Pôle régional ovin de Charolles
L’agrivoltaïsme à l’essai depuis trois ans au pôle régional ovin de Charolles

Marc Labille
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Depuis trois ans, la ferme du Pôle régional Ovin accueille une expérimentation d’agrivoltaïsme en élevage ovin. Menés dans le cadre d’une conduite herbagère adaptée, ces essais donnent des résultats éclairants. 

L’agrivoltaïsme à l’essai depuis trois ans au pôle régional ovin de Charolles
Michäel Floquet, directeur de l’exploitation du lycée de Charolles et Lise Jaulmes, référente agronomie à Valeco qui, avec Laurent Solas de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire suivent l’essai d’agrivoltaïsme sur la ferme du Pôle ovin.

Depuis l’automne 2021, le pôle régional ovin de Charolles est le théâtre d’une expérimentation d’agrivoltaïsme en partenariat avec la société Valeco, la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire et le lycée de Charolles. Il s’agit d’étudier les effets d’une installation photovoltaïque sur la production fourragère d’une prairie exploitée par des ovins. L’étude concerne la pousse de l’herbe, mais aussi le comportement des animaux.

Sur une parcelle pentue proche de la ferme, des panneaux photovoltaïques sont disposés suivant plusieurs modalités. Une zone dépourvue de panneaux fait office de témoin.

Des mesures de la pousse de l’herbe sont effectuées toutes les semaines. Des prélèvements permettent de suivre la composition floristique et la valeur alimentaire. Température et humidité sont également relevées toutes les heures.

La parcelle recouverte de panneaux photovoltaïques est pâturée en mode dynamique : à chaque tour, un lot de 120 brebis y est lâché pendant 24–48 heures.

Alors que la troisième campagne d’observation est en cours, un certain nombre d’enseignements ont été mis en évidence.

Répartition de l’eau inégale sous les panneaux

L’une des premières observations concerne la répartition de l’eau de pluie sous les panneaux. Chaque bloc de panneaux est composé de deux rangées de 15 panneaux solaires orientés en format « portrait ». Sous ces panneaux, on observe que l’herbe pousse beaucoup mieux dans la partie inférieure alors qu’elle pousse très mal dans la partie supérieure. Cette différence s’explique par une arrivée hétérogène de l’eau de pluie sous les panneaux. L’eau qui tombe sur la rangée supérieure de panneaux, pénètre massivement à travers l’interstice à la jonction des deux rangées. D’où une bonne irrigation de la partie inférieure du sol sous panneaux, mais un déficit de pluie sur la partie supérieure. Pour pallier ce problème, les expérimentateurs ont pensé à retourner les panneaux en mode « paysage ». Cela fait passer de deux à trois rangées de panneaux avec deux interstices au lieu d’un seul, d’où une bien meilleure répartition de l’eau de pluie sous les panneaux.

Perte de rendement de -10 à -30 %

Autre observation permise par cette expérimentation, les panneaux avaient été placés un peu trop bas (1,10 m de hauteur à la partie inférieure). Les mesures de pousse de l’herbe mettent en évidence « une perte de rendement allant de -10 jusqu’à -30 % », indique Lise Jaulmes, référente agronomie à Valeco. « En réhaussant les panneaux à 1,50 m de hauteur, tout en améliorant la répartition de l’eau de pluie, on pourrait atteindre les 90 % de rendement », confie l’experte.

+1 degré en hiver ; -10 degrés en été

La présence des panneaux solaires a un impact significatif sur les températures. En hiver, il fait un degré de plus sous ces panneaux, d’où un risque de gelée atténué, fait valoir Lise Jaulmes. En été, à l’ombre des panneaux, la chaleur est inférieure de 10 degrés, ce qui profite aux ovins pour lutter contre les coups de chaud. Au niveau de la pousse de l’herbe, les zones « entre-panneaux » —bandes de prairies séparant deux rangées de panneaux— ont une production meilleure que la zone témoins sans panneau, rapporte la technicienne. En été, lorsqu’il n’y a plus d’herbe sur la parcelle sans panneaux, il en reste encore entre les rangées de panneaux. Et au pire de la sécheresse, la dernière herbe qui résiste est celle qui se trouve sous les panneaux. D’où une résilience accrue pour une parcelle en agrivoltaïsme, estime-t-on.

Tendance à lisser la production…

L’herbe produite sur la parcelle est de bonne qualité : de 0,9 à 1 unité fourragère (UFL), fait valoir Lise Jaulmes. « La présence des panneaux a tendance à lisser la courbe annuelle de pousse de l’herbe, avec davantage d’herbe en hiver et en été et maintien d’une qualité alimentaire plus longtemps », rapporte Michäel Floquet, directeur de l’exploitation du lycée de Charolles. Autre avantage constaté, « l’herbe ne forme pas ou peu d’épis sous les panneaux, ce qui la rend plus digeste pour les animaux et lui permet de conserver une bonne qualité nutritive plus longtemps ».

À compter de l’automne prochain, l’expérimentation doit se poursuivre pendant trois années supplémentaires avec des panneaux au format paysage. Valeco étend l’expérience aux bovins (Vienne) et aux volailles (Charentes).

 

Le Pôle ovin va tester l’élevage en plein air intégral

Jusqu’en 2023, la ferme du pôle régional ovin couvrait 75 hectares pour un cheptel de 600-700 brebis. En novembre dernier, l’exploitation s’est agrandie de 75 ha supplémentaires avec la reprise d’une ferme au nord de Charolles. Sur ce nouveau site, les responsables du pôle souhaitent développer l’élevage ovin en plein air intégral. Dans ce mode de conduite, l’élevage et les agnelages se feraient au pré. Seul l’engraissement continuerait de se pratiquer en bergerie. « La conduite en plein air revient à faire confiance à la nature, mais en l’aidant un peu. Nous devrons trouver le bon système de pâturage et même le montage génétique adéquat », confie le directeur de l’exploitation du lycée de Charolles, Michäel Floquet.

Des bovins pour lutter contre le parasitisme

L’inconvénient d’un élevage en plein air intégral est le risque de parasitisme. Pour le contrer, les responsables du pôle ovin ont souhaité introduire des bovins sur l’exploitation pour plus de mixité. Excluant d’emblée de faire naître des veaux, ils ont opté pour l’accueil de génisses de la ferme du lycée de Fontaines dont dépend le lycée de Charolles. L’effectif sera complété par des femelles d’embouche achetée auprès de Feder dans une optique d’engraissement à l’herbe, explique le directeur. Outre la gestion du parasitisme, les responsables de la ferme entendent faire jouer les complémentarités et synergies entre les deux ateliers. Les bovins pouvant contribuer à améliorer la productivité des ovins dans un système plus diversifié, estime Michäel Floquet.

Dans cette optique de plein air, l’agrivoltaïsme peut être vu comme un outil d’adaptation, ajoute le directeur. « L’été, nos animaux sont très mal dehors. Au-delà de 30 degrés, les bêtes deviennent improductives. Les vieux chênes ont souvent disparu et il manque des abris dans les prairies. Sur nos parcelles où nous pratiquerons le plein air, l’agrivoltaïsme pourrait nous permettre de constituer des petits îlots pour protéger les ovins des fortes chaleurs ».