Lycées agricoles et forestiers
Vers une « hybridation » des lycées agricoles

Cédric Michelin
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Vice-présidente en charge de la formation professionnelle, sanitaire et sociale, et donc des lycées pour le Conseil Régional Bourgogne-Franche-Comté, Océane Godard nous a accordé une interview afin de revenir sur les décisions concernant le lycée forestier du Velet et les rumeurs autour du LPA de Charolles. L’occasion d’entrevoir, selon elle, la politique future des établissements de formation agricole et leurs plateaux techniques.

Vers une « hybridation » des lycées agricoles

En quelques mots, quelle est la politique de la Région BFC en matière de formation ?

Océane Godard : La région a la compétence sur la formation des demandeurs d’emploi. Ma délégation concerne les lycées, l’apprentissage et l’offre de formation, c’est-à-dire la carte des formations pour laquelle la Région participe avec le rectorat à ouvrir ou fermer les formations dans les lycées professionnels notamment.

En ce qui concerne l’orientation, rapidement, la politique pour les lycées représente 129 lycées, 85.000 lycéens, 1.400 bâtiments et 2,3 millions de mètres carrés, puisque la Région est propriétaire des bâtiments. Dedans, la Région intervient sur tous les aspects plateaux techniques, équipements, matériels… pour avoir une pédagogie adaptée, suivant les programmes de formation qui sont eux rédigé par les Ministères (de l’Éducation nationale ou de l’Agriculture et la Forêt, N.D.L.R.).

 

Au-delà de ce cadre général, quelle est la situation en Bourgogne-Franche-Comté ?

O.G. : Nous sommes dans des territoires qui subissent des baisses démographiques comme d’autres régions de France. On a perdu 20.000 lycéens en 20 ans et les perspectives de l’Insee ne sont pas bonnes. Faut-il dès lors fermer un lycée par an ? Ce n’est pas le choix de la région Bourgogne-Franche-Comté. Notre réflexion est plus fine et vise à mutualiser davantage, par exemple sur la restauration commune d’Internats pour plusieurs lycées ou pour un collège avec un lycée.

On souhaite aussi ouvrir les plateaux techniques avec de nouveaux équipements, tels que des imprimantes 3D par exemple. Ces différents équipements peuvent servir aussi aux entreprises locales dans le cadre de la formation continue. Le lycée de demain s’ouvre davantage à son écosystème dans les territoires. On est vraiment proactif en la matière. Également, on expérimente. Au lieu d’être fermé pendant deux mois les étés, les internats pourraient servir à des associations d’éducation populaire.

Notre exigence, notre choix est de maintenir les formations dans les territoires.

 

Qu’en est-il alors de la fermeture du lycée forestier et de la nature du Velet à Étang-sur-Arroux ?

O.G. : Depuis 2005 et François Patriat alors président du conseil Régional, on s’était battu pour son maintien alors que la question du nombre d’élèves se posait déjà. Il était déjà question de le fermer. L’Epide (Établissement pour l’insertion dans l’emploi) avait rejoint alors le Velet, ce qui a permis de rééquilibrer un petit peu économiquement. Mais le site est très fragile depuis des années.

 

Quelles sont les formations en jeu ?

O.G. : Il y a deux bacs professionnels qui sont enseignés aujourd’hui. Un sur le volet de la gestion des milieux naturels et, un autre sur la filière forêt-bois. Il y a maintenant de très lourds investissements à réaliser sur le site puisqu’on a des bâtiments anciens, qui ne sont plus aux normes énergétiques et thermiques. Il y a aussi des questions de sécurité pour les élèves. Cela nécessite donc un investissement financier de près de 20 millions d’euros, pour ce seul site, alors que le budget dédié aux bâtiments régionaux est de 140 M€/an. Ce n’est pas possible, on n’a pas le budget, ce ne serait pas équitable.

 

Que répondez-vous alors aux élèves, parents, habitants, élus de l’Autunois… qui souhaiteraient voir le Velet maintenu en l’état ou rénover ?

O.G. : On voit bien la difficulté qui se pose, c’est un territoire rural qui a déjà subi la fermeture de sa maternité ou la disparition de ses services publics de l’État. Pour ces raisons, on souhaitait maintenir cet établissement sauf qu’en fin d’année dernière, la Draaf (Direction régionale de l’Agriculture, l’alimentation et la Forêt) est venue me rencontrer pour me dire que cela devenait extrêmement difficile pédagogiquement, parce qu’il y avait moins d’élèves (71 contre 90 en 2019), parce qu’il ne parvenait plus à recruter d’enseignants, parce qu’il y a une problématique de recrutement d’un directeur (le directeur du lycée de Davayé, Jean-Philippe Lachaize assure l’intérim actuellement, N.D.L.R.)… La Draaf m’a dit que cela ne pouvait plus durer et qu’il allait devoir fermer ces formations.

Pour nous Région, en lien avec les milieux économiques locaux et les forestiers notamment, nous voulons absolument maintenir ces formations pour qu’il y ait des jeunes qui se forment dans les territoires. En l’occurrence, pour l’Autunois-Morvan, il était inconcevable que ces bacs pros disparaissent. Donc, nous Région, on a travaillé sur un transfert de ces formations sur la ville d’Autun. Il est vrai qu’une autre hypothèse a été étudiée, il y a 4 mois, pour un transfert du bac pro gestion des milieux naturels au lycée de Tournus, car cela en aurait fait un pôle d’excellence, en cohérence avec les formations dispensées à Tournus (paysagiste, maraîchage…) et faire à Autun, un vrai pôle forêt-bois avec des formations menuiserie déjà dispensées sur Autun. Mais on a écouté, on a rencontré les élus, les acteurs économiques, les agents, les enseignants… et l’hypothèse de Tournus était très mal vécue. Donc, on a entendu et travaillé depuis plusieurs mois sur le transfert de l’ENSEMBLE des bacs pros dispensés au Velet sur Autun. C’est complexe, mais on va y arriver. On finalise juste, car il manque des places d’internat, il faut transférer dans de bonnes conditions les ateliers… effectif pour la rentrée 2025. La rentrée 2024 se fera au Velet à Étang-sur-Arroux encore.

 

C’est donc bien le lycée Bonaparte à Autun qui reprend ces bacs pro et plateaux techniques ?

O.G. : On promeut l’hybridation entre le lycée Bonaparte (lycée d’enseignement général, N.D.L.R.) qui va accueillir un lycée agricole. Cela nécessite là aussi des ajustements, mais qui sont entre les mains du rectorat et de la Draaf, qui travaillent dessus. Mais l’ensemble du lycée du Velet va être transféré au lycée Bonaparte, y compris son entité administrative. Il n’y aura pas de licenciement de personnel du Velet (12 enseignants, 9 agents ; N.D.L.R.). La plupart n’habitent pas sur Étang-sur-Arroux. J’entends l’émotion, mais on est dans notre rôle et on garde l’offre de formation sur le territoire, là est le vrai enjeu, avec des formations suivant l’évolution des métiers et l’insertion à la fin.

 

L’hybridation que vous décrivez sera-t-elle choisie pour d’autres établissements agricoles ? On entend des rumeurs sur le LPA de Charolles…

O.G. : Tout d’abord, le lycée de Charolles n’a pas vocation à disparaître. Il y a juste un sujet sur effectivement pour des problématiques de sécurité côté Internat. Maintenant, que le président du Département Accary, que les parlementaires du territoire… se mobilisent pour que l’État joue le jeu et soit volontariste sur la requalification du site du Velet, mille fois oui. Et la Région sera à leur côté, la présidente s’y est engagée, qu’on ne peut pas accabler d’un soi-disant désengagement de la ruralité, car juste pour le soutien au Grand Autunois-Morvan, c’est 1,6 million d’euros de crédit de la Région uniquement pour 35 contrats. C’est l’un des territoires qui bénéficie le plus de ce principe de différenciation, pour aider là où il y a en effet le plus besoin. Il n’y a pas d’abandon de ce territoire.

Oui, j’aurais aimé expérimenter l’hybridation des lycées agri/enseignement général avec un seul conseil d’administration. Oui, pour mutualiser sans maintenir l’offre de formation d’un territoire sur des pôles d’excellence. Oui pour travailler sur l’hybridation des établissements. Parfois un collège et un lycée de part et d’autre de la rue, je ne pense pas que ce soit raisonnable que chacun refasse sa restauration dans son coin. Idem, les entreprises sont impressionnées par la qualité des équipements des plateaux techniques dans lesquels la Région investie des millions par an sur des équipements de pointe, ce n’est pas responsable qu’ils ne soient occupés qu’un tiers du temps parce que les élèves sont en stages. On pourra peut-être mettre à disposition des équipements des lycées, qu’ils soient agricoles ou professionnels d’ailleurs. Hybrider n’est pas supprimer où appauvrir le territoire, c’est imaginer le lycée de demain autrement avec de bonnes conditions de travail et surtout d’insertion derrière en étant encore plus connecté aux acteurs socio-économiques du territoire.