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Ferm’Inov : le sorgho à l’essai depuis 4 ans à Jalogny
Depuis 4 ans, la ferme de Jalogny teste du sorgho en dérobée derrière du méteil. Cette céréale tropicale sera-t-elle l’alternative au maïs face au changement climatique ?
Le 17 septembre dernier, la Ferme expérimentale de Jalogny proposait un nouveau rendez-vous des « rencontres de Ferm’Inov ». Les sorghos fourragers étaient au menu de cette après-midi au champ avec la visite d’une parcelle d’essai de dix cultures de sorghos différentes comparées à un maïs fourrage classique.
Le sorgho est à l’essai depuis quatre ans à la ferme de Jalogny. Cette plante d’origine tropicale, qui ressemble à du maïs, est une alternative à ce dernier face au manque d’eau et à la chaleur. Avec son système racinaire très développé, le sorgho résiste mieux à la sécheresse et à la canicule, en particulier sur les sols séchants. Il est aussi moins gourmand en charges et en intrant. Et, cerise sur le gâteau, il n’intéresse pas les sangliers et les ragondins contrairement au maïs… Un atout bien visible sur la parcelle d’essai de Jalogny. Depuis deux ans, le témoin en maïs est complètement ravagé à l’approche de la récolte alors que les sorghos sont intacts.
Sorgho monocoupe en dérobée
L’essai conduit à Jalogny consiste en une culture dérobée. Depuis deux ans, le sorgho est en effet implanté après la récolte d’un méteil (céréales + légumineuses) ce qui signifie que les deux cultures se succèdent sur la même parcelle dans la même année. Cette double production avec deux ressources fourragères complémentaires a aussi un intérêt pour l’autonomie alimentaire des exploitations, ce que teste aussi Ferm’Inov (lire encadré).
Le sorgho de 2024 a été implanté le 20 juin dernier. Les autres années, il avait été semé entre le 1er et le 15 juin. En 2024, le précédent méteil a été fauché le 5 juin et la parcelle a été labourée et préparée à la herse rotative. Le méteil a souffert d’un automne très humide – la parcelle bordant la Grosne a même subi quelques crues.
Le sorgho a bénéficié d’un apport de fumier de 35 tonnes par hectare, mais n’a pas reçu d’azote. Du fait de possibilités d’herbicides restreintes sur sorgho, la parcelle présente beaucoup de panics. Un binage a été effectué.
Mi-septembre, les sorghos implantés à Jalogny avaient globalement bel aspect. Atteignant déjà 2 m, voire 3 m de haut pour certains, ils poussaient encore, sachant que cette plante « réalise environ un quart de son rendement sur septembre », faisait valoir Antoine Villard, technicien grandes cultures à la chambre d’agriculture. Comme pour le maïs, la date de récolte peut se prévoir à partir des sommes de températures. Le taux de matière sèche visé est de 27-28 % ce qui correspond à une récolte début octobre, indiquait-on.
Précocité, valeur alimentaire, verse…
La précocité est une des difficultés du sorgho, car on se trouve ici à l’extrémité nord de sa zone de culture. C’est l’un des critères discriminants entre les variétés de l’essai. Certaines, incapables d’assurer une maturité suffisante sous le climat de Saône-et-Loire, sont à écarter d’office. « Le sorgho a besoin d’un sol réchauffé (supérieur à 12°C) d’où une date de semis qui doit intervenir à partir du 15 mai », rappelle Antoine Villard. Et le démarrage du sorgho est toujours plus lent que celui du maïs…
Un autre impératif recherché est la valeur alimentaire, laquelle peut être améliorée par les variétés dites « BMR ». Ces dernières contiennent moins de lignines et sont plus digestibles, expliquait Denis Chapuis, conseiller laitier expérimentation et nutrition à la chambre d’agriculture.
11 à 15 tonnes de matière sèche/ha
La parcelle de Jalogny confirme la sensibilité à la verse de certaines variétés de sorghos fourragers. La hauteur importante de la plante (3 – 4 m de haut), mais aussi le poids de ses panicules expliquent cette vulnérabilité.
Les trois premières années d’essais ont livré des rendements oscillant entre 11 et 15 tonnes de matière sèche par hectare selon les conditions. La valeur alimentaire du fourrage récolté est proche de celle du maïs, autour de 1 UFL.
Les essais de Jalogny confirment que le sorgho s’en tire mieux que le maïs en cas d’été très chaud et sec comme en 2022. Mais en 2021, année relativement douce et arrosée, le maïs demeurait tout de même le meilleur compromis entre rendement et valeur alimentaire. Le sorgho s’accommode bien d’une année chaude et arrosée telle que 2023. Et même en année très pluvieuse comme 2024, le développement du sorgho reste intéressant.
La pertinence du sorgho à la place du maïs mérite d’être encore précisée. Prévu pour des climats plus tropicaux, il lui faut une précocité importante. « Dans la perspective du changement climatique, le sorgho pourrait devenir une culture de remplacement au maïs fourrage dans les zones à potentiel de rendement limité où les surfaces de maïs sont aujourd’hui en recul », concluent les experts de Ferm’Inov.
Des génisses engraissées au sorgho et au méteil « maison »
Dans le cadre du projet Méluzine destiné à développer l’engraissement en Bourgogne, le sorgho de Ferm’Inov a fait l’objet d’un essai de ration pour la finition de génisses. Il s’agissait d’engraisser des bovins avec le méteil et le sorgho issus de la même parcelle d’essai de Jalogny. Une solution de « ressources énergétiques et protéiques locales dans un contexte de changement climatique ». Deux rations ont été comparées sur un lot de génisses charolaises durant 200 jours. Un premier lot recevait une ration composée de méteils (7 kg MS) et d’orge (3,9 kg). Dans la ration du second lot, 4,7 kg de sorgho étaient introduits d’où une part de méteil ramenée à 3,9 kg, de l’orge à 1,6 kg et 0,5 kg de tourteau de colza pour compenser le méteil en moins. Les deux lots ont réalisé des performances assez proches. Et le coût de la ration à base de sorgho était inférieur de 50 centimes d’euros par génisse et par jour en raison de l’orge économisée. Ce calcul ayant été réalisé avec les cours élevés de septembre 2023, l’écart serait moins important aujourd’hui, tempère Adrien Demarbaix. Ce premier essai tend à montrer « qu’on arrive à produire de bons méteils et des sorghos corrects derrière qui permettent de composer des rations intéressantes », résume le responsable de Ferm’Inov. Un résultat à prendre avec des pincettes, car il doit être affiné dans de prochains essais.