Culture viande
La baisse des abattages malmène les industriels

Les entreprises d’abattage-découpe subissent de plein fouet la baisse des abattages de bovins, mais aussi de porcs. Lors de leur congrès, elles ont esquissé quelques pistes pour préserver leur activité.

La baisse des abattages malmène les industriels
Entre 2010 et 2020, on est passé de 270 abattoirs de boucherie à 180, selon Boris Duflot, directeur du département Économie de l’Idele. Actuellement, un abattoir ferme chaque mois en France. ©Shutterstock

La baisse de la production bovine, et dans une moindre mesure, porcine, met à mal un grand nombre de sites d’abattage-découpe en France, ont déploré les participants au congrès annuel de Culture Viande le 15 octobre dernier à Paris. La fédération des entreprises du secteur a, en effet, fait état des graves difficultés économiques traversées par certaines entreprises, y compris les plus puissantes, affectées par la baisse très sensible de leur approvisionnement, mais aussi par la hausse du prix des animaux et la flambée des charges liées à l’énergie. Habituées aux taux de résultat courant avant impôt très faibles, mais malgré tout légèrement positifs, les entreprises du secteur ont vu basculer leurs comptes dans le rouge en 2023, ont expliqué les grands patrons du secteur. Selon l’Observatoire de formation des prix et des marges de juillet 2024, le résultat courant moyen avant impôt des industries d’abattage et de transformation en France est passé sous la ligne de flottaison à - 0,9 %.

Le secteur se restructure 

Une évolution qui a accéléré la restructuration récente du secteur. « Entre 2010 et 2020, on est passé de 270 abattoirs de boucherie à 180, a précisé Boris Duflot, directeur du département Économie de l’Idele. Aujourd’hui, un abattoir ferme ses portes chaque mois ». Même si le rythme de décapitalisation du cheptel bovin tend à se ralentir (- 2,5 % en 2023, - 2,1 % au premier quadrimestre 2024), les perspectives ne sont guère favorables pour la filière bovine. Selon la société de conseil Ceresco, la poursuite de la baisse du cheptel au rythme de 2 % par an, comme elle est actuellement envisagée, aboutirait à une chute de 15 % du cheptel laitier et de 23 % du cheptel allaitant d’ici 2030. Un mouvement entretenu par une vague importante de départs d’éleveurs installés dans les années quatre-vingt et qui ne sont pas remplacés. « Le taux de renouvellement chez les exploitants en bovins allaitants n’est que de 40 % », a rappelé Boris Duflot. La situation n’est guère plus favorable pour le maillon intermédiaire en matière porcine. Les abattages ont continué à diminuer de 4,9 % en 2023, « même si la France s’en sort plutôt mieux que ses principaux concurrents européens », a analysé Élise Husson, de l’Ifip. Les outils industriels ont subi les conséquences de deux années de forte baisse de la production et ont aussi essuyé des résultats négatifs en 2023 (- 1,7 %). Mais les perspectives en matière de consommation et d’export restent favorables. D'ailleurs, les éleveurs français savent que les cours - des viandes bovines allaitantes et broutards notamment - dans le reste de l'Europe sont bien plus élevés qu'en France et que ces mêmes industriels ont des marges très confortables en ce moment...

Capter une partie du maigre

Reste que les entreprises d’abattage-découpe dont la base principale est uniquement en France « doivent s’interroger sur la façon dont elles vont alimenter leurs chaînes et s’adapter à la pénurie », a expliqué Ludovic Paccard, le directeur-général du groupe Sicarev lors d’une table-ronde. Selon lui, une voie possible pour les entreprises bovines est de tenter de « capter une partie du million d’animaux maigres qui franchissent chaque année les Alpes ou les Pyrénées ». « Nous voyons apparaître de nouveaux marchés sur le jeune bovin, en France, mais aussi à l’export comme vers la Turquie, l’Algérie ou le Maroc », a-t-il précisé.

À plus long terme, le patron du géant coopératif a insisté sur la nécessité de travailler « sur la précocité des races bovines, de manière à sortir des animaux plus jeunes, aux poids carcasses plus faibles et aux niveaux de persillé correspondant aux attentes des consommateurs ». En matière porcine, l’industriel s’est montré plus optimiste. « Il est possible d’enrayer le déclin dans cette filière à condition de réduire les délais d’installation et les recours, ce que le politique peut faire, a-t-il expliqué. Il est également important de donner les moyens aux éleveurs de faire face au financement des projets, dont les coûts ont explosé. Il est sans doute temps de regarder vers les modèles alternatifs qui apparaissent », a-t-il indiqué. « Dans certains élevages porcins, on scinde la charge de travail avec la création de maternités collectives capables d’approvisionner des centres d’engraissement ». Pour le dirigeant, il est cependant urgent d’établir une feuille de route pour l’élevage et la viande associant tous les partenaires de la filière « pour enrayer la décapitalisation ».