Vendanges
L’hébergement sous tente ne trouve pas sa place

Cédric Michelin
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C’est un serpent de mer datant de 1972, date de la loi urbanistique encadrant les campings. « Le logement sous tente est interdit sur vos parcelles mais pas chez votre voisin si c’est une bonne âme », pointait les nombreuses failles et contradiction d’une loi qui n’a pas été retoiletté depuis 50 ans et alors que le réchauffement climatique et des vendanges plus précoces se multiplient (pas cette année certes). 

L’hébergement sous tente ne trouve pas sa place

La FDSEA de Saône-et-Loire se bat pourtant de longue date pour trouver des solutions, avec les maires ruraux, dans des stades de foot… mais rien n’y fait. Nos parlementaires semblent impuissants et ce n’est pas la dissolution de l’Assemblée nationale et l’absence de majorité ou de gouvernement légitime qui risque d’arranger les choses. « On a même une fin de non-recevoir en Saône-et-Loire et pourtant, on voit le préfet de Région, qui est en Côte-d’Or, autorisé de l’hébergement collectif sous tente dans un camping éphémère géré par un prestataire privé qui a trois sites, à 25 € la nuitée », ne comprend pas Cécile Parent.

En attendant des éclaircissements, l’Union viticole et le Service Emploi de la FDSEA ont avancé avec la DDETS (Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités) sur les questions autour des hébergements en dur. « La DDETS a décidé d’être plus tolérante à condition de ne pas passer par une dérogation collective », mettait en garde Cécile Parent qui habituellement porte une demande au nom de tous via la FRSEA. Participant aux négociants, le vigneron Denis Chastel-Sauzet expliquait que les demandes individuelles « permettent des choses raisonnables avec des logements communs, comme des chambres de 9 m2 et non de 16 m2 (9+7) », restant la norme dès deux saisonniers ensemble dans la même chambre dans les autres départements de Bourgogne-Franche-Comté. Une avancée obtenue clairement suite aux manifestations de 2024 et les demandes de la profession sur une simplification à tous les niveaux.

La DDETS se dit également « ouverte » aux hébergements en mobile home ou camping-car dans le cadre du respect et de la déclaration faites comme accueil à la ferme. Mais même en camping-car, les vignerons sont toujours tenus pour responsable des conditions de logement (et pas que) si c’est un prestataire de service international (PSI) qui s’en occupe. Patrice Fortune mettait ses collègues en garde sur un PSI « qui logeait ses salariés dans des hébergements non conformes ». Pour l’administration, la responsabilité en revient aux vignerons. « On est limite », ne juge pas le président de l’Union viticole qui sait que les PSI se développent, faute de pouvoir trouver en local de la main-d’œuvre. « En cas de contrôle, il faut que le dossier soit défendable avec au moins la mise à disposition des solutions humaines », invitait-il à vérifier tous les papiers, hébergements, contrats, paies… d’un PSI. Ce qui n’est pourtant pas le but, convenait-il.

Agent à France Travail, « où ANPE ou Pôle emploi », en rigolait Marc Bigarnet sur ces changements de nom inutiles, il adoubait l’initiative de la FDSEA d’aller chercher la main-d’œuvre à la source pour l’emmener dans les domaines cherchant des vendangeurs. Lui n’a pas de budget, ni de bus. Pour autant, le Département – prolongeant l’opération permettant le cumul RSA et vendanges – et France Travail donc n’arrivent pas à « intéresser ce public vulnérable ». Après plusieurs réunions, l’administration a demandé la liste des domaines intéressés et le nombre de vendangeurs à trouver pour les flécher dès fin juin. Marc Bigarnet confirmait que cela est impossible, surtout du côté des chômeurs qui n’attendent pas septembre pour trouver du travail, surtout dans une région Mâconnaise quasi au plein emploi et avec une forte demande industrielle locale. La FDSEA ne se décourage pas et va organiser par elle-même plusieurs minibus pour répartir par « petits groupes » ses vendangeurs. « On sait que sur quinze inscrits, deux-trois seulement vont se présenter », soupirait un vigneron, préférant ne compter que sur un ou deux plutôt qu’une équipe complète qui risque de lui faire faux bond, alors que les vendanges n’attendent pas. Cette nouvelle « mobilité » sera donc testée pour les vignerons intéressés dans le cadre du GED Agri Emploi Rural 71.

Patrice Fortune voit là surtout une nouvelle prise de conscience des administrations suite aux manifestations hivernales. « Le fait d’avoir été reconnu comme métier en tension, nous permet de mettre en route plein de dispositifs pour les vendanges et le reste de l’année », concluait-il, remerciant les vignerons et agriculteurs qui se sont largement mobilisés.