EXCLU WEB / Comment les fromages de terroir s’appuient sur la science
La défense de la fabrication traditionnelle des fromages au lait cru a abouti à la création de pôles d’excellence microbiologique dans le Cantal. Une aventure retracée lors du colloque sur le lait cru organisé mi-novembre à Aurillac par le Cnaol, l’Inao et l’Inrae.
C’est en se battant pour défendre la gerle, ce récipient en bois de châtaignier, utilisé pour fabriquer le fromage de Salers, que les producteurs fermiers se sont convaincus de la nécessité de s’armer de connaissances en microbiologie pour conserver les « usages loyaux, locaux et constants » des appellations fromagères. En 1992, une directive européenne menace alors d’interdire la gerle pour des raisons d’hygiène. Son utilisation se poursuit à titre dérogatoire et la querelle ne cessera qu’en l’an 2005, date à laquelle les dérogations seront accordées.
Cet épisode a poussé les neuf organismes de défense et de gestion (ODG) des appellations fromagères, à créer le « Pôle Fromager AOP Massif Central » en 1993, il y a trente ans. L’objectif est la recherche et le développement. Adossé à l’Inrae Aurillac, qui met à disposition deux chercheurs, le pôle fromager fournit aux producteurs des connaissances scientifiques dans les domaines de l’écologie microbienne.
Pour Patrice Chassard, producteur de Saint Nectaire fermier, président du Comité des appellations laitières au sein de l’Inao mais aussi du Pôle fromager AOP Massif Central, « ces recherches permettent aux producteurs de produire sans avoir de pathogènes, de faire le tri entre la bonne et la mauvaise flore microbienne, mais aussi de s’adapter au changement climatique et d’assurer la pérennité de leurs systèmes ». C’est à la demande du Pôle fromager que l’Inrae a étudié et validé l’usage de la gerle, utilisée historiquement pour les traites en extérieur car elle permettait de garder le lait à 32°, et dont on connaît maintenant les interactions entre les microflores du bois et celles du lait.
Les deux montagnes se rapprochent
Le Pôle Fromager AOP Massif Central s’est associé en 2018 au Ceraq, centre de ressources qui accompagne les AOP de Savoie et ont créé un Groupement d’intérêt scientifique qui s’appuie sur l’Inrae, Vetagro Sup, l’Université Clermont Auvergne et l’Idèle. « On a rapproché les deux montagnes », commente Philippe Mauguin, le président de l’Inrae. A côté des recherches menées conjointement par « les deux montagnes », le département du Cantal est appelé à jouer un rôle moteur dans la formation et la recherche sur les filières fromagères et les écosystèmes microbiens avec la création du « pôle d’excellence microbiologie industrie et innovation ». Une association qui s’appuie, entre autres, sur l’Inrae Aurillac, sur Vetagro Sup, l’Université de Clermont Auvergne, le Pôle Fromager et les nombreuses entreprises fromagères du département.
De son côté, le lycée agricole Pompidou à Aurillac met en place un BTS Anabiotec, axé sur les biotechnologies. L’université Clermont Auvergne, sur son site d’Aurillac, propose quant à elle un But génie Biologique. Ces formations -sans compter les recherches menées par le Pôle fromager- contribuent à conforter l’activité fromagère dans le Cantal.