Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire
100 ans d’engagement pour les agriculteurs

Cédric Michelin
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A l’occasion des 100 ans de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, interview de son président, Bernard Lacour. Cette institution garde toute sa pertinence à l’heure du changement climatique et d’une certaine forme de rupture avec la société. La force du collectif est d’aller au plus près de chacun et de donner des réponses adaptées, avec une complémentarité des techniciens, de haut niveau et se référant aux essais locaux.

100 ans d’engagement pour les agriculteurs

Quelles sont les missions d’origine et de base des chambres d’agriculture ?

Bernard Lacour : il est intéressant de les raccrocher au contexte, après cet hiver d’actions syndicales. Même, si l'agriculture française a évoluée de façon considérable. Sur les 100 dernières années, l'agriculture a été au rendez-vous de sa mission première : celle de nourrir les hommes et les femmes de la planète. Les évolutions techniques ont été remarquables pour passer du temps des "bœufs" aux technologies les plus modernes aujourd’hui. Avec une approche environnementale ces dernières décennies, de plus en plus précise et respectueuse… contrairement à ce que la société peut dire. Nous avons une agriculture française productive en quantité et en qualité, avec un rôle considérable en termes d'aménagement du territoire. Ce n'est pas un hasard si l’agriculture française est classée la plus durable des 67 plus grands pays agricoles au monde.

 

Comment se traduit-il concrètement à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire ?

B.L. : depuis des décennies, on propose aux agriculteurs des prestations de qualité. On s'adapte aux évolutions. Les derniers recrutements sont d’ailleurs le reflet de la diversité de notre agriculture, avec un technicien équin, un technicien maraîchage, un collaborateur sur la production d'énergie… pour avoir des compétences diverses et variées, sans pour autant perdre nos missions premières. Il y a aussi les relations avec les collectivités autour de l'urbanisme. Et enfin, il y a le volet réglementaire, qui nous est souvent reproché mais, nous sommes sous la tutelle de l’État. Par contre, chacun son boulot, on n’est pas un organe de contrôle.

 

N’y a-t-il pas une forme de dévalorisation des conseils chambre d’Agriculture ? Moins cher, gratuit…

B.L. : on est sur des prestations payantes de qualité, en phase avec le marché, mais ce qui est important dans nos prestations, c'est la neutralité de la chambre d'agriculture qui n’a rien à vendre derrière. Par exemple, les audits d’exploitations ont été faits avec l’école d’ingénieurs de l’Isara pour se rendre compte de ce qui ne va pas sur une exploitation en difficulté. Le résultat ? La maîtrise du système fourrager en élevage. Du coup, notre rôle est de travailler avec tous les exploitants sur l'autonomie fourragère dans le contexte particulier de l'évolution climatique. Notre rôle est de diminuer les charges en termes d'alimentation et non pas de vendre de l'aliment. Car ce qui compte, c’est que chaque agriculteur dégage de la marge et de tirer un peu tout le monde vers le haut.

 

Les conseils que vous prodiguez ne sont-ils pas parfois à rebours des idées reçues de la société et des multiples politiques… notamment environnementales ?

B.L. : nous sommes à mi-chemin entre les agriculteurs et la société. Si, c'est de plus en plus compliqué, notamment l’exercice de gestion des relations de voisinage. Il n’y a pas de miracle. L’objectif est de travailler avec les collectivités, les maires, le Département… Car l’agriculture doit cohabiter de façon acceptable pour tous. Pour l’agriculture, le territoire est un lieu de travail et de production. Pour les autres, c’est leur maison, un lieu de repos ou de loisirs. L’application Agricivis, pour la viticulture, fait partie des solutions, même s’il faut continuer à donner les explications sur les traitements phytos.

Il en est de même pour la gestion de l'eau. La chambre d'agriculture joue un rôle important en termes d'accompagnement des collectivités ou des agriculteurs, pour capter l'eau et optimiser les ressources. Je reprends souvent l’expression de Luc (Jeannin, NDLR) : « l'agriculteur n’a pas besoin d’eau, c’est l’assiette du consommateur qui en a besoin », surtout si on veut une agriculture diversifiée qui corresponde aux attentes des consommateurs. Notre rôle est de sortir des polémiques pour aller sur une approche pragmatique. Il faut capter l’eau, remettre le surplus dans les milieux naturels et il n’est pas utile de tout potabiliser pour arroser les légumes ou chrysanthèmes.

 

Mais ce pragmatisme fonctionne-t-il médiatiquement et même auprès de tous les agriculteurs ?

B.L. : les entreprises du CAC 40 sont toutes entourées de grillage avec des caméras pour vérifier que personne ne rentre. Nous, on travaille au grand jour. Comme 60 millions de sélectionneurs au foot, il y a 60 millions de spécialistes d’agriculture avec une idée sur le sujet. Notre rôle est aussi pédagogique en effet pour parler de nos évolutions, ce que j’appelle la modernité saine. Il faut produire mais si on peut remplacer les produits phytosanitaires par de la technique ou des technologies, comme les robots… alors il faut tester. On a cette chance en Saône-et-Loire d’avoir une ferme expérimentale et d’avoir des vignobles expérimentaux. D’ailleurs, la ferme expérimentale de Jalogny qui était portée par la chambre et l’Idele, est maintenant une association avec une cinquantaine de partenaires qui s’intéresse à l’élevage. On a dedans tous les établissements de formation, des MFR jusqu’à AgroSupDijon ou l’Isara qui réfléchissent, expérimentent, innovent avec nous. L’objectif restant que des jeunes s’installent et voient qu’on adapte notre agriculture à l’évolution climatique.

 

Arrivez-vous aussi à toucher les "nouveaux paysans hors cadre familial" ? Ou alors, comment comptez-vous faire ?

B.L. : on doit convaincre les "nouveaux" car il y a des échecs. Un installé sur deux est hors cadre. Notre rôle est d’accompagner tous ceux qui veulent s’installer en agriculture, quel que soit leur modèle ou leur production. On mettra toutes les chances de leur côté, pour ne pas qu’ils se cassent les dents, pour qu’ils trouvent les bonnes réponses.

La nouvelle maison de l'agriculture servira aussi à les faire venir ou revenir à la Maison, qui doit devenir la leur, la maison des agriculteurs. Il y a des échecs mais il y a aussi de vraies belles réussites qui marchent en agriculture. C’est aussi l’intérêt. Il faut arrêter d’opposer les modèles, les productions… Il y a des gens qui vivent très bien avec une petite surface et des produits qui ramènent de la plus-value et d’autres qui ont besoin d’espace ou qui font de l’export. On veut continuer de cultiver cette diversité. Et comme dans beaucoup de métiers, les agriculteurs d’aujourd’hui et de demain auront ou vont changer trois fois d’emplois dans leur carrière. Notre rôle est de nous adapter à eux.

 

Mais s’ils ne viennent pas à vous ?

B.L. : on travaille avec toutes les collectivités et on se doit d'être présent sur le dernier kilomètre, sur le terrain. On remet des antennes fortes sur les territoires avec des mélanges entre des techniciens spécialisés et d’autres plus transversaux.

La chambre d’agriculture est influencée par les hommes et les femmes qui la définissent, avec l'engagement de tous ceux qui contribuent à alimenter le collectif pour servir la cause. Voilà ce qu’il faut surtout encourager. À ce que continue cet engagement collectif.