Pâturage et système fourrager
Ensiler des céréales immatures
Ensiler des céréales immatures est une solution pour reconstituer des stocks et installer plus rapidement une interculture de fourrage à utiliser à l’automne. L’ensilage de céréales immatures est surtout l’une des premières solutions qui peuvent être mises en œuvre face à une sécheresse de printemps.

L’alternative à la récolte en grains doit être raisonnée en tenant compte de :
- la situation actuelle de la culture et la possibilité d’évolution du rendement entre le stade immature et l’arrivée à maturité
- l’état des stocks et du besoin en fourrages fibreux
- des possibilités de réussite d’un fourrage en culture dérobée
L’ensilage doit être réalisé au stade laiteux-pâteux. A ce stade, la digestibilité et l’ingestibilité sont encore assez élevées, et les rendements sont les plus importants, de 8 à 12 t MS/ha au champ en une seule coupe. Le rendement en ensilage, un mois avant la récolte en grains, représente 170 % du rendement en grains. Pour un rendement en grains attendu de 60 q, on peut espérer 10 t MS de fourrage, desquelles il faut déduire 15 % de pertes pour évaluer le rendement final, soit 8,5 t MS/ha.
Pour 2011, le développement des céréales étant compromis, il faudra retirer 10 à 30 % à cette prévision. La surface de céréales à ensiler dépend du rendement et de l’état des stocks fourragers de l’exploitation. Pour alimenter un troupeau de 50 vaches pendant 3 mois, il faut récolter entre 6 à 7,5 ha de céréales pour un rendement de 7,5 t MS récoltée/ha.
Ensiler des céréales au stade immature ou les garder jusqu’à la récolte en grains ?
En conditions normales de végétation, l’ensilage de céréales (blé, orge ou triticale) au stade immature ne se justifie que s’il est suivi d’une culture dérobée mise en place précocement pour assurer un stock de fourrage important à l’automne. Sinon, mieux vaut conduire la culture à son terme pour récolter la paille et le grain. L’évaluation de ce qu’il y a à gagner ou à perdre dans les deux cas peut être modifiée par les conditions particulières de cette année.
Les différentes raisons pouvant conduire à récolter son blé en ensilage :
* reconstituer rapidement des stocks fourragers dans les situations où il manque des fourrages fibreux pour équilibrer les rations. Dans tous les systèmes qui tendent à manquer de foin ou d’ensilage d’herbe en situation de croisière, le problème va être aggravé cette année, et les possibilités de compenser par des achats extérieurs d’aliments fibreux (foin, pulpe ou luzerne déshydratée, …) seront sans doute coûteuses
* libérer plus rapidement les terres pour implanter une culture dérobée qui ait plus de chances de fournir un fourrage à pâturer ou à récolter à l’automne. Cette opportunité est à analyser localement, dans les situations où le retour d’une meilleure situation hydrique bénéficierait plus à une culture de type sorgho fourrager qu’à la céréale en place.
* valoriser un potentiel de végétation sur pied alors que les perspectives de rendement en grains sont mauvaises. Ce peut être le cas de céréales qui n’avaient pas souffert jusqu’à la montaison, dont le développement des pailles n’a pas été freiné, mais dont le remplissage des grains est maintenant fortement compromis (stades de végétation avancés en terrains superficiels).
Le risque principal de cette option est de perdre la valeur commerciale de la récolte potentielle en grain, fonction de la perte possible de rendement et de l’évolution des marchés à venir.
Les raisons qui conduisent à garder la céréale jusqu’à la récolte en grains :
* le produit paille + grains représente une ressource fourragère plus importante que l’équivalent ensilé
* la paille pourra être utilisée comme support de rations permettant d’utiliser des concentrés ou des coproduits à faible teneur en fibres disponibles localement (mélasse, retraits de pomme de terre, corn gluten feed, drèches, …)
* les céréales peuvent remplacer, dans une certaine mesure, les fourrages manquants. Elles s’associent bien aux ensilages d’herbe pour les catégories d’animaux à fort besoins. Avec de la paille et des tourteaux de colza, elles peuvent également constituer des rations adaptées aux catégories d’animaux à besoins modérés. Ces options permettent de rationner plus sévèrement les fourrages récoltés et de réaffecter les stocks existants pour les réserver aux catégories qui les valoriseront le mieux
* de plus, la précocité annoncée des dates de récolte permet d’envisager la mise en place de cultures dérobées potentiellement utilisables cet automne dans le cas où la situation hydrique s’améliorerait
Le risque principal de cette option est le "manque à gagner en fourrages" en cas de retour de conditions hydriques favorables aux cultures d’été.
Le bilan des opportunités et des risques, propres à chaque option, est à faire au cas par cas en fonction de la situation des stocks, de la situation des cultures en place et des exigences alimentaires propres à chaque exploitation. La diversité des cas de figure ne permet pas de donner de recommandation générale.
Récolter au stade laiteux-pâteux, sans se faire dépasser
La part de l’épi dans la MS de la plante évolue de 15 % à la floraison à 50-60 % environ au stade pâteux. Dans la même période, la teneur en MS de la plante passe de 15-20 % à la floraison à 30-40 % au stade pâteux, avant d’augmenter très rapidement. La récolte doit se faire au stade laiteux-pâteux car au-delà, la conservation devient plus difficile (tiges creuses et lignifiées) et les quantités ingérées chutent, bien que la valeur énergétique reste constante s’il n’y a pas perte de grains au sol lors de la récolte.
Il est recommandé de récolter le blé 30 à 40 jours après la floraison, soit 3 à 4 semaines avant la récolte en grains, lorsque le grain s’écrase encore facilement et que la plante commence à jaunir (30-35 % MS) (ce qui correspond à environ 410 degrés-jours (base 0) après le début de l’épiaison pour le blé). Attention, cette année les stades de floraison et d’épiaison ont pu être plus précoces ; il faut donc être vigilant plus tôt, en surveillant déjà les céréales encore vertes. Pour l’orge et le triticale, on conseille d’ensiler 15 à 20 jours après la floraison du fait de la présence des barbes qui peuvent irriter les muqueuses (25 % MS).
Le bon stade pour l’ensilage est très court : il dure moins d’une semaine. Il faut s’organiser pour éviter de se faire piéger par la pousse quitte à commencer un peu plus tôt.
Attendre 3 à 4 semaines après tout traitement phytosanitaire
Les céréales traitées par des fongicides 3 semaines avant la date de récolte prévue ou par des insecticides 4 ou 5 semaines avant la récolte (selon le produit, décrit dans le mode d’emploi) ne doivent pas être ensilées. En effet, la plupart des matières actives contenues dans ces produits perturbent les fermentations en silo et risquent de laisser des résidus qui pourraient passer dans le lait.
En cas de traitement récent, il vaut mieux laisser mûrir la céréale pour la récolter en grains.
Une céréale assurée sur les risques climatiques pour du grain l’est-elle toujours si elle est ensilée en céréale immature ? Pour Groupama, la réponse est oui.
La méthode de détermination de l’indemnisation de la perte se fait par expertise du silo et l’application d’un coefficient (apparemment variable) d’équivalence en grain. Le résultat est à comparer au rendement assuré. Pour cela, il faut prendre contact avec l’expert avant de prendre toute décision ; si celui-ci donne son accord pour l’ensilage, l’assurance récolte fonctionnera.
Si cette démarche n’est pas faite il pourrait y avoir défaut au niveau de l’assuré qui risquerait de ne pas être indemnisé.
Hacher fin et bien tasser
L’ensilage de céréales immatures se conserve bien à condition de ne pas récolter au-delà de 35 % de MS et de hacher fin de 1 à 2 cm. Cette finesse facilite le tassement et permet d’améliorer les quantités ingérées. Il est nécessaire de régler et d’aiguiser les couteaux au moins 2 fois par jour.
En cas de récolte tardive, au-delà de 40 % de MS, le tassement devient plus difficile. La ré-humidification du fourrage n’est pas satisfaisante. On peut apporter un agent conservateur d’ensilage (de type eau + acide propionique) pour améliorer la conservation après ouverture.
Assurer une bonne finition du silo
Le tassement énergique d’un fourrage à moins de 35 % MS et la fermeture le jour même du silo avec une bâche plastique neuve labellisée, protégée par une seconde bâche et ceinturée par des boudins répartis autour et en travers du silo, restent des mesures indispensables.
Ajuster la taille du silo à la vitesse d’utilisation
Pour éviter que le front d’attaque de l’ensilage ne réchauffe après l’ouverture du silo, la vitesse d’avancement doit être rapide : supérieure à 15-20 cm par jour selon la région. En période chaude, il faudra dépasser 20 cm voire atteindre 40 cm/jour. Pour avancer vite, la hauteur du silo doit être comprise entre 1 et 1,5 m. Dans tous les cas, il faut bien charger le front d’attaque pour éviter son réchauffement prématuré.
La densité d’un silo de céréales immatures est d’environ 180 kg MS/m3. Elle est très variable, de 150 à 200 kg MS/m3, et d’autant plus basse que la teneur en MS est élevée. En silo taupinière, la densité est souvent inférieure à celle observée en silo couloir (environ 30 kg de MS/m3 de moins) en lien avec la difficulté de tassement.
La mise en silo couloir permet de stocker différents fourrages en couches (« silo sandwich »), par exemple la céréale immature sur de l’ensilage d’herbe, ou de l’ensilage de maïs sur de la céréale immature. C’est pratique pour la reprise et économique en place nécessaire pour le stockage. Les proportions des 2 ensilages sont fixes ; il ne faut pas dépasser un tiers de hauteur de silo de céréale immature par rapport au maïs destiné aux vaches laitières, par exemple.
Une valeur énergétique modeste, mais une bonne ingestibilité
L’ingestibilité (valeurs UE) d’une céréale immature coupée fin est analogue ou supérieure à celle d’un ensilage de maïs à 25-30 % MS (cf. tableau 1). En revanche, la valeur énergétique est 25 à 30 % inférieure à celle d’un maïs : selon les céréales, elle est de 0,65 à 0,70 UFL, et de 0,55 à 0,60 UFV. Elle dépend de la teneur en grains de la plante. La valeur azotée est équilibrée (PDIN proche de PDIE) et semblable (environ 60 g PDIE) à celle d’un ensilage de maïs (voir tableau 1).
La valeur énergétique de l’ensilage de céréale (0,70 UFL) est inférieure à celle de la valeur pondérée des deux parties "grain + paille" récoltées séparément. Néanmoins, il se peut que nos tables soient plus pessimistes que celles utilisées dans le nord-ouest de l’Europe qui annoncent une valeur UFL de 0,80. En année non exceptionnelle, le bilan énergétique comparé d’un blé récolté en grains (60 q/ha et 4 t de paille/ha) au même blé récolté en ensilage (8,5 t MS/ha) est favorable au grain + paille (7 600 UFL/ha) par rapport à l’ensilage (5 950 UFL/ha).
Une analyse pour savoir
Pour obtenir les valeurs nutritives d’un ensilage de céréales immatures, il suffit de prélever un échantillon du fourrage vert à la mise en silo. Ceci permet aussi de disposer de l’information à l’ouverture du silo. Pour obtenir une bonne représentation du fourrage récolté, prélever 2 ou 3 poignées de fourrage à chaque remorque, les stocker dans un récipient propre, à l’abri du vent et du soleil. A la fin du chantier, mélanger l’ensemble, prélever et bien tasser 1 kg de fourrage vert dans un sac plastique épais et fermer hermétiquement. Indiquer sur l’étiquette la nature de l’échantillon (espèce, date et conditions de récolte…). Congeler ou acheminer immédiatement au laboratoire.
Les indications, portées sur l’étiquette de l’échantillon, permettent aux laboratoires départementaux d’analyse d’utiliser les bonnes équations de prévision de calcul de la valeur alimentaire de ce type de fourrage.
Bien cibler l’utilisation par les animaux
La valeur alimentaire de ces ensilages conduit à les réserver en priorité aux animaux à besoins limités : génisses de plus de 6 mois, vaches taries, vaches laitières en seconde moitié de lactation. On peut aussi distribuer cet ensilage en quantité limitée, en ration mixte avec un bon fourrage.
* sur génisses laitières d’un an et plus, la distribution à volonté, avec 0,6 kg de concentré (de 0,15 avec urée à 1,6 kg) permet une croissance moyenne de 730 g/ jour (580 à 950 g/j) selon l’ingestibilité de la céréale ensilée (essais Institut de l’Elevage, EDE du Finistère et des Côtes d’Armor)
* pour les vaches laitières, l’ingestion d’ensilage de céréales immatures comme fourrage unique est de 10 à 12 kg MS/jour. La production laitière est analogue à celle obtenue avec un ensilage d’herbe, avec une chute dans le cas où le stade laiteux-pâteux est dépassé à la récolte. Une complémentation énergétique et azotée est nécessaire, à calculer selon la stratégie de production choisie. En introduisant 3 à 5 kg MS d’ensilage de céréales immatures dans une ration à base d’ensilage de maïs, il est observé une aussi bonne efficacité de la ration intégrant de la céréale. L’introduction de céréale immature dans une ration avec de l’ensilage d’herbe est judicieuse, sur le plan de la valorisation combinée des 2 fourrages. La teneur en MS plus élevée de la céréale favorise l’ingestion sans modification de production laitière. Cela nécessite l’ouverture simultanée de deux silos, à moins d’avoir constitué un silo "sandwich"
* pour les taurillons, les différents essais réalisés par l’Institut de l’Elevage montrent que les céréales immatures distribuées en fourrage unique permettent de bonnes performances à condition d’apporter 1 kg de tourteau de soja et environ 3 kg de céréales
* en élevage ovin viande, la céréale immature est sans intérêt dans les systèmes herbagers en année climatique non exceptionnelle. Cette année, compte tenu du prix des céréales et de la paille, il est plutôt conseillé de conserver une récolte en grains pour les céréales en place sauf dans deux situations : des prévisions de stocks hivernaux très déficitaires pour des systèmes de production basés sur des quantités de fourrages stockés importants d’une part ; des céréales dont le rendement apparaît d’ores et déjà très mauvais d’autre part. L’ensilage de céréales immatures nécessite des équipements spécifiques à la distribution et une avancée rapide du silo lors de son utilisation. Cette alternative ne peut donc se justifier que dans les exploitations déjà équipées. Cet ensilage autorise alors l’implantation, dès le mois de juin, d’une culture fourragère dérobée à fort rendement.
* en élevage caprin, l’ensilage de céréales immatures n’est conseillé qu’au stade optimal déjà défini, sinon, il est préférable de récolter la paille et le grain à maturité. Si le grain est quasi absent, il est conseillé de faire du foin de céréale immature à la place de l’ensilage
En conclusion
Les céréales immatures permettent de combler un déficit fourrager, et sont à réserver aux animaux à plus faibles besoins. Les aliments ainsi économisés peuvent être destinés aux animaux à forts besoins. Ce transfert de stocks nécessite d’estimer régulièrement le bilan fourrager de l’exploitation, par catégorie d’animaux. Cependant, la décision d’ensiler dépend beaucoup de l’analyse de risque développée sur l’exploitation en fonction des caractéristiques des sols et de la répartition des cultures.
- la situation actuelle de la culture et la possibilité d’évolution du rendement entre le stade immature et l’arrivée à maturité
- l’état des stocks et du besoin en fourrages fibreux
- des possibilités de réussite d’un fourrage en culture dérobée
L’ensilage doit être réalisé au stade laiteux-pâteux. A ce stade, la digestibilité et l’ingestibilité sont encore assez élevées, et les rendements sont les plus importants, de 8 à 12 t MS/ha au champ en une seule coupe. Le rendement en ensilage, un mois avant la récolte en grains, représente 170 % du rendement en grains. Pour un rendement en grains attendu de 60 q, on peut espérer 10 t MS de fourrage, desquelles il faut déduire 15 % de pertes pour évaluer le rendement final, soit 8,5 t MS/ha.
Pour 2011, le développement des céréales étant compromis, il faudra retirer 10 à 30 % à cette prévision. La surface de céréales à ensiler dépend du rendement et de l’état des stocks fourragers de l’exploitation. Pour alimenter un troupeau de 50 vaches pendant 3 mois, il faut récolter entre 6 à 7,5 ha de céréales pour un rendement de 7,5 t MS récoltée/ha.
Ensiler des céréales au stade immature ou les garder jusqu’à la récolte en grains ?
En conditions normales de végétation, l’ensilage de céréales (blé, orge ou triticale) au stade immature ne se justifie que s’il est suivi d’une culture dérobée mise en place précocement pour assurer un stock de fourrage important à l’automne. Sinon, mieux vaut conduire la culture à son terme pour récolter la paille et le grain. L’évaluation de ce qu’il y a à gagner ou à perdre dans les deux cas peut être modifiée par les conditions particulières de cette année.
Les différentes raisons pouvant conduire à récolter son blé en ensilage :
* reconstituer rapidement des stocks fourragers dans les situations où il manque des fourrages fibreux pour équilibrer les rations. Dans tous les systèmes qui tendent à manquer de foin ou d’ensilage d’herbe en situation de croisière, le problème va être aggravé cette année, et les possibilités de compenser par des achats extérieurs d’aliments fibreux (foin, pulpe ou luzerne déshydratée, …) seront sans doute coûteuses
* libérer plus rapidement les terres pour implanter une culture dérobée qui ait plus de chances de fournir un fourrage à pâturer ou à récolter à l’automne. Cette opportunité est à analyser localement, dans les situations où le retour d’une meilleure situation hydrique bénéficierait plus à une culture de type sorgho fourrager qu’à la céréale en place.
* valoriser un potentiel de végétation sur pied alors que les perspectives de rendement en grains sont mauvaises. Ce peut être le cas de céréales qui n’avaient pas souffert jusqu’à la montaison, dont le développement des pailles n’a pas été freiné, mais dont le remplissage des grains est maintenant fortement compromis (stades de végétation avancés en terrains superficiels).
Le risque principal de cette option est de perdre la valeur commerciale de la récolte potentielle en grain, fonction de la perte possible de rendement et de l’évolution des marchés à venir.
Les raisons qui conduisent à garder la céréale jusqu’à la récolte en grains :
* le produit paille + grains représente une ressource fourragère plus importante que l’équivalent ensilé
* la paille pourra être utilisée comme support de rations permettant d’utiliser des concentrés ou des coproduits à faible teneur en fibres disponibles localement (mélasse, retraits de pomme de terre, corn gluten feed, drèches, …)
* les céréales peuvent remplacer, dans une certaine mesure, les fourrages manquants. Elles s’associent bien aux ensilages d’herbe pour les catégories d’animaux à fort besoins. Avec de la paille et des tourteaux de colza, elles peuvent également constituer des rations adaptées aux catégories d’animaux à besoins modérés. Ces options permettent de rationner plus sévèrement les fourrages récoltés et de réaffecter les stocks existants pour les réserver aux catégories qui les valoriseront le mieux
* de plus, la précocité annoncée des dates de récolte permet d’envisager la mise en place de cultures dérobées potentiellement utilisables cet automne dans le cas où la situation hydrique s’améliorerait
Le risque principal de cette option est le "manque à gagner en fourrages" en cas de retour de conditions hydriques favorables aux cultures d’été.
Le bilan des opportunités et des risques, propres à chaque option, est à faire au cas par cas en fonction de la situation des stocks, de la situation des cultures en place et des exigences alimentaires propres à chaque exploitation. La diversité des cas de figure ne permet pas de donner de recommandation générale.
Récolter au stade laiteux-pâteux, sans se faire dépasser
La part de l’épi dans la MS de la plante évolue de 15 % à la floraison à 50-60 % environ au stade pâteux. Dans la même période, la teneur en MS de la plante passe de 15-20 % à la floraison à 30-40 % au stade pâteux, avant d’augmenter très rapidement. La récolte doit se faire au stade laiteux-pâteux car au-delà, la conservation devient plus difficile (tiges creuses et lignifiées) et les quantités ingérées chutent, bien que la valeur énergétique reste constante s’il n’y a pas perte de grains au sol lors de la récolte.
Il est recommandé de récolter le blé 30 à 40 jours après la floraison, soit 3 à 4 semaines avant la récolte en grains, lorsque le grain s’écrase encore facilement et que la plante commence à jaunir (30-35 % MS) (ce qui correspond à environ 410 degrés-jours (base 0) après le début de l’épiaison pour le blé). Attention, cette année les stades de floraison et d’épiaison ont pu être plus précoces ; il faut donc être vigilant plus tôt, en surveillant déjà les céréales encore vertes. Pour l’orge et le triticale, on conseille d’ensiler 15 à 20 jours après la floraison du fait de la présence des barbes qui peuvent irriter les muqueuses (25 % MS).
Le bon stade pour l’ensilage est très court : il dure moins d’une semaine. Il faut s’organiser pour éviter de se faire piéger par la pousse quitte à commencer un peu plus tôt.
Attendre 3 à 4 semaines après tout traitement phytosanitaire
Les céréales traitées par des fongicides 3 semaines avant la date de récolte prévue ou par des insecticides 4 ou 5 semaines avant la récolte (selon le produit, décrit dans le mode d’emploi) ne doivent pas être ensilées. En effet, la plupart des matières actives contenues dans ces produits perturbent les fermentations en silo et risquent de laisser des résidus qui pourraient passer dans le lait.
En cas de traitement récent, il vaut mieux laisser mûrir la céréale pour la récolter en grains.
Une céréale assurée sur les risques climatiques pour du grain l’est-elle toujours si elle est ensilée en céréale immature ? Pour Groupama, la réponse est oui.
La méthode de détermination de l’indemnisation de la perte se fait par expertise du silo et l’application d’un coefficient (apparemment variable) d’équivalence en grain. Le résultat est à comparer au rendement assuré. Pour cela, il faut prendre contact avec l’expert avant de prendre toute décision ; si celui-ci donne son accord pour l’ensilage, l’assurance récolte fonctionnera.
Si cette démarche n’est pas faite il pourrait y avoir défaut au niveau de l’assuré qui risquerait de ne pas être indemnisé.
Hacher fin et bien tasser
L’ensilage de céréales immatures se conserve bien à condition de ne pas récolter au-delà de 35 % de MS et de hacher fin de 1 à 2 cm. Cette finesse facilite le tassement et permet d’améliorer les quantités ingérées. Il est nécessaire de régler et d’aiguiser les couteaux au moins 2 fois par jour.
En cas de récolte tardive, au-delà de 40 % de MS, le tassement devient plus difficile. La ré-humidification du fourrage n’est pas satisfaisante. On peut apporter un agent conservateur d’ensilage (de type eau + acide propionique) pour améliorer la conservation après ouverture.
Assurer une bonne finition du silo
Le tassement énergique d’un fourrage à moins de 35 % MS et la fermeture le jour même du silo avec une bâche plastique neuve labellisée, protégée par une seconde bâche et ceinturée par des boudins répartis autour et en travers du silo, restent des mesures indispensables.
Ajuster la taille du silo à la vitesse d’utilisation
Pour éviter que le front d’attaque de l’ensilage ne réchauffe après l’ouverture du silo, la vitesse d’avancement doit être rapide : supérieure à 15-20 cm par jour selon la région. En période chaude, il faudra dépasser 20 cm voire atteindre 40 cm/jour. Pour avancer vite, la hauteur du silo doit être comprise entre 1 et 1,5 m. Dans tous les cas, il faut bien charger le front d’attaque pour éviter son réchauffement prématuré.
La densité d’un silo de céréales immatures est d’environ 180 kg MS/m3. Elle est très variable, de 150 à 200 kg MS/m3, et d’autant plus basse que la teneur en MS est élevée. En silo taupinière, la densité est souvent inférieure à celle observée en silo couloir (environ 30 kg de MS/m3 de moins) en lien avec la difficulté de tassement.
La mise en silo couloir permet de stocker différents fourrages en couches (« silo sandwich »), par exemple la céréale immature sur de l’ensilage d’herbe, ou de l’ensilage de maïs sur de la céréale immature. C’est pratique pour la reprise et économique en place nécessaire pour le stockage. Les proportions des 2 ensilages sont fixes ; il ne faut pas dépasser un tiers de hauteur de silo de céréale immature par rapport au maïs destiné aux vaches laitières, par exemple.
Une valeur énergétique modeste, mais une bonne ingestibilité
L’ingestibilité (valeurs UE) d’une céréale immature coupée fin est analogue ou supérieure à celle d’un ensilage de maïs à 25-30 % MS (cf. tableau 1). En revanche, la valeur énergétique est 25 à 30 % inférieure à celle d’un maïs : selon les céréales, elle est de 0,65 à 0,70 UFL, et de 0,55 à 0,60 UFV. Elle dépend de la teneur en grains de la plante. La valeur azotée est équilibrée (PDIN proche de PDIE) et semblable (environ 60 g PDIE) à celle d’un ensilage de maïs (voir tableau 1).
La valeur énergétique de l’ensilage de céréale (0,70 UFL) est inférieure à celle de la valeur pondérée des deux parties "grain + paille" récoltées séparément. Néanmoins, il se peut que nos tables soient plus pessimistes que celles utilisées dans le nord-ouest de l’Europe qui annoncent une valeur UFL de 0,80. En année non exceptionnelle, le bilan énergétique comparé d’un blé récolté en grains (60 q/ha et 4 t de paille/ha) au même blé récolté en ensilage (8,5 t MS/ha) est favorable au grain + paille (7 600 UFL/ha) par rapport à l’ensilage (5 950 UFL/ha).
Une analyse pour savoir
Pour obtenir les valeurs nutritives d’un ensilage de céréales immatures, il suffit de prélever un échantillon du fourrage vert à la mise en silo. Ceci permet aussi de disposer de l’information à l’ouverture du silo. Pour obtenir une bonne représentation du fourrage récolté, prélever 2 ou 3 poignées de fourrage à chaque remorque, les stocker dans un récipient propre, à l’abri du vent et du soleil. A la fin du chantier, mélanger l’ensemble, prélever et bien tasser 1 kg de fourrage vert dans un sac plastique épais et fermer hermétiquement. Indiquer sur l’étiquette la nature de l’échantillon (espèce, date et conditions de récolte…). Congeler ou acheminer immédiatement au laboratoire.
Les indications, portées sur l’étiquette de l’échantillon, permettent aux laboratoires départementaux d’analyse d’utiliser les bonnes équations de prévision de calcul de la valeur alimentaire de ce type de fourrage.
Bien cibler l’utilisation par les animaux
La valeur alimentaire de ces ensilages conduit à les réserver en priorité aux animaux à besoins limités : génisses de plus de 6 mois, vaches taries, vaches laitières en seconde moitié de lactation. On peut aussi distribuer cet ensilage en quantité limitée, en ration mixte avec un bon fourrage.
* sur génisses laitières d’un an et plus, la distribution à volonté, avec 0,6 kg de concentré (de 0,15 avec urée à 1,6 kg) permet une croissance moyenne de 730 g/ jour (580 à 950 g/j) selon l’ingestibilité de la céréale ensilée (essais Institut de l’Elevage, EDE du Finistère et des Côtes d’Armor)
* pour les vaches laitières, l’ingestion d’ensilage de céréales immatures comme fourrage unique est de 10 à 12 kg MS/jour. La production laitière est analogue à celle obtenue avec un ensilage d’herbe, avec une chute dans le cas où le stade laiteux-pâteux est dépassé à la récolte. Une complémentation énergétique et azotée est nécessaire, à calculer selon la stratégie de production choisie. En introduisant 3 à 5 kg MS d’ensilage de céréales immatures dans une ration à base d’ensilage de maïs, il est observé une aussi bonne efficacité de la ration intégrant de la céréale. L’introduction de céréale immature dans une ration avec de l’ensilage d’herbe est judicieuse, sur le plan de la valorisation combinée des 2 fourrages. La teneur en MS plus élevée de la céréale favorise l’ingestion sans modification de production laitière. Cela nécessite l’ouverture simultanée de deux silos, à moins d’avoir constitué un silo "sandwich"
* pour les taurillons, les différents essais réalisés par l’Institut de l’Elevage montrent que les céréales immatures distribuées en fourrage unique permettent de bonnes performances à condition d’apporter 1 kg de tourteau de soja et environ 3 kg de céréales
* en élevage ovin viande, la céréale immature est sans intérêt dans les systèmes herbagers en année climatique non exceptionnelle. Cette année, compte tenu du prix des céréales et de la paille, il est plutôt conseillé de conserver une récolte en grains pour les céréales en place sauf dans deux situations : des prévisions de stocks hivernaux très déficitaires pour des systèmes de production basés sur des quantités de fourrages stockés importants d’une part ; des céréales dont le rendement apparaît d’ores et déjà très mauvais d’autre part. L’ensilage de céréales immatures nécessite des équipements spécifiques à la distribution et une avancée rapide du silo lors de son utilisation. Cette alternative ne peut donc se justifier que dans les exploitations déjà équipées. Cet ensilage autorise alors l’implantation, dès le mois de juin, d’une culture fourragère dérobée à fort rendement.
* en élevage caprin, l’ensilage de céréales immatures n’est conseillé qu’au stade optimal déjà défini, sinon, il est préférable de récolter la paille et le grain à maturité. Si le grain est quasi absent, il est conseillé de faire du foin de céréale immature à la place de l’ensilage
En conclusion
Les céréales immatures permettent de combler un déficit fourrager, et sont à réserver aux animaux à plus faibles besoins. Les aliments ainsi économisés peuvent être destinés aux animaux à forts besoins. Ce transfert de stocks nécessite d’estimer régulièrement le bilan fourrager de l’exploitation, par catégorie d’animaux. Cependant, la décision d’ensiler dépend beaucoup de l’analyse de risque développée sur l’exploitation en fonction des caractéristiques des sols et de la répartition des cultures.