PÉDAGOGIE
« Roots of Tomorrow », quand jeu vidéo rime avec agroécologie

Gamabilis, studio créateur de jeux vidéo sérieux, dits aussi « serious games », a créé Roots of Tomorrow en 2022, un outil destiné au grand public et aux établissements d’enseignement agricole, pour saisir les enjeux de l’agroécologie et s’affranchir de la complexité des transitions agricoles.

« Roots of Tomorrow », quand jeu vidéo rime avec agroécologie
Vincent Péquignot, fondateur de Gamabilis, studio de création de jeux vidéo. ©Vincent Péquignot

« C’est un jeu qui, en plus de l’aspect divertissant, informe, sensibilise, forme à l’agroécologie. Les joueurs vont en apprendre davantage sur le monde qui les entoure », explique Vincent Péquignot, fondateur de Gamabilis. Pour un réalisme des plus fidèles, le jeu a d’ailleurs été créé sous la supervision d’un conseil scientifique.

Au plus proche de la réalité

Élevage porcin, bovin, ovin, polyculture, polyculture-élevage… chaque joueur choisit son scénario de départ, et ce, en fonction du territoire sur lequel se trouve l’exploitation. « Nous nous sommes inspirés de tous les types de terroirs, propres à plusieurs régions ou départements : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Île-de-France, la région Grand Est, ou encore l’Auvergne, la Bretagne ou la Normandie. Au total, les joueurs ont actuellement le choix entre huit fermes ». Le protagoniste du jeu se glisse dans la peau d’un agriculteur, à la tête d’une exploitation, pour laquelle il devra prendre des décisions pour les dix années suivantes : décisions quotidiennes, modèle agricole, diversification… tout en respectant les trois critères de performance : économique, social et environnemental. La première version était officiellement présentée lors de l’édition 2022 du Salon de l’agriculture. En 2024, Gamabilis profitait encore une fois de l’évènement pour présenter la nouvelle version du jeu, impliquant une nouvelle exploitation située dans le département du Cantal. Et pour garantir un résultat réaliste, le studio a pris soin de consulter de nombreux experts agricoles. « Nous avons travaillé de concert avec l’Inrae, des instituts techniques, des chambres d’agriculture, des enseignants, des agriculteurs… Ils ont eu un rôle d’arbitre tout au long de la création de Roots of Tomorrow », relate Vincent Péquignot. « Le but premier étant de convaincre le plus grand nombre de l’intérêt d’une transition agroécologique et de la faire comprendre. Si l’on éclaire le grand public sur ces questions, de manière ludique mais réaliste, ils comprendront davantage les choix des agriculteurs et les difficultés qu’ils rencontrent », assure le créateur.

Un jeu au service de l’enseignement agricole

« Il nous paraissait pertinent de mettre en lumière la transition, son rythme, la contrainte des aléas interannuels. Il n’est pas possible pour un agriculteur de mettre en place des changements tous les quinze jours », explique le fondateur de Gamabilis. Un système transitif complexe que Roots of Tomorrow met aisément en lumière, tant et si bien que le corps enseignant s’en est également emparé. Philippe Janneaux, professeur d’économie rurale à VetAgroSup (établissement de formation de futurs vétérinaires, ingénieurs agronomes et inspecteurs de santé) à Clermont-Ferrand, confirme l’intérêt d’un tel support pour des élèves agronomes. « J’ai été invité à participer à la validation de Roots of Tomorrow pour la partie de l’analyse économique et du pilotage de l’exploitation agricole, avec une réflexion sur plusieurs indicateurs stratégiques : environnementaux, de travail, sanitaires et économiques ». Encore actif au sein du comité scientifique du jeu, Philippe Janneaux est sollicité pour chaque projet de déclinaison. D’après lui, Roots of Tomorrow est assez sérieux et réaliste pour être utilisé par des élèves et ainsi, les aider à développer leurs compétences. « Nous invitons nos élèves à jouer à ce jeu. Pour ma part, je leur expose la diversité de ce qui est proposé, leur donne des pistes de réflexion. Pour le reste, ils sont déjà bien armés », avance-t-il. « J’observe de meilleures facultés à la prise de décision chez les élèves », poursuit le professeur. « J’enseigne les théories de la décision. Ce jeu nous amène sans cesse à prendre de petites décisions, à piloter plusieurs indicateurs. Il y a à la fois une approche globale de gestion de l’exploitation, mais également la nécessité de se projeter sur le long terme. Cela permet de bien comprendre que le métier d’agriculteur est très complexe, bien au-delà d’un aspect purement technique », assure l’enseignant.

Charlotte Bayon