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Génétique ovine

Des clés pour bien choisir ses béliers

Jeudi dernier, dans un élevage de l’Auxois-Morvan, éleveurs et futurs éleveurs ont pu se familiariser avec les outils génétiques des races ovines. 

Par Marc Labille
Des clés pour bien choisir ses béliers
Le Gaec du Moulin de Jonchery possède une troupe de 200 brebis croisées pour une production d’agneaux de boucherie livrés à Terre d’Ovins.

Le 26 janvier dernier, l’OS Mouton Charollais, les Chambres départementales et régionale d’agriculture et Terre d’Ovins organisaient une après-midi technique dans un élevage côte-d’orien. Soutenue par la Région Bourgogne Franche-Comté, cette réunion était accueillie par le Gaec du Moulin de Jonchery à Diancey (21) au nord d’Autun (lire encadré). Ouvert aux éleveurs ou futurs éleveurs de moutons de toutes races, ce rendez-vous a permis de se familiariser avec les outils de la génétique ovine, grâce notamment aux éclairages de l’Organisme de Sélection du Mouton Charollais. L’objectif était de donner les clés pour le choix de ses béliers dans une optique de gain de rentabilité.

Si elle n’est pas la seule composante de la performance – il y a aussi le sanitaire, la conduite d’élevage, l’environnement…, la génétique est quand même un levier important de la rentabilité économique, introduisait Claire Debrut, technicienne à l’OS Mouton Charollais. Un potentiel génétique connu (un bélier qualifié) fait gagner + 2,30 € par agneau, calcule l’Institut de l’Élevage.

Décrypter les index

L’indicateur du potentiel génétique d’un animal est l’index. Outil complémentaire à l’œil de l’éleveur, il s’exprime par une note autour de 100. Lorsqu’un animal est supérieur à 100 pour un caractère, cela signifie qu’il est améliorateur pour ce caractère. Les trois caractères évalués chez les ovins lourds sont la prolificité (nombre d’agneaux par mise bas), la valeur laitière donnée par le poids des agneaux à 30 jours, la croissance estimée grâce au poids à 70 jours. Précieux indicateurs, ces index servent au programme de sélection racial dont les objectifs sont d’améliorer les qualités bouchères et les qualités maternelles (prolificité et valeur laitière).

Chez les éleveurs sélectionneurs adhérents à l’OS, la première étape est le contrôle de performances avec deux pesées des agneaux qui permettent de calculer la valeur laitière des mères et la croissance des agneaux. Cela s’accompagne aussi d’une déclaration rigoureuse des parentés ainsi que des dates de naissance.

Station de contrôle individuel

La seconde étape du schéma est celle des stations de contrôle individuel (Palinges pour le Mouton Charollais). Les meilleurs agneaux issus des élevages sélectionneurs y sont rassemblés pour un protocole de plusieurs semaines. Tous logés à la même enseigne (même bâtiment, même ration…), ils expriment leur potentiel génétique quant à leurs aptitudes bouchères. Ce test permet de « repérer les agneaux à croissance élevés qui sont capables de mettre du muscle sans mettre trop de gras », explique Claire Debrut. Outre des pesées, le protocole prévoit aussi une échographie d’épaisseur de gras et de muscle ainsi qu’un pointage. Cela débouche sur de nouveaux index avant qualification des 80 % meilleurs agneaux. Tous munis d’une fiche de synthèse de leurs performances, ces derniers sont vendus aux enchères à Charolles début août dans le cadre du concours national du Mouton Charollais.

Testage boucher

Pour les 14 meilleurs béliers de la station de contrôle individuel, le schéma de sélection comprend une troisième étape dénommée testage boucher sur descendance. Ces béliers sont pris en charge par un centre d’insémination artificielle. Chacun de ces béliers produit au moins 60 agneaux qui seront tous engraissés et abattus dans les mêmes conditions. L’examen des carcasses (largeur, épaule, gigot, gras) donne des index supplémentaires de testage boucher. Les béliers dont les produits obtiennent les meilleures performances bouchères sont qualifiés « Améliorateurs Boucherie ou AMBO ».

Une mine d’informations

Pour un éleveur de moutons, la principale voie d’amélioration de la génétique du troupeau réside dans les mâles. Aussi convient-il de « se poser les bonnes questions pour choisir le bon bélier », recommande Claire Debrut. En bon éleveur, il faut bien entendu examiner l’animal à l’instant « t » : sa morphologie, sa conformation, ses aplombs, ses testicules… Mais il est essentiel de prendre en compte aussi « ce qu’il va transmettre à ses descendants », c’est-à-dire ses index (prolificité, valeur laitière, croissance). Ce choix est guidé par l’objectif de l’éleveur : croisement terminal ou production d’agnelle et agneaux de boucherie… Pour éclairer ce choix, le « Certificat d’origine et de qualification » ou « carton » qui accompagne chaque animal est une mine d’informations à consulter (index, performances, qualifications, ascendance…). Il faut aussi avoir bien en tête ses objectifs – les points que l’on cherche à améliorer… Le choix d’un bélier inscrit est une bonne réponse, concluait Claire Debrut.

 

« Des béliers, qu’il faut bichonner ! »

Avec 50 à 100 fois plus de descendants qu’une brebis, un bélier marque indiscutablement un troupeau, introduisait Aurore Gérard, de la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or. Pour avoir un haras de béliers satisfaisant, avec une bonne pyramide des âges et un risque de consanguinité limité, il faut renouveler ces béliers au rythme de 25 % par an. Les béliers choisis doivent avoir été élevés dans des conditions proches de son propre système, car l’animal est très sensible au changement, prévient Aurore Gérard. L’acheteur doit demander à voir les femelles d’élevage et se renseigner sur la conduite (alimentation, sanitaire, etc.). Il est préférable d’acheter un agneau plutôt qu’un antenais âgé d’un an de plus. Certes, les antenais sont utilisables plus rapidement, mais ils sont plus coûteux à l’achat que les agneaux. Et le choix est plus large dans les agneaux qui sont aussi doués d’une meilleure adaptation que leurs aînés. Lors de l’achat, il faut toujours inspecter le bon état et la complétude des organes génitaux ainsi que l’aspect général de l’animal (conformation, aplombs, dentition, pieds…). À leur arrivée sur l’exploitation, les béliers doivent bénéficier d’un temps d’adaptation avant la première lutte. Une période de quarantaine est recommandée et une transition alimentaire est nécessaire. Les béliers doivent être maintenus en état toute l’année : « il faut les bichonner ! », recommande Aurore Gérard. Un bélier a un besoin d’entretien supérieur de 10 % par rapport à une brebis de même poids. Pendant la période de flushing (deux mois avant la lutte), les besoins en énergie augmentent de 15 à 20 %. Pour une fertilité optimale, les béliers ne doivent être ni trop maigres ni trop gras, informe Aurore Gérard qui ajoute qu’avant chaque lutte, « l’éleveur doit effectuer les vérifications d’usage » : organes génitaux, état de l’animal, déparasitage, tonte, parage…

Gaec du Moulin de Jonchery : 400 brebis produisant reproducteurs charollais et agneaux croisés

Le Gaec du Moulin de Jonchery compte trois associés qui exploitent un peu plus de 400 hectares à Diancey (21). L’élevage se compose de 55 vaches allaitantes ainsi que de 400 brebis. La famille Guyot élève une troupe de 200 brebis charollaises inscrites. Elle commercialise chaque année une cinquantaine de mâles reproducteurs ainsi que 30 à 40 agnelles reproductrices. Le Gaec dispose d’une seconde troupe de 200 brebis croisées. Il s’agit de femelles « F1 » grivette X île de France que l’élevage achète à l’extérieur. Ces brebis sont accouplées avec des béliers charollais pour produire des agneaux de boucherie commercialisés en février. La production de viande est livrée à la coopérative Terre d’Ovins (Feder). Avec son double troupeau, le Gaec fournit trois filières de qualités (label rouge Tendre Agneau, label rouge Agneau des Lys et CCP Agneaux de nos Régions). Les résultats techniques de l’élevage sont remarquables. La prolificité atteint 2,13 pour les femelles croisées grivette avec une mortalité des agneaux infime. La prolificité est de 1,94 pour l’atelier Mouton Charollais. Le Gaec fournit des agneaux « qui sortent jeunes », abattus entre 80 et 120 jours. Les poids de carcasse des croisés sont en moyenne de 19,5 kg. Pour des raisons de place, les agneaux sont sevrés tôt et leur finition nécessite 68 kg d’aliment par agneau, « ce qui est assez peu », font valoir les techniciens.

Adhérent à l’OS Mouton Charollais, Jean-Marie Guyot est aussi le responsable de la station raciale de Palinges.