Réunions prévendanges 2024
On arrive au bout (des systèmes) !

Cédric Michelin
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Le 23 juillet au Vinipôle Sud Bourgogne à Davayé et à la cave de Buxy, l’Union viticole 71 invitait les viticulteurs à faire le point sur des vendanges 2024 « compliquées » à tout point de vue. Évidemment côté sanitaire avec une campagne pluvieuse et à forte pression mildiou, mais aussi en raison des difficultés commerciales ou pour recruter des vendangeurs. 

On arrive au bout (des systèmes) !

Le directeur du Vinipôle Sud Bourgogne, Benjamin Alban confirmait d’emblée le ressenti de toutes et tous : « que dire, que de pluie, un record statistique ». Depuis mars, le cumul de précipitation par rapport à une année normale est de +200 %. Avec 330 mm de pluie depuis avril et même 600 mm depuis début 2024, soit presque l’équivalent d’une année entière en Saône-et-Loire, autour de 700 mm de moyenne. Pour autant, ce ne fut pas la première crainte de l’année. Les premières pointes vertes au 3 avril suite à un débourrement « très précoce » avaient fait craindre un risque de gel. « On n’est pas passé loin de la catastrophe », rappelait-il ce qui semblait déjà être une éternité. Pour autant, des secteurs ont été touchés et s’en souviennent comme la vallée de la Grosne, les Maranges ou quelques bas de côteaux. « Autre verre à moitié plein ou vide selon », le manque d’ensoleillement en début de saison à calmer ce qui depuis juillet ressemble à un climat « tropical ». Heureusement, car les modèles sanitaires prévoyaient une forte pression mildiou… qui s’est confirmée plus tardivement. Le reste de l’année peut être sec et espérons, permettre d’éviter les pourritures, mais pour l’heure, la pluie a entraîné un « record » de contamination par le mildiou. « Nos indices de gravité théorique devraient finir avec la pression la plus forte jamais enregistrée ». Si cela pouvait avoir au moins une vertu, c’est de rassurer tous les vigneronnes et vignerons exténués par un combat sans fin : « c’est donc normal de voir et d’avoir des pertes de récolte. On arrive au bout du système », en Bio comme en conventionnel. Il ne s’en réjouissait pas, bien au contraire. Avec ses équipes, ils sont déjà en train « de poser plein de questions, tout comme au national », car c’est la vraie première fois que le problème se pose partout en même temps pour ne serait-ce qu’assurer de faire de la récolte au final. Le Bordelais est dans cette situation critique depuis quatre ans, à laquelle se rajoutent les crises économiques.

Erreur d’avoir sorti la grosse artillerie au début

« Et, ça aurait pu être pire », tentait-il de féliciter les vignerons qui ont réussi à contenir la pression mildiou malgré « une maturité des œufs précoces qui auraient pu entraîner plus de pertes dès le départ ». C’est le froid aussi en avril-mai qui a « calmé » le mildiou. Reste qu’en ce mois de juillet, toute la Saône-et-Loire et 98 % des 140 parcelles suivies par les techniciens chambre sont recouvertes de mildiou sur feuilles et sur grappes. « Est-ce exceptionnel ou un futur habituel ? », devront répondre les techniciens qui penchent sur une nouvelle conséquence du dérèglement climatique. « Et surtout comment lutter techniquement ? », ne sait-il pas répondre « ne voyant pas forcément de gadins en bio, ni que tout a tenu en conventionnel ». Dans les deux cas, les IFT sont très hauts. Avec même bien souvent « 14 passages en Bio avec un gros cumul de cuivre », qui comme en HVE, Terra Vitis… fait qu’on arrive « au bout du système ». Une pression sanitaire qui n’est pas propre à la France qui se retrouve dans le camp de l’Allemagne « pour remettre des produits à base de phosphonate (fongicide et stimulateur de défense des plantes, N.D.L.R.), déclassés en bio » par le passé, que l’Italie et l’Espagne, les deux plus gros producteurs en volume de vin Bio ne veulent pas voir revenir dans le cahier des charges par exemple. La seule critique que Benjamin Alban se permettait, car bien malin celui qui savait en début de campagne, « c’est d’avoir sorti la grosse artillerie en début de campagne et maintenant de se retrouver désarmé », pour ne pas remettre la même famille de phytos pour éviter l’apparition de résistances à long terme.

Si l’oïdium semble « plutôt bien contrôlé pour l’heure » malgré là aussi une pression « exceptionnelle » cette année, Benjamin Alban se montrait plus inquiet sur le black-rot. « Lorsqu’on en voit, 15 jours après, il n’y a plus de vendanges », imageait-il son potentiel de destruction. Une inquiétude renforcée par le fait que « peu de produits sont efficaces », en Bio comme en conventionnel. Tous les cépages sont concernés. La fin de saison va donc être longue psychologiquement surtout après ce marathon dans les vignes. Pour finir sur le tour des sept plaies d’Égypte, la grêle a frappé le Sud de la Saône-et-Loire le 19 juin et le 12 juillet avec des intensités allant jusqu’à enlever 30 % du potentiel de récolte. Faisant chaque lundi leur tournée, les techniciens ont relevé ce 22 juillet, les premières baies vérées sur pinot.

Le président de l’Union Viticole, Patrice Fortune espère « ne pas revoir » une telle pression sanitaire de sitôt, mais voulait positiver. « Nos voisins nous posent la question si on s’en sort », ce qui est bien mieux que d’avoir des attaques à chaque traitement.

Des traitements de nuit en raison des abeilles ?

L’animatrice de l’Union viticole 71, Laura Demoulin revenait sur deux trois événements marquants de l’année. À commencer par l’arrêté dit "abeilles" qui vient modifier le classement des parcelles de vigne et surtout les modalités de traitements autorisées. Pour Patrice Fortune, la fleur de vigne n’est toujours pas attractive pour les abeilles « mais toute la biodiversité » retrouvée dans ou autour, l’est. Résultat, si le recours cette année a permis de ne pas changer les règles, il se pourrait que dès l’an prochain, il soit nécessaire de « traiter la nuit », lorsque les abeilles dorment… « et nos voisins, nos tractoristes », va se battre l’Union viticole pour avoir des nouveaux aménagements.

Côté bonnes nouvelles, de nombreux dispositifs d’aides sont à demander auprès du Département (pour la récupération d’eau de pluie), auprès de FranceAgriMer (pour réduire les phytos) ou auprès de la Région (pour lutter contre le changement climatique). Laura Demoulin se tient prête à accompagner les adhérents FDSEA pour les renseigner, comme sur les services économiques (capsules, GNR…).

Autre service de la FDSEA, puisque syndicat représentatif de la main-d’œuvre agricole et viticole, le service de Cécile Parent autour des questions d’emplois et de paies. Avant de passer en revue le Tesa simplifié –dans notre édition du 23 août annonçait Fatma Arda, conseillère MSA Bourgogne à Mâcon–, Cécile Parent invitait les vignerons à répondre à une enquête (à retrouver en ligne sur le site fdsea71.fr) sur l’opportunité de créer un Gieq, un groupement d’employeurs qui aimeraient mutualiser les formations de leurs salariés, afin de les faire progresser dans leurs carrières et surtout les fidéliser dans les domaines. « A voir ensuite pour les parcours de formation plus ou moins court, avec toujours une partie théorique et une partie pratique sur exploitation, mais avec la possibilité d’aboutir à l’obtention d’un diplôme », précisait-elle. Elle prenait l’exemple parlant d’un saisonnier intéressé pour se former comme agent viticole et qui pourrait se former avec des budgets formations dans le cadre de ce Gieq. Les vignerons sont donc invités à répondre en ligne sur « les compétences attendues », utiles dans leurs domaines à moyen terme.