Bâtiments d’engraissement
Lutter contre le stress thermique dans les bâtiments d’engraissement

Marc Labille
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Pour les bovins qui passent l’été en bâtiments, le réchauffement climatique impacte directement la production. Pour lutter contre le stress thermique, il faut adapter les bâtiments et les rations.  

Lutter contre le stress thermique dans les bâtiments d’engraissement
Des taurillons sur aire paillée ont besoin de 5 à 6 mètres carrés de surface par animal et 20 mètres cubes d’air par animal.

L’adaptation au changement climatique était le thème d’une soirée technique organisée en novembre dernier par Sicarev Coop. Le service technique de la coopérative s’est intéressé notamment au phénomène de stress thermique pour les animaux qui passent l’été en bâtiment.

Le stress thermique résulte à la fois de la température et de l’humidité. Pour mieux l’évaluer, on utilise le THI (Température Humidity Index) correspondant au rapport entre la température et l’humidité. Le stress est avéré quand le THI atteint une valeur de 72. Mais ce stade peut être atteint à 31,5 °C si l’humidité relative est de 0 % comme il peut intervenir dès 23 °C si l’humidité atteint 90 %. Le nombre de jours de stress thermique dans l’année (THI supérieur à 72) augmente avec le réchauffement climatique. D’une moyenne de 80 jours à la fin des années 2010, il passerait à 120 jours en 2030, soit un jour sur trois de stress thermique. C’est ce qu’ont connu les animaux en 2018 et 2022. Le stress thermique se manifeste toujours par une baisse des performances des animaux touchant GMQ, fécondation, mortalité embryonnaire…

Du bon choix des abreuvoirs

Au niveau du bâtiment, la question de l’abreuvement est cruciale, encore plus avec le changement climatique. En temps normal, une vache allaitante consomme 80 à 100 litres d’eau par jour. En situation de stress thermique, cette consommation peut augmenter jusqu’à + 50 %. « Un bovin boit entre 3 et 5 fois par jour 14 à 18 litres d’eau par minute », fait valoir Romain Bouillot, technicien à Sicarev Coop. Souvent, le débit des abreuvoirs en ferme est inférieur à ces valeurs, observe-t-il. Dans les bâtiments, on recommande au moins un abreuvoir pour 15 bovins. Cet abreuvoir doit être à la bonne hauteur (70 à 90 cm) avec un dégagement suffisant au-dessus. Car il faut sans faute que les animaux aient un accès facile à l’eau et en quantité. Le choix du bon type d’abreuvoir est important. Les traditionnels abreuvoirs individuels à niveau constant souffrent d’un débit limité (seulement 10 litres par minute). Les abreuvoirs à boules sont connus pour leur nettoyage difficile. Des abreuvoirs dotés de réserves gagnent du terrain. Semblables à de grands bacs alimentés par un gros débit, ils permettent aux animaux de boire abondamment et rapidement.

Une eau de qualité irréprochable

L’eau du réseau a l’avantage de sa disponibilité et de sa qualité, mais elle est coûteuse. Ce qui pousse certains éleveurs à capter des eaux de source, réaliser des forages, créer des puits… La récupération des eaux de pluies est une autre possibilité encouragée par le conseil Départemental qui aide les projets à hauteur de 80 %. Le service technique de Sicarev Coop alerte cependant sur la qualité de ces eaux de pluie qui ne sont pas exemptes de pollutions et qui sont dépourvues de minéraux, contrairement aux eaux de source. Ces eaux doivent donc être traitées et minéralisées. Il faut aussi prévoir un stockage suffisant.

Attention au rayonnement direct du soleil

La gestion du stress thermique passe par une bonne ventilation. L’ambiance dans un bâtiment dépend à la fois du volume d’air, de la surface par animal, de la température, de l’humidité, de la luminosité et de la largeur de ce bâtiment. Des taurillons sur aire paillée ont besoin de 5 à 6 mètres carrés de surface par animal et 20 mètres cubes d’air par animal. Pour contenir la chaleur à l’intérieur d’un bâtiment, il faut éviter le rayonnement direct du soleil. Désormais, on ne recommande « pas plus de 2 % de translucide sur la toiture » et on déconseille « les dômes éclairants » qui font effet de serre.

Beaucoup d’air sans courant d’air…

En matière de ventilation, « le renouvellement d’air doit permettre un volume suffisant, mais sans courant d’air », prévient Romain Bouillot qui ajoute que « l’air est fainéant ». En effet, il faut savoir que les mouvements d’air, entre une entrée et une sortie, ne dépassent rarement les huit mètres de distance. D’où la nécessité, pour les bâtiments très larges, d’ajouter des entrées ou sorties d’air supplémentaires telles que plaques écaille ou cheminées.

La meilleure solution de ventilation consiste en l’effet vent. Ce dernier résulte de la différence de pression entre deux parois opposées. L’air entre d’un côté et sort de l’autre créant « un balayage horizontal du bâtiment ». C’est la combinaison de l’effet vent et de l’effet cheminé qui est censée assurer le renouvellement d’air. Mais, pour le bien-être des animaux, cela doit se faire sans courant d’air. D’où le recours à des filets brise-vent ou des bardages à claire-voie. Des équipements qui peuvent être plus ou moins amovibles offrant la possibilité d’accroître la ventilation lorsque la chaleur augmente.

Ventilation dynamique en dernier recours

Et quand la ventilation naturelle ne suffit plus pour abaisser le stress thermique des animaux, une ventilation dynamique peut être nécessaire. Le brassage d’air (au moyen de ventilateurs à pales) homogénéise les masses d’air à l’intérieur du bâtiment et crée une sensation de fraîcheur pour les animaux. En dernier recours, la brumisation est une ultime solution. Mais sans une excellente ventilation, elle provoque un effet sauna pour les animaux.

 

 

Adapter la distribution et les rations

Adapter la distribution et les rations

Pour limiter l’impact du stress thermique sur les animaux en bâtiments, les techniciens de Sicarev coop préconisent une adaptation de la distribution. Pour favoriser l’ingestion, il faut multiplier le nombre de distributions. Et pour éviter la surchauffe des rations humides, mieux vaut privilégier de distribuer le soir, indique Romain Bouillot de Sicarev Coop. Le stress thermique entraîne une baisse de la consommation de fourrage (-10 % en matière sèche), d’où une perte de GMQ donc de kilos de carcasse et finalement d’euros. « Il faut reconcentrer la ration, mais sans favoriser d’acidose », met en garde le technicien. Autrement dit, il faut parvenir à « garder un niveau de cellulose suffisant pour faire ruminer ». Pour « reconcentrer » la ration, il faut « limiter les apports de glucides rapidement fermentescibles et d’azote soluble ». En clair, il faut limiter les céréales à paille, privilégier le maïs en variant les sources d’énergie et d’azote. Une règle toujours vraie, mais encore plus en situation de stress thermique, souligne Romain Bouillot.

L’apport de minéral et d’oligo-éléments est un autre impératif face au stress thermique, complète le technicien.

36 % des éleveurs modifient leurs pratiques de rationnement

Conduite par une stagiaire à la section Charolais Horizon de Sicarev Coop, une enquête s’est attachée à sonder comment les éleveurs ressentent le changement climatique. Ce sondage a révélé que 36 % des éleveurs avaient dû modifier leurs pratiques de rationnement pour les animaux engraissés en bâtiment. 60 % d’entre eux ont changé la complémentation minérale ; 25 % ont modifié leur méthode de distribution et 12 % ont modifié la ration, rapporte Romain Bouillot de Sicarev Coop. Dans les périodes de forte chaleur, 60 % des éleveurs jugent « correct » le confort de leurs animaux en bâtiment. Mais les adaptations à la chaleur sont encore très rares en élevage allaitant et elles se limitent à quelques filets brise-vent. Optez plutôt pour protéger les bovins en hiver, relève l’enquête.

EARL des Varennes : « les jeunes bovins souffrent quand il fait chaud »

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À Saint-Maurice-en-Rivière, Ludovic Petit engraisse des bovins et il dispose de 100 à 120 places de bovins à l’engrais dans ses bâtiments. Bien que cette exploitation de polyculture produise beaucoup de maïs, l’agriculteur a pris pour habitude d’incorporer de l’ensilage d’herbe à la ration de ses bovins en finition. De septembre à avril, le maïs est majoritaire dans la ration des animaux. Mais à partir du mois d’avril, Ludovic enclenche une transition en augmentant la part d’herbe tout en diminuant le maïs. Dans le même temps, il accroît la quantité de céréales à paille. Ce régime lui fait économiser du correcteur. En été, quand la chaleur se fait caniculaire, Ludovic a observé que ses animaux souffraient. « Ils mangent moins, boivent beaucoup plus, lapent, mouillent les litières », rapporte-t-il. Mangeant moins, les bêtes ruminent moins, si bien que le risque d’acidose s’accroît, d’autant plus que la ration est plus riche en céréales à paille. Pour « tamponner ce risque d’acidose », Ludovic introduit du bicarbonate à la farine qu’il distribue à ses animaux. Cet ajout de bicarbonate est appliqué début juillet à fin août.

Si les animaux ressentent les effets de la chaleur en été, ils bénéficient malgré tout d’un bâtiment qui « ventile bien », fait valoir l’agriculteur. Orienté est-ouest, c’est un bâtiment à long pan ouvert, avec une sortie d’air au faîtage et un bardage ajouré. Prévu pour contenir dix bêtes par case, Ludovic n’en met que sept, ce qui lui économise de la paille. Chaque case de sept dispose d’un abreuvoir et d’une pierre de sel. Le paillage est effectué chaque soir et la ration est distribuée une fois par jour le matin. Ludovic repousse les aliments trois fois par jour à l’aide d’un quad équipé d’une lame à l’avant.