordre, l’agriculteur employeur. Bernard Moreau propose « un système de labellisation des prestataires », comme il en existe pour la formation (Qualiopi). Dernière mise en garde sur l’emploi, « l’évolution de la grille des salaires qui a pris + 15 % en 4 ans, soit l’inflation avec un coup de pouce ».

Charges en forte hausse

Pas de quoi rassurer, Cédric Tissot, vice-président, éleveur laitier qui certes « se réjouit du rebond inimaginable des cours du lait à + 500 €/t » mais qui dans le même temps voit surtout « ses revenus amputés par des charges devenues incontrôlables et des marchés céréaliers incertains » avec les décisions géopolitiques. Des charges qu’il estimait en hausse « de + 25 à + 35 % » déjà depuis les années Covid, prenant pour exemple des prix « jamais auparavant si élevés » de doses de maïs, de phytos, d’assurance et surtout des « charges de mécanisation au summum, des pièces de rechange mettant à mal la trésorerie, rendant impossible tout renouvellement, même en Cuma ». Pourtant, il plaidait pour cette dernière solution et sur une « épargne de précaution » pour éviter le décalage « entre charges fiscales, MSA et impôts » qui viennent amplifier les effets ciseaux entre « bonne et mauvaise » années, confirmait Dominique Bossong, le président de la MSA Bourgogne. Voter aux élections MSA est aussi se donner une chance de plaider en ce sens, à l’encontre du régime général de la Sécurité sociale qui n’en aura que faire des variabilités de l’agriculture.

« On ne lâche rien »

Viticulteur et président de l’Union viticole 71, Patrice Fortune ne le sait que trop bien après une campagne 2024 marquée par un peu de gel et de grêle mais surtout une « forte pression maladie » avec par endroits des volumes de récolte identiques à 2021. « Heureusement, août nous a sauvés avec en prime, un bonus qualité ». Il s’est battu, avec Robert Martin à ses côtés pour les propriétaires, pour obtenir des dégrèvements TFNB et s’attelle au « chantier de la révision de l’arrêté fermage datant de 2006 », avec Pascal Cottenceau, nouveau président de la section des propriétaires ruraux. Il citait les avancées qui sont les plus importantes à ses yeux pour la compétitivité, à l’heure des taxes Trump, comme la défiscalisation du GNR (21 centimes par litre), le maintien du TODE (150 € par employé/mois), la réautorisation du glyphosate pour 10 ans, la suppression du conseil stratégique (CSP), les aides urgentes pour la bio, pour l’arrachage, la suppression de la taxe pour pollution diffuse… « Le travail continue et on ne lâche rien ».

Dossier loup « hypercomplexe »

Lui non plus ne lâche rien et pourtant, nombre de pro-loups voudrait le voir capituler. Président de la section ovine, Alexandre Saunier ne désarmera jamais face à la prédation des loups, qui est plus que de passage désormais en Saône-et-Loire, front de colonisation depuis 2019. « Et depuis 2020, on se coltine un schéma compliqué », fait de règles aberrantes pour protéger ce prédateur qui n’est plus une espèce en voie de disparition. Avec JA et la chambre d’Agriculture, ils cherchent des « solutions pour que les éleveurs vivent le moins mal possible », faute de mieux avec la réglementation actuelle, « et pour sortir de ce fléau » en déclassant le loup dans la Convention de Berne et la Directive Habitat. 2024 aura été particulièrement mortelle pour l’élevage ovin avec notamment un « loup installé sur le secteur de Morey ». Tiré et compté officiellement comme mort, le « boiteux ou loup à trois pattes » a été finalement « retrouvé mort fin février » après 18 mois malgré les bonnes volontés, affichées tout du moins, de la préfecture, de la DDT, de l’OFB, des louvetiers, des chasseurs et des éleveurs prédatés et leurs « voisins ». Alors que tous les éleveurs sont pour des tirs de défense simplifiés, le plan Loup vient toujours « compliquer » la donne. « Sur cette zone, après ces deux années, ces communes sont passées en cercle 1 donc elles montent en grade dans les exigences de la loi obligeant à se protéger encore plus. C’est encore plus complexe même s’il y a plus de moyens financiers pour payer un berger ou l’éleveur. Reste que le montage du dossier est hypercomplexe ».

Pour des victoires collectives

Pas plus simple du côté sanitaire. Président du GDS, Julien Chardeau parlait des maladies vectorielles (FCO, MHE…). « On doit tirer les leçons de ces crises sanitaires », prévenait-il avant. « La vérité est qu’on a — tous — trop attendu d’être confronté à la maladie pour réagir », malgré les recommandations. Résultats, de forts taux de mortalités, des veaux non viables, une baisse de la production laitière… « Au GDS, on dit de blinder l’immunité des animaux, avec des oligoéléments aussi pour avoir des animaux en bonne santé au moment des lâchers ». La vaccination est fortement recommandée, encore faut-il avoir les doses… Au-delà de ce printemps, Julien Chardeau met en garde. « Il va falloir apprendre à vivre avec le changement climatique et la présence des culicoïdes » (insectes piqueurs vecteurs des maladies). Et de faire un parallèle entre syndicalisme et GDS. « On partage les valeurs de mutualisme, de collectif, pas seulement entre éleveurs mais aussi entre structures (OPA) pour prendre le relais de la solidarité quand un éleveur à un genou à terre », lui qui défend aussi les conseils « neutres et impartiaux » du GDS sur le volet sanitaire. Une « complémentarité » avec le syndicalisme pour que « les victoires soient collectives », ce qui est bien l’objectif final pour le sanitaire comme pour tous les autres dossiers.

AG FDSEA