François Guillomon est à la tête d’une exploitation de plus de 400 vaches laitières en Gironde. Il estime que son modèle est la seule solution pour que le lait français soit compétitif face à la concurrence étrangère.
Ils ne sont qu’une poignée de producteurs à avoir passé la barre des 400 vaches laitières. François Guillomon en fait partie. Après une carrière d’ingénieur et de directeur d’usine dans l’industrie agroalimentaire, il reprend en 1999 une exploitation d’une cinquantaine de vaches à Aillas en Gironde. Il passe progressivement à un cheptel de 200, puis 400 vaches laitières en 2012. « Il y a deux choses qui pénalisent les exploitations françaises aujourd’hui. La première, c’est la compétitivité et la seconde c’est l’aspect social. Aucun jeune ne s’installe sur le modèle de ses parents à travailler 365 jours par an », constate celui qui est lui-même fils d’éleveur. « Avec un ou deux salariés, le modèle est aussi bancal. Si l’un est malade et l’autre est en vacances, vous vous retrouvez tout seul à gérer un troupeau de 150 ou 200 vaches. Il faut aller au-delà », poursuit-il.
Des propos qui font écho à ceux de Michel Welter, porteur du projet des 1.000 vaches dans la Somme, fermé depuis 2021 après de longues années d’opposition locale et de recours judiciaires. Dans un entretien accordé en 2015, il estimait que pour atteindre un optimum économique et organisationnel, il fallait « rester en dessous de 200-250 vaches, ou aller au-delà de 500 vaches ». Il mettait en avant la possibilité d’être remplacé, de pouvoir prendre des congés et de déléguer une partie des responsabilités et de la charge mentale.
Dix salariés
Quatre millions de litres de lait sont produits chaque année sur l’exploitation de François Guillomon, ce qui fait de la ferme Mélusine le plus gros livreur du groupe Savencia. Mises en route en 2022, deux unités de méthanisation permettent de valoriser les effluents d’élevage et 740 hectares de couverts végétaux d’hiver (seigle). L’installation génère 200 m3 de gaz par heure, soit la consommation de 10.000 à 15.000 foyers bordelais. Le digestat issu de la méthanisation est ensuite utilisé comme engrais pour les cultures. L’ensemble des fourrages sont produits sur l’exploitation. « Nous avons deux salariés sur la partie méthanisation, deux pour la production végétale et six salariés sur la partie élevage », indique le chef d’entreprise.
Dans l’atelier lait, une rotation est organisée avec deux équipes de trois. Une équipe se charge de la traite du matin, l’autre de celle du soir, excepté les week-ends pendant lesquels la même équipe s’occupe des deux traites. La salle de traite rotative permet de traire une centaine de vaches à l’heure. Après avoir équipé son exploitation de robots au début des années 2000, François Guillomon est passé en salle de traite rotative en 2008. « On ne fait pas d’économie d’échelle avec les robots et plus vous avez de robots, plus vous avez de pannes », explique-t-il.
« L’agriculture n’échappe pas à la mondialisation »
Tout le fonctionnement de la structure a été pensé pour réduire les coûts et optimiser la production. Rien n’est laissé au hasard. Exemple dans la salle de traite où le lait arrive dans un premier réservoir pour y être analysé et s’assurer qu’il est commercialisable, avant de rejoindre le tank à lait. « Mon parcours dans l’industrie m’a appris qu’on était dans un monde de concurrence et que ce qu’il s’est passé dans l’industrie allait se passer dans l’agriculture. L’agriculture n’échappe pas à la mondialisation, on ne va pas revenir quarante ans en arrière », insiste François Guillomon.
L’ancien directeur d’usine en est persuadé : le modèle de l’agriculture familiale n’est plus le bon. « Quand on demande si le consommateur veut des grosses fermes ou des petites fermes, il va dire que les grosses sont industrielles et qu’il veut des petites. Mais, quand il va dans le rayon, il choisit ce qui vient de la grande, relève-t-il. Croire que demain les consommateurs mettront plus d’argent dans leur alimentation est illusoire »