Crise des fonds Feader en BFC
La Région avance (enfin)

Cédric Michelin
-

Même endroit chez Julien Fénéon à Saint-Julien-de-Civry. Même personnes à quelques absents près. Même dossiers bloqués à la Région BFC sur les fonds Feader (DJA, PCAE)… 8 mois après ! Chambre, syndicats, OPA, DDT, Ministre ont « tendu la main » au conseil Régional. Ainsi, des dossiers avancent permettant à la Région d’enfin s’organiser.

La Région avance (enfin)

En ce beau 17 juillet, la cinquantaine d’agriculteurs avait bien du travail à faire que de refaire la même réunion 8 mois après. Mais c’est une redite du 6 novembre 2023 qu’ils ont vécue. Tous les élus régionaux avaient été une nouvelle fois invités. Ne se défaussant pas, le vice-président à l’Agriculture, Christian Morel revenait, avec son collègue et éleveur à Charbonnat, Fabrice Voillot ainsi que Gérald Gordat, aussi président de la Comcom du Grand Charolais. Également présents depuis le début de ce serpent de mer, Josiane Corneloup, réélue députée de la circonscription et Jérémy Decerle, non réélu au Parlement Européen. Déplorant en revanche à nouveau l’absence du directeur des services de la Région malgré son engagement lors de la mobilisation à Dijon le 10 juin dernier, il se faisait remplacer par son adjointe au fonds Feader, Cécile Thozet qui semblait, elle, compétente.

« On veut des solutions concrètes »

Mieux vaut car « l’attente est très forte », prévenait Christian Bajard, en tout début de réunion dans la stabulation à l’abri du soleil. Pourtant, la température montait vite. Julien Fénéon représentait sa ferme et ses projets alors que son dossier PCAE est toujours au point mort depuis la dernière fois. « Monsieur Morel, vous aviez promis des changements, mais il n’y a eu aucune évolution. Aujourd’hui, on veut des solutions concrètes et applicables », le prévenait-il sans plus aucun ménagement. Une colère légitime lorsqu’on sait que ses prélèvements et sa vie privée en pâtissent. Sans compter la perte de temps, d’argent, l’inflation et la hausse des taux… avec des prêts à court terme en plus.

Le président de JA71, Maxime Bonnot interpellait donc Christian Morel : « On veut un calendrier avec des chiffres et des objectifs clairs sinon on remontera à Dijon », prévenait-il. Christian Morel se lançait donc dans une série d’explications, souvent interrompues par des témoignages qui venaient contredire ses nouvelles promesses. « La DJA reste notre priorité à la Région avec paiement à 3 mois quand le dossier est complet », expliquait-il avoir « remis du personnel » pour gérer aussi des anciens dossiers remontant à 2017 parfois.

Des renforts arrivent

Mais au-delà de ces dossiers en souffrance, la profession lui demandait de reprendre la gestion du « flux normal » des dossiers entrants. La profession agricole n’ayant aucune visibilité pour répondre aux porteurs de projets actuellement, qui préfèrent désormais reporter ou abandonner. « On a des renforts en septembre avec sept personnes supplémentaires. On avance bien », annonçait-il, s’engageant à revoir JA BFC fin août. Cette fois, il remerciait les techniciens des chambres et des DDT qui ont repris des dossiers pour les débloquer. Le président de JA BFC, Thomas Lemée l’arrêtait tout de suite. « J’ai du mal à entendre qu’on avance bien quand j’entends qu’on attend de régler des DJA de 2017 ! La profession agricole n’est pas cogestionnaire, on n’a pas cette responsabilité à porter sur nos têtes, mais je suis prêt à venir toutes les semaines » à Dijon, le recadrait-il sèchement. D’autres réactions d’agriculteurs ne laissaient pas le temps à Christian Morel de reprendre. « Vous allez payer des intérêts de retard à ces jeunes qui avaient besoin de l’argent alors que vous avez laissé ces dossiers dans les cartons ? ». Certes, ici, la Région a récupéré des « dossiers complexes » du passé, mais faut-il accumuler le retard ? Christian Morel reconnaissait aussi l’erreur de départ de sa Région. L’apprentissage des appels d’offre ouverts « sur une longue période » a entraîné plus de problèmes à gérer puisqu’il y a désormais des « dossiers saute-mouton », comme il les appelle, sur deux programmations de fonds Feader (RDR 3 et RDR4 actuellement).

Rattraper le retard à marche forcée

C’est donc un nouvel appel à projet qui va s’ouvrir sur une période plus courte. La seule vraie bonne nouvelle du jour était celle « d’équipe renforcée », à l’image de la nouvelle directrice adjointe, Cécile Thozet, arrivée il y a 3 mois pour gérer les fonds Feader à la Région. « Les comités de sélection et de programmation se réunissent la semaine prochaine pour étudier les dossiers reçus en décembre et pour apporter une réponse début août », avec l’engagement de les payer « direct » si le dossier est complet. Précision importante, l’État et donc les DDT « jouent le jeu » en se récupérant « plus de 800 dossiers », dont 215 pour la seule DDT de Saône-et-Loire, donnait pour une fois des chiffres, Christian Morel.

Le passif semble néanmoins grossir avec le président de la chambre d’Agriculture, Bernard Lacour qui tenait à percer l’abcès devant témoins : « je soutiens totalement nos techniciens sur les dossiers à tranches. Des dossiers possibles et bien faits. C’est petit joueur de nous mettre cette responsabilité. Le terme frauduleux est insupportable », faisait-il référence aux propos entendus à Dijon, tenus par Christian Morel et le directeur des services devant la présidente de Région comme pour se dédouaner. Et Bernard Lacour de proposer un nouvel état d’esprit qui doit prévaloir pour le bien de tous les agriculteurs : « confiance et transparence ». Sinon, « les agris vont vous remonter les bretelles », disait tout en retenue, Christian Decerle dans une colère froide.

Prendre en charge les intérêts

Sachant pertinemment que les dossiers n’allaient pas être payés à la sortie de cette nouvelle réunion, Christian Bajard demandait de « prolonger la prise en charge des intérêts des prêts à court terme » sur le budget de la Région. Pour rappel, c’est l’association des Régions de France qui avait demandé la gestion des aides Pac, n’ayant heureusement obtenu que les aides non-surfaciques. « La profession agricole s’est battue pour avoir plus d’argent et vous n’êtes pas foutu de le dépenser, vous empêchez des projets et mettez en difficulté des exploitations, y compris celles avec pourtant de bonnes assises économiques ». Un éleveur dans la stabulation ironisait sur le plan engraissement lancé dernièrement par la Région. « Faut des bâtiments pour ça et nous, on sait anticiper pour faire naître des veaux ».

Souvent interpellée sur le sujet et apportant son aide à son niveau, la députée Josiane Corneloup redisait trouver « inacceptable cette situation », elle qui entend la « détresse » et n’étant pas rassuré « par les discours d’aujourd’hui » de la Région. Elle réclamait plus de « proximité », à commencer par une « hot-line » pour que les agriculteurs aient un technicien à la Région au bout du fil qui réponde et les informe de l’avancée de leur dossier. « On ne lâchera rien », pointait chaque détail Maxime Bonnot pour les JA. Et Christian Bajard de conclure sur ce qu’il ne veut pas voir advenir : « vous serez comptables des agris qui restent sur le carreau », fixait-il Christian Morel dans les yeux, lui donnant une dernière chance pour que le retard se résorbe en 2024 et « pour être dans les clous en 2025 ».

Les avancées suite à la pression syndicale et professionnelle

Ancienne programmation 2014 – 2022

Attention, la fin de programmation se rapproche pour le programme de développement rural 2014-2022, la date limite pour transmettre les paiements de la Région à l’ASP est le 30 juin 2025 mais, à cette date, il faut retrancher le temps d’instruction des dossiers. C’est pourquoi, tous les justificatifs des agriculteurs doivent être transmis avant la fin avril 2025, à la Région, pour les dossiers traités par la Région. C’est la même date limite pour les dossiers repris par les DDT. Bonne nouvelle, le 2 juillet, la Région a reçu un courrier du ministre de l’Agriculture annonçant la prolongation unilatérale des dates butoirs inscrites dans les conventions attributives de subvention. Concrètement, les agriculteurs qui avaient une convention avec une date limite au 30 septembre pour demander le solde de leur subvention bénéficient d’un délai supplémentaire. Malheureusement, ce délai supplémentaire n’affranchit pas le demandeur d’un avenant, si le demandeur a modifié son projet initial.

Dossiers bâtiments

Sur les 1.489 dossiers bâtiments à traiter, encore 963 dossiers n’ont pas encore fait une demande de paiement (lire notre précédente édition). Sur ce sujet, Marie-Guite Dufay indique : « Il n’y aura pas de dégagements d’office en juin 2025 avec la perte de financements prévus pour les agriculteurs ».

DJA

Au niveau des acomptes, la situation redevient normale. Aujourd’hui, le taux de paiement des acomptes se fait dans le respect des délais de trois mois. Par ailleurs, il a été décidé d’utiliser l’intégralité des reliquats de l’ancienne programmation sur le financement 2023 et les premiers mois 2024 ; ce qui a permis de ne pas créer de rupture dans le traitement des demandes. Le nouveau dispositif, financé par la nouvelle programmation, devrait être opérationnel en septembre.

PCAE

Actuellement, il reste encore 1 926 dossiers de l’ancienne programmation à payer sur le PCAE. La procédure d’instruction va s’accélérer. Pour cela, le rétro transfert de 896 dossiers vers les DDT a permis de désengorger la procédure. Le travail de complétude, assuré par les chambres d’agriculture, de plus de 400 dossiers, apporte un soutien non négligeable pour faciliter le traitement des dossiers. La profession, pour s’assurer d’un maximum de garanties, a sollicité le préfet pour proposer de nouveaux rétro transferts aux DDT et permettre, ainsi, à la Région de se concentrer sur le RDR 4.

Dossiers à tranches

Après expertise par l’ASP, ces dossiers sont repris intégralement par les DDT et financés par l’État sur du top up pur. Pour les dossiers « saute-mouton », concernés par une partie sur l’ancienne programmation et l’autre partie sur la nouvelle programmation, ils seront pris en charge par la Région, explique Gilles Da Costa directeur général des services de la Région.

Fonds de solidarité

Si certains avaient compris que la Région maintenait le fonds de solidarité pour les dossiers non soldés qui en faisaient la demande. Le relevé de décisions de la rencontre est plus nuancé. Il précise que la Région s’engage à ce qu’une concertation avec les banques soit engagée pour examiner les conditions d’un éventuel prolongement pour ceux qui n’auraient pas encore été payés. Christian Bajard lui insiste pour que « ce dispositif puisse bénéficier aux personnes ayant un retard de paiement du Feader avec une prise en charge des frais financiers liés ces délais supplémentaires. »

Nouvelle programmation 2023-2027

Pour l’appel à projets 1 PCAE JA 2023, 99 dossiers ont été sélectionnés. L’ASP vient de donner son feu vert pour finaliser les conventions qui seront transmises aux intéressés avant la fin du mois d’août.

Pour l’appel à projets 2 PCAE clôturé en février 2024, 601 dossiers ont été déposés. La phase de complétude est en cours. L’instruction de ces dossiers est prévue d’août à octobre. La sélection des dossiers est prévue à l’automne. Les dossiers non retenus bénéficieront uniquement des crédits de la Région ; soit une subvention de 50 % du montant prévu avec le Feader.

Pour faciliter le traitement de ces dossiers, la Région s’est engagée à transmettre les informations générales, dans chaque département, auprès des opérateurs, pour faciliter l’accompagnement des agriculteurs.

Pour l’appel à projets 3 PCAE ouvert du 4 juillet au 4 septembre 2024, les services de la Région envisagent de prévoir un mois supplémentaire pour le dépôt des dossiers, car la période des vacances n’est pas très propice pour récupérer toutes les pièces nécessaires au montage du projet, en particulier les devis auprès des entreprises.

Évolution des grilles

« Certaines productions, comme la volaille ou les porcs, n’ont pas accès aux aides car les grilles de sélection sont trop sélectives », explique Louis Accary pour la filière apicole. Un travail est engagé pour une meilleure prise en compte de toutes les productions, la mise à jour des grilles et la simplification des justificatifs à fournir pour les prochains appels à projets qui seraient lancés fin 2024, début 2025.