Pac
La simplification et la gestion de crise en centre du débat

Trop bureaucratique et pas assez réactive face aux crises. Telles sont les deux principales critiques exprimées envers la Pac actuelle par les ministres de l’Agriculture de l’Union européenne réunis les 9 et 10 septembre à Budapest pour commencer à réfléchir à la prochaine réforme.

La simplification et la gestion de crise en centre du débat

La majorité des ministres de l’Agriculture (ou de leurs représentants), réunis les 9 et 10 septembre à Budapest par la présidence hongroise, a plaidé pour une simplification de la Pac et des outils de gestion des crises plus souples. Lors de cette réunion informelle – dont étaient absents le commissaire européen (en déplacement au Brésil) et plusieurs ministres (France, Espagne, Allemagne notamment) –, les États membres ont entamé leurs discussions sur la future Pac post 2027. La Hongrie espère soumettre en novembre un projet de conclusions sur ce dossier. István Nagy, le ministre hongrois de l’Agriculture, a indiqué que les Vingt-sept étaient d’accord pour « maintenir le modèle actuel de mise en œuvre de la Pac afin de garantir un revenu décent et des conditions équitables aux agriculteurs ». Mais de prévenir qu’un « équilibre restait à trouver entre les obligations environnementales et la compétitivité des agriculteurs ».

La réserve agricole au cœur des attentions

Mais le plus gros des interventions a tourné autour de la gestion des crises (économiques, climatiques, sanitaires), lesquelles se sont multipliées ces dernières années. La Finlande estime que les futurs plans stratégiques de la Pac devraient inclure un « élément obligatoire » pour développer les outils de gestion de crise au niveau des États membres. Une petite partie des fonds de l’enveloppe nationale de la Pac pourrait également être affectée à la gestion des crises, selon cette délégation. Allant dans le même sens, la Slovénie et la Croatie ont proposé l’introduction d’un mécanisme ad hoc de réponse aux crises dans le cadre des plans stratégiques. Ce mécanisme volontaire permettrait aux États membres d’agir rapidement et d’alléger la charge qui pèse sur la réserve agricole. Mais plusieurs délégations ont aussi rappelé que le financement de cette réserve agricole devrait continuer à être assuré par le budget de l’UE et ne pas se traduire en une réduction des paiements directs. Pour l’Espagne, notamment, une hausse du budget de la réserve en cas de crise est nécessaire. De quoi alimenter les débats des prochains mois.

Dialogue stratégique

La semaine précédente, à un autre niveau, à l’unanimité (depuis les organisations agricoles jusqu’aux ONG), les participants du Dialogue stratégique pour l’avenir de l’agriculture ont tracé les grandes lignes de ce que devrait être la future politique agricole de l’UE. Une voie qui ne remet pas en cause la transition verte, ne révolutionne pas non plus les dispositifs en place, mais qui propose un changement de méthode allant bien au-delà de la seule Pac. Charge désormais à la nouvelle Commission européenne, qui prend ses fonctions, de s’emparer de ces conclusions pour les concrétiser dans une feuille de route attendue début 2025. Mais deux questions restent en suspens et pèseront sur les arbitrages à venir : la perspective de l’élargissement de l’UE à l’Ukraine et le budget disponible pour mettre en œuvre ces ambitieuses recommandations.
Ce travail avait été lancé au mois de janvier en réponse aux manifestations agricoles. Il a abouti à plus de vingt recommandations sur la simplification administrative, les aides de la Pac, la politique commerciale de l’UE, la place de l’élevage ou encore l’étiquetage. Il en ressort, selon le président des travaux, « une vision globale pour les quinze prochaines années afin de réconcilier agriculture et nature ». Résultat : pas une révolution (les propositions concernant la Pac par exemple sont très proches de ce qu’aurait dû être la dernière réforme), mais pas non plus la remise en cause que craignaient certains des objectifs environnementaux pris par l’UE ces dernières années. Il s’agit plutôt de changer de méthode après cinq années de tensions avec le vice-président de la Commission européenne chargé du Green deal Frans Timmermans.

Des aides mieux ciblées

Sur la Pac, il est notamment proposé de mieux cibler les aides vers les exploitations qui en ont le plus besoin en s’écartant, sans les abandonner, des soutiens à l’hectare : petits producteurs, jeunes agriculteurs, nouveaux entrants dans le secteur, zones soumises à des contraintes naturelles, exploitations mixtes… Les conclusions précisent que les aides publiques devront être basées sur la viabilité économique des agriculteurs, qui doit être démontrée par une méthodologie standardisée. Un groupe de travail indépendant composé d’experts en politique sociale, en économie et en agronomie devrait être mandaté pour définir les critères les plus appropriés. Un système de paiements environnementaux ciblés et axés sur les résultats, proches de ce qu’auraient dû être les écorégimes de la Pac actuelles, est proposé. Les conclusions soulignent que : les paiements rémunérateurs devront être conditionnés à des résultats quantifiables mesurés par des indicateurs solides. En toile de fond de ces réflexions : la perspective d’une adhésion de l’Ukraine à l’UE qui pourrait ponctionner une part importante des fonds de la Pac si le dispositif n’est pas revu

Un verdissement réellement simplifié

« Pour lutter contre la surcharge administrative » qui a accompagné les mesures de verdissement de la Pac introduites depuis quelques années, « nous proposons un système de jalon pour mesurer avec des indicateurs faciles à mettre en œuvre la transformation socioécologique de l’agriculture », résume le président du Dialogue stratégique. Il est proposé que la Commission européenne établisse un système de référence qui harmonisera les méthodologies d’évaluation de la durabilité dans les exploitations agricoles (avec des objectifs, des principes, des outils de suivi et de vérification communs). Ce système devrait d’abord se concentrer sur l’évaluation comparative de l’agriculture et pourrait être étendu ultérieurement à l’ensemble du système agroalimentaire. Les parties prenantes souhaitent également la création d’un fonds de restauration de la nature financé en dehors de la Pac qui devrait soutenir les objectifs de la législation en la matière qui vient d’entrer en vigueur.

Une méthode équivalente est proposée pour ce qui est de la réduction des émissions du secteur. Enfin, la révision de la législation sur le bien-être animal n’est pas remise en cause mais il est précisé que celle-ci devrait tenir compte de l’impact socio-économique pour les agriculteurs et les acteurs de l’agroalimentaire, et que la Commission devrait fournir les moyens et les délais appropriés pour que le marché s’adapte aux changements sans augmentation des coûts. Dans le cadre de cette révision de la législation sur le bien-être animal, un système d’étiquetage du bien-être animal à plusieurs niveaux à l’échelle de l’UE, incluant tous les produits carnés et laitiers primaires et transformés de l’UE est également souhaité.

Cohérence sur le commerce

Enfin, c’était là encore une des principales revendications des agriculteurs descendus dans les rues cet hiver : la cohérence entre les politiques agricoles et commerciales. « Nous demandons une évaluation d’impact avant les négociations commerciales pour rééquilibrer le poids de l’agriculture vis-à-vis d’autres secteurs, l’industrie automobile par exemple ». Il est proposé de comparer les performances des secteurs agricoles de l’UE et de ses concurrents en utilisant les critères de référence scientifiques définis dans le cadre de la Pac pour établir des conditions de concurrence équitables. Et les parties prenantes ajoutent qu’il est essentiel que les différents services de la Commission soient impliqués à toutes les étapes des négociations commerciales.

La nouvelle Commission européenne désignée

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a dévoilé, le 17 septembre, la composition de sa nouvelle équipe. Le Luxembourgeois, Christophe Hansen, devient commissaire à l’Agriculture et à l’alimentation. En ligne de mire, les négociations pour la prochaine Pac. . Le commissaire européen à l’Agriculture ne sera pas vice-président de la Commission comme le réclamaient notamment la FNSEA, Jeunes Agriculteurs et le Copa*.

Âgé de 42 ans, Christophe Hansen est titulaire d’un Master en géosciences, sciences environnementales et gestion des risques obtenu à l’université Louis Pasteur à Strasbourg. Il a été entre 2007 et 2014, conseiller de la députée européenne luxembourgeoise Astrid Lulling sur les dossiers concernant l’agriculture, l’environnement et les affaires économiques. Christophe Hansen a ensuite rejoint la Représentation permanente du Luxembourg auprès de l’UE pour préparer la présidence du Conseil du Luxembourg (2015). Directeur du bureau luxembourgeois des Affaires européennes à Bruxelles (2016-2018), il a rejoint le Parlement européen en 2018 siégeant au sein des commissions du Commerce international (INTA) et de l’Environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI). Il est membre du Parti chrétien social luxembourgeois. « Il aura la tâche de donner vie au rapport et recommandations du dialogue stratégique et […] élaborera une vision pour l’agriculture et l’alimentation dans les cent premiers jours du mandat », a indiqué Ursula von der Leyen lors de la présentation du Collège des commissaires. Cette nomination est « une bonne nouvelle » a réagi le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau. « Christophe Hansen connaît les arcanes » de l’hémicycle strasbourgeois, est « déjà au fait des questions agricoles pour avoir travaillé sur ce sujet ». Surtout, le Luxembourg « est un pays où l’agriculture n’est pas un secteur central, ce qui fait qu’il n’ira pas tirer la couverture à lui et devrait jouer l’intérêt général », a-t-il ajouté. Dernier avantage selon le président de la FNSEA pour la nomination de Christophe Hansen : le fait qu’il soit issu du PPE « un parti qui pèse beaucoup dans le Parlement européen que celui de son prédécesseur ». Pour autant, pas de blanc-seing de la part de la FNSEA qui « ne connaît pas sa stratégie agricole ».