PROSPECTIVE
Prospect'Aura : quelles agricultures à l'horizon 2040 ?

Depuis juin 2023, vingt-deux élus et quinze agents des chambres départementales et régionale d'Auvergne-Rhône-Alpes planchent sur un ambitieux projet de prospective de l'agriculture régionale. Cinq scénarios d'évolution ont d'ores et déjà été isolés.

Prospect'Aura : quelles agricultures à l'horizon 2040 ?
Yannick Fialip, président de la chambre d'agriculture de Haute-Loire et élu référent du projet Prospect'Aura. ©SC

Soumise à de multiples influences comme autant de défis à relever, entre attentes sociétales, mutation des exploitations, changement climatique… l'agriculture d'Auvergne-Rhône-Alpes questionne ses modèles. Plutôt que de subir les évolutions à venir et les transitions à opérer, les chambres d'agriculture ont souhaité se mettre dans une position proactive en lançant en juin 2023, une vaste étude de prospective avec l’ambition d’investiguer le champ des possibles pour mieux appréhender les changements et avoir la capacité d'orienter l'avenir. L'exercice est assez inédit, d'abord sur la méthode, car il ne vise pas la prédiction mais bien l'exploration des futurs possibles, comme le souligne Yannick Fialip, président de la chambre d'agriculture de Haute-Loire et élu référent du projet. « Plus de 200 personnes (filières, experts, territoires) ont été interrogées afin de collecter leur vision de l'avenir lors de la première phase conduite entre juin et octobre 2023. Puis, dans une seconde phase, des facteurs de changements ont été identifiés, des controverses analysées sous l’angle juridique, éthique. Nous avons également intégré dans la réflexion les signaux faibles, des tendances lourdes de demain, telles que l'émergence de l'intelligence artificielle. » Accompagné par le cabinet spécialisé Gerpa, le comité de projet a compilé tous ces éléments et, à la fin du printemps, ont émergé cinq scénarios principaux d'évolution de l'agriculture régionale.

Cinq scénarios

Premier scénario : une agriculture profondément duale qui subit le stop-and-go où l'urgence climatique et la réglementation sont les métronomes de l'activité avec des aides dictées par des objectifs environnementaux dans un paysage où l'agrandissement des fermes s'accentue. Le second scénario table sur un pacte de productivité et de tensions autour de l'agriculture avec en toile de fond des crises et instabilités qui remettent la souveraineté alimentaire française et européenne au cœur des enjeux. Cet objectif est assorti de moyens technologiques, de robotisation, mais n'est pas sans susciter ?? entre consommateurs, État et agriculteurs. Le troisième scénario penche pour une territorialisation de l'agriculture autour d'un Pacte sociétal de l'alimentation avec un ralentissement du libre-échange au profit d'une régionalisation qui renforce le rôle des collectivités locales. Le cocktail « libéralisation et agriculture de firme » constitue le quatrième scénario avec un investissement massif des entreprises de l'aval et de la distribution dans l'agriculture qui démocratise le phénomène d'intégration. Enfin, le cinquième scénario aux antipodes des quatre premiers, baptisé « en vert et contre tout » propose une approche intégrée environnement agriculture dans une politique de ruralité quitte à perdre en compétitivité. « Toutes ces hypothèses ont été testées auprès de nos partenaires, leur caractère plausible notamment. À ce stade du travail, il paraît raisonnable d'indiquer que l'avenir se fera probablement par la combinaison de traits de plusieurs scénarios. Nous allons poursuivre l'analyse qualitative des impacts des scénarios, et approfondir les conséquences de chacun sur les volumes et la valeur de la production agricole, l'utilisation des surfaces, les entreprises et les systèmes agricoles, les emplois dans les filières agricoles et agroalimentaires, le bilan carbone, les gaz à effet de serre, et l'environnement en général », précise Yannick Fialip. Les conclusions de ces travaux sont attendues pour l'automne 2024.

Sophie Chatenet