Élections américaines
Quels sont les engagements de Trump et Harris sur l’agriculture ?
À quelques jours des résultats du scrutin du 5 novembre aux États-Unis, quel est le programme des deux principaux candidats à l’élection présidentielle sur le thème de l’agriculture ? État comparatif des propositions entre d’un côté l’ancien président Donald Trump (Républicains) et de l’autre, l’actuelle vice-présidente, Kamala Harris (Démocrate). Revue de détail des propositions de chacun des deux candidats.
Farm Bill, relations commerciales avec la Chine, main-d’œuvre agricole, transition écologique… Tous ces dossiers sont au cœur des programmes agricoles déclinés par chacun des deux candidats à l’élection présidentielle américaine, dont le résultat sera publié le 5 novembre. À ce jour, l’ancien président des États-Unis (2016-2020), Donal Trump, part avec une petite longueur d’avance sur les dossiers agricoles vis-à-vis de sa concurrente. « En tant que président, il a donné le coup d'envoi d'une guerre commerciale mondiale coûteuse, a fait reculer les politiques environnementales et s'est attaqué à l'immigration clandestine, y compris dans le secteur de la volaille », indique le site agriculture.dive.com(1). Parmi les chantiers à venir, le Farm Bill représente un enjeu majeur, car c’est cette loi qui fixe le cap à la fois politique et économique pour les prochaines années. Le clan de l’actuelle vice-présidente soutient notamment les programmes de sécurité agricole tels que l'assurance-récolte pour « protéger les agriculteurs contre les changements de circonstances imprévus » ou encore le programme d’assistance alimentaire (Food Stamps) que les Républicains souhaitent réformer. En effet, le camp de Donald Trump est favorable à une réduction du budget de 30 milliards de dollars du Snap(2), pour pouvoir augmenter les subventions aux agriculteurs. Sur l’épineux dossier de l’inflation alimentaire, l’ancien président a fait un nombre de promesses pour réduire les coûts de production agricole qui sont restés élevés depuis la crise Covid, mais il n’a pas fourni beaucoup de détails sur les modalités de cette baisse. Il a indiqué qu’il souhaitait « faire baisser les taux d'intérêt » et réduire de moitié les coûts énergétiques des exploitations agricoles au cours de la première année de son mandat. De son côté, le clan Harris considère que la lutte contre l'augmentation des prix des denrées alimentaires est au cœur du plan économique de la candidate démocrate. Elle veut « interdire les prix abusifs dans l’industrie de la viande », en particulier celle du bœuf et de la volaille.
La main-d’œuvre
À l’image de la France, la main-d’œuvre agricole et l’immigration sont au cœur du débat public pour des raisons parfois identiques. La pénurie de main-d’œuvre dans les bassins de production arboricole, maraîchère et viticole, pousse les exploitants agricoles à recruter des travailleurs en dehors des États-Unis. C’est ce qui explique les demandent de visa H-2 (travail temporaire) en augmentation pendant le mandat de Joe Biden. Favorable à une politique migratoire maîtrisée, l’administration Biden a toutefois déployé des efforts pour renforcer les droits des travailleurs agricoles et à étendre leurs protections sur le lieu de travail, au grand dam de certains grands groupes agricoles. Auditionnée par le Farm Bureau le 12 septembre dernier, la candidate démocrate a assuré que son administration se concentrerait sur « l'amélioration de notre système d'immigration légale afin qu'il fonctionne mieux pour notre économie, nos agriculteurs et nos travailleurs ». La vice-présidente a ajouté que toute solution devrait inclure « à la fois une sécurité frontalière forte et une voie méritée vers la citoyenneté ». De son côté, Donald Trump, lorsqu’il était président, a fait multiplier les contrôles sur les lieux de travail pour expulser les travailleurs illégaux. Le candidat républicain semble vouloir garder ce cap. Il a récemment intensifié sa rhétorique sur le contrôle aux frontières, menaçant de « déportations massives » des millions d'immigrants, y compris ceux qui sont entrés légalement dans le pays dans le cadre de deux programmes de l'administration Biden. Interrogé par le Farm Bureau, il a répondu qu'il donnerait la priorité à une « immigration fondée sur le mérite » et à un soutien accru à l'industrie agricole nationale.
La transition agroécologique
Sur le volet de la transition agroécologique pour répondre au dérèglement climatique, les positions climato-sceptiques de l’ancien président lui rallient de nombreux suffrages. Pour le candidat républicain, l'action en faveur du climat doit s'inscrire dans le cadre du marché libre. « L’innovation et la croissance économique nous permettront de libérer les technologies et les processus qui améliorent l'environnement tout en délocalisant la production au détriment des pollueurs étrangers », a-t-il déclaré lors de son audition au Farm bureau, le 12 septembre dernier. L’approche est diamétralement opposée pour la candidate démocrate. Elle entend affecter 20 milliards de dollars supplémentaires à « l'agriculture intelligente » face au climat dans le cadre de la loi sur la réduction de l'inflation (Inflation Reduction Act). La plateforme démocrate publiée en août comprend un engagement à faire du secteur agricole des États-Unis « le premier au monde à atteindre des émissions nettes nulles d'ici 2050 grâce à l'adoption accélérée de pratiques agricoles intelligentes sur le plan climatique Car les agriculteurs sont essentiels pour faire face à la crise climatique », a-t-elle dit.
Le commerce international
Sur le commerce international, c’est un véritable bras de fer auquel jouent tant les Chinois que les Américains, tous deux tenants d’une approche très protectionniste. Sur ce point, aussi bien Kamala Harris que Donald Trump se retrouvent. D’ailleurs l'administration Biden-Harris a largement maintenu les 301 droits de douane que Trump a imposés à la Chine. Elle a même récemment pris des mesures pour augmenter les droits de douane sur les produits chinois afin de protéger l'industrie manufacturière américaine. Alors que la Chine prenait des mesures de rétorsion contre les États-Unis, Washington a encouragé les producteurs à diversifier leurs marchés d'exportation vers des régions telles que l'Europe et l'Afrique. Quant aux organisations agricoles, elles ont fait pression pour que davantage de pactes commerciaux soient conclus afin de compenser les pertes dues à la Chine.Le candidat Trump, qui est à l’origine de cette guerre commerciale, faisant chuter au passage les exportations agricoles et agroalimentaires américaines, promet d'être encore plus dur avec la Chine au cours de son prochain mandat, en imposant des droits de douane de plus de 60 % sur les importations. Les éventuelles pertes de marché seraient compensées par des aides fédérales, a-t-il annoncé lors d’un déplacement en Pennsylvanie fin septembre.
Avancées scientifiques
Concernant l’innovation agricole et les biotechnologies, les deux candidats sont d’accord sur la nécessité d’investir dans ce domaine. Ils sont conscients que des milliers d’emplois sont en jeu dans de nombreux secteurs de l’économie.
D’après Christophe Soulard
1 https://urlz.fr/sORj
2 Supplemental nutrition assistance program
Présidentielle américaine, mode d’emploi
Qui du républicain Donald Trump ou de la démocrate Kamala Harris accédera à la présidence des États-Unis ? Difficile de prédire l’issue du vote. Tout juste sait-on que, comme le veut la tradition locale, l’élection rendra son verdict le mardi suivant le premier lundi de novembre. Soit le 5 novembre cette année. Une date qui s’inscrit dans le cadre d’un processus bien plus complexe que celui que l’on connaît en France, où, pour schématiser, le candidat qui obtient la majorité des suffrages du peuple devient chef de l’État. Outre-Atlantique, la présidentielle repose sur un suffrage universel indirect. C’est-à-dire qu’en début de semaine prochaine, les Américains désigneront les 538 grands électeurs chargés de les représenter le 17 décembre pour élire officiellement le nouveau président. Chaque État en compte au minimum trois et jusqu’à 54 en Californie, un nombre proportionnel à sa population. Point important, 48 de ces 50 territoires suivent la règle du « winner takes all » (« le gagnant prend tout »). Prenons un exemple : si la population texane se prononce en faveur de 21 grands électeurs républicains et 19 démocrates, Donald Trump bénéficiera de 40 votes. Pas neutre, ce mode de fonctionnement qui n’est pas sans poser question quand on sait que le candidat qui totalisera 270 grands électeurs l’emportera. En 2016, par exemple, Donald Trump s’était imposé avec 304 grands électeurs contre 227 pour Hillary Clinton, alors que la candidate démocrate avait recueilli 65,8 millions de voix en sa faveur, contre 63 millions pour le républicain.
Franck Talluto