Fonds Feader via la Région BFC
« Mépris, perdus… », la Région BFC « met à bas » les agriculteurs

Cédric Michelin
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Mardi 25 juin à Saint-Bérain-sous-Sanvignes, quatre agriculteurs ont accepté de témoigner sur la souffrance qu’ils ressentent face à l’incapacité de la Région BFC à gérer les fonds Feader.

« Mépris, perdus… », la Région BFC « met à bas » les agriculteurs
« Il vont tuer les dernières exploitations qui tournaient encore »
Guillaume Perrot et Sébastien Douard

« Il vont tuer les dernières exploitations qui tournaient encore »

Sébastien Douard « ne veut plus des paroles, mais son argent dans sa cour de ferme ». En Gaec à la Guiche, ses 180 vaches manquent de place et en 2022, il décide de faire un nouveau bâtiment. Il fait les démarches et demande deux subventions. Un dossier PCAE et un dossier PSN. La Région BFC a repris les dossiers au 1er janvier 2023. Malheureusement pour lui, comme pour bien d’autres, au lieu d’être une simple formalité, c’est le début du parcours du combattant. La Région est incapable de traiter les dossiers, malgré les budgets de la programmation Pac. L’argent dort au chaud, mais risque pourtant de repartir. Sébastien Douard en aurait pourtant bien besoin, lui qui a fini ses travaux en novembre 2023. Lui a payé ses fournisseurs et artisans. Résultat, « un trou de 134.000 € », qui oblige son père à lui prêter de l’argent, tandis que lui ne se verse plus de prélèvements depuis 6 mois. « On ne va pas tenir longtemps », dit-il la gorge nouée. Pourtant, il a tout bien fait. Et d'en arriver à presque regretter d’avoir fait ses demandes. Mais sans, le projet n'était pas faisable. Désormais, la famille vit sur le seul salaire de sa femme. « Si cela dure, on va être obligé de décapitaliser » et vendre des vaches, puisque le prêt n’est pas débloqué tant que la convention ne revient pas signée par la Région. Autant dire, qu’il ne veut plus attendre. Sa patience est à bout. « C’est vraiment triste de voir que rien ne bouge. Ils vont finir par "mettre plus bas que terre" les exploitations d’élevage qui tournaient encore bien ».

« Ils ont perdu mon dossier… ils sont paumés »

« Ils ont perdu mon dossier… ils sont paumés »

Guillaume Perrot en plaisante nerveusement. Lorsqu’il appelle la Région BFC, « ils m’ont répondu qu’ils avaient perdu mon dossier alors que j’avais eu l’accusé de réception ». Son projet était pourtant on ne peut plus classique, construire un bâtiment de stockage accolé à une stabulation pour son EARL Ovi-Bov à Ecuisses. Ses deux conventions datées de décembre 2021, lui ont permis de signer un prêt bancaire. Ses travaux ont débuté fin 2022, avec au passage une inflation de +30 % sur les devis initiaux, factures qu’il a acquittées ce printemps. Lorsqu’il demande à la Région s’il recevra bientôt ses subventions, la réponse est confuse, voire étrange, lui indiquant de se rapprocher « de la direction départementale des territoires de la chambre d’Agriculture ». La Région lui demande même des justificatifs farfelus, comme le « formulaire de respect des règles de la commande publique »… pour un bâtiment agricole privé. La preuve selon lui que les agents recrutés à la Région « ne comprennent pas les dossiers qu’ils doivent traiter. Ils sont paumés ». Ne se décourageant pas, car ayant encore bien des projets, Guillaume a refait une demande de PSN avec de plus en plus de pièces justificatives. « Bilan carbone, diagnostic bien-être animal, diagnostic biosécurité, traçabilité des bois… », Guillaume voit la facture des audits grimpés. Pas qu’il soit contre ces améliorations, au contraire : « on est prêt, c’est même pour cela qu’on fait ces projets ». Mais là, « on ne voit rien, on n’a rien, pas d’argent et la Région nous en demande toujours plus ».

« Encore un petit mépris de plus » de la Région

« Encore un petit mépris de plus » de la Région

Mathilde Sutter s’est lancée récemment dans une installation progressive à Laizy, dans le Morvan, fin 2022. Malgré avoir tout fait dans les règles, l’administration régionale ne veut rien entendre et lui demande de redéposer un dossier DJA en 2023. Malgré les demandes auprès du président de la majorité régionale, Jérôme Durain, ses tentatives n’aboutissent pas. Au passage, elle voit le montant des subventions être raboté de 15.000 €. En ce début 2024, la technicienne à la Région lui indique que son dossier sera prêt « à partir du 1er janvier 2024 », et non 2023. « Cela me fait perdre un an de cotisations MSA », déplore Mathilde. Le conseiller régional, Jérôme Durain a continué de suivre son dossier et obtient le déblocage de 10.000 € au lieu des 15.000. « Encore un petit mépris de la Région », juge toutefois Mathilde qui sait que la collectivité en charge a l’argent de Bruxelles pour payer au centime près ce qui lui revient de droit. « Derrière, c’est ma vie de famille qui en pâtit ». Elle a d’ailleurs dû refaire un prêt sur une partie de sa maison. « La Région ne se rend pas compte des conséquences pour les gens ». Un bien triste départ de carrière d’agricultrice.

« Il m’est difficile de trouver le sommeil »

« Il m’est difficile de trouver le sommeil »

Le 6 novembre dernier sur son exploitation à Saint-Julien-de-Civry, Julien Fénéon avait accueilli les conseillers régionaux en charge des dossiers Feader. Christian Morel et Jérôme Durain avaient promis une régularisation rapide. Manqué. Faute de réponse, comme une cinquantaine d’autres agriculteurs, c’est lui qui s’est donc invité le 11 juin dernier à Dijon dans l’hémicycle du Conseil régional pour témoigner. Installé en janvier 2022, reprenant l’EARL de ses parents, dans son PDE pour s’installer, il est prévu de moderniser les anciens bâtiments. La réunion du 6 novembre avait un temps entretenu l’espoir. En effet, le 15 décembre, il recevait la confirmation que sa demande de subvention avait reçu un avis favorable. Mais depuis, plus aucune nouvelle. Il est toujours dans l’attente de la convention attributive, qui permet aux banques de débloquer l’argent. « À quel moment pourrais-je travailler et essayer de gagner ma vie sur mon exploitation ? », a-t-il réinterrogé les élus et cadres administratifs régionaux. Bâtiments, trésorerie, revenus, projets futurs… sont impactés. Dans l’incompréhension et inquiet, « il est difficile de trouver le sommeil. Après 2 ans d’installation, sans le soutien de mon entourage, j’aurais probablement cessé mon activité », commence-t-il à sentir monter la colère. Il a donc prévenu : « Si nous n’avons pas de réponses d’ici là, peut être que nous irons à Dijon le 15 juillet lors de la séance plénière du Conseil régional. Peut-être pourrons-nous enfin rencontrer, madame la présidente de la Région, Marie-Guite Dufay ». Et ce ne sera pas pour la féliciter pour sa gestion politique.