Lutte contre la flavescence dorée
Le préfet en mission impossible mais bel et bien accomplie

Cédric Michelin
-

À l’heure de la remise en cause systématique des pesticides dans les médias et ONG, le préfet de Saône-et-Loire a tenu à faire une visite sur le thème de la flavescence dorée. Sujet de débats, y compris dans la profession viticole sur comment lutter contre. Concilier tous les points de vue est mission impossible. Le préfet Séguy a pourtant réussi à expliquer clairement les contradictions qui résonnent en chacun de nous. Un pas vers plus de dialogue et de compréhension pour mieux vivre ensemble.

Le préfet en mission impossible mais bel et bien accomplie

La profession a toujours demandé aux autorités publiques – État, préfectures, administrations… - de s’engager plus fortement sur la communication et les enjeux liés à cette maladie de quarantaine, statut amené d’ailleurs à évoluer (lire la semaine prochaine). La flavescence dorée de la vigne frappe depuis une décennie le Mâconnais et s’est étendue dans le département. Les affaires médiatiques (Giboulot, Liger Bel-Air…) ayant durement et durablement marqué les esprits dans les organisations professionnelles, avec de fortes caricatures au national. Des avis contraires tellement violents que les polémiques avaient fini par atteindre le grand public et clientèles. Car la réalité est et reste complexe sur ce sujet que le préfet de Saône-et-Loire qualifiait à Péronne d’enjeux « sanitaire, environnemental et sociétal », rien de moins.

Pour concilier cette approche exhaustive, dès potron-minet à l’heure du café, le préfet se rendait avec trois membres de la DDT de Saône-et-Loire (le DDT Jean-Pierre Goron, la directrice déléguée, Bénédicte Cretin et le chef de service Économie, Laurent Charasse) et la secrétaire générale de la préfecture, Agnès Chavagnon, sur la Cuma L’Eau Claire. Son président, Stéphane Lavoignat accueillait avec le sourire donc « son troisième préfet, mais bien le plus matinal à 6 h du matin » sur cette Cuma, historiquement la première aire de lavage des effluents viticoles du département. Remplissage, nettoyage, traitements des effluents phytos, traçabilité… sont ainsi mutualisés par une vingtaine de vignerons du secteur, « avec un bon groupe de jeunes » qui s’impliquent, les félicitait-il. Une dynamique qui n’a pas toujours été simple il y a 20 ans, rappelait-il, mais qui aujourd’hui a convaincu et fait ses preuves. Les autres domaines de la commune s’étant aussi équipés individuellement sinon.

Des horaires de traitement adaptés à l’école

Le maire et céréalier, Jean-Pierre Pacaud expliquait également les évolutions de la commune et le rapport aux traitements phytosanitaires à Péronne. « En 2006, la reconstruction de l’école primaire s’est faite en plein milieu des vignes », débutait-il pour mieux mesurer la prise de conscience, depuis, en termes d’aménagements des habitations et bâtiments publics.

Suite à des traitements ayant incommodé les enfants dans la cour, la commune et les vignerons ont réagi en écrivant une charte définissant les jours et horaires de traitement à proximité. « Chaque année, nous faisons une réunion avec les institutrices », expliquait-il pour démontrer qu’il faut sans cesse (ré) expliquer. Notamment, pour parler du traitement lié à la flavescence dorée, « qui expliqué est très bien accepté », estime l’édile. Du côté des vignerons ayant des vignes à traiter à proximité de l’école, « les contraintes (horaires, jours…) ne sont pas toujours faciles, mais on joue le jeu », ce que ne manquait pas de saluer le Préfet, les félicitant pour leur capacité à « conduire une récolte de qualité avec efficacité » tout en se préoccupant de la « santé publique ».

Yves Séguy continuait sur la lutte contre la flavescence dorée que la loi « rend obligatoire, avec des mesures de vigilance, car derrière en dépend l’intégrité du vignoble » tout entier, soulignant ainsi le caractère mortel de ce phytoplasme de la vigne. Mais comme les vignerons, il doit trancher – avec le préfet de Région qui signe l’arrêté – pour définir une lutte « avec discernement, ni trop peu, ni pas assez », au risque sinon de voir la maladie se propager et menacer plus de parcelles.

Des « récalcitrants », peu nombreux

En Bourgogne, la lutte repose à la base sur la prospection collective obligatoire. Cette surveillance annuelle s’accompagne, après analyse en laboratoire, de l’obligation d’arracher les pieds contaminés avant la première génération de cicadelles, vecteurs du phytoplasme. Référent pour la commune de Péronne, Maxime Grenot signalait « le découragement » qui guette les viticulteurs « passant un temps infini à prospecter alors que d’autres ne jouent pas le jeu », voire « pire, certains n’arrachant pas les pieds marqués », complétaient ses confrères. De la Draaf Bourgogne, chef de service adjoint du Sral, Dominique Crozier les rassurait : « on contrôle toutes les parcelles, 800 en 2022, contaminées et on repasse jusqu’à trois fois pour que tous les pieds marqués soient arrachés », en « mettant la pression sur les récalcitrants ».

Sur ce sujet de la participation, avec la CAVB, la Draaf a « repéré 200 domaines » sur toute la Bourgogne, soit moins de 5 %, qui n’auraient « pas participé ». Au conditionnel, car là encore, « ils ont souvent prospecté ou traité dans un autre village ». Reste donc « quelques fortes têtes » auxquelles sont envoyés des procès-verbaux et le montant de la prospection par la Fredon, s’élevant à 580 €/ha. « Ce montant se veut dissuasif pour encourager la prospection collective », qui a aussi pour vertu de rassembler les vignerons autour d’une même problématique. D’ailleurs vignerons Bio, HVE, conventionnels… tous se retrouvent et sont appelés à « ne pas lever le pied » car sinon, c’est alors que la flavescence regagne du terrain.

Des traitements pestilentiels

Si la prospection et l’arrachage sont deux piliers essentiels de la lutte, le comptage des cicadelles et calcul du risque obligent souvent à traiter, en conventionnel comme en bio, autour des foyers. Ce qui pose un dilemme à tous. Déjà, car cela rajoute un traitement, qui plus est particulièrement odorant. « Surtout lorsqu’on n'a tous que 2-3 jours de créneau météo, cela crée une odeur pestilentielle qui fait peur », regrettaient Céline Robergeot-Cienki et Patrice Fortune pour l’Union Viticole. Le président estimant que cette odeur rajoute de la confusion comme l’a écrit l’école de Viré dans un courrier aux parents d’élèves sur ces traitements « très toxiques ». Le Sral rassurait là encore sur sa non-dangerosité pour les riverains. Dans tous les cas, mieux vaut les prévenir par SMS ou via l’application Agricivis, levant « 95 % » des craintes.

Deuxième étape à la Cave de Viré, les mêmes débats se poursuivaient. Le préfet, Yves Séguy posait alors la question : « comment communiquer pour que nul ne perde son fil rouge » suite à ces traitements obligatoires, y compris en Bio, HVE, conventionnel… La Charte départementale aide les organisations, élus et maires à communiquer justement. « Le respect des riverains et les SMS » restent néanmoins la base, redisait le président de la cave, Didier Vermeil qui appelle à traiter « tard ou tôt » pour moins déranger encore.

ZNT de 3 mètres et pyrévert de synthèse

Président du cru viré-clessé, Benjamin Dananchet se permettait de critiquer le pyrévert, étant lui-même en Agriculture Biologique. Le pyrévert étant le seul traitement autorisé contre la flavescence dorée en AB. « Le pyrévert n’est pas sélectif et pas très efficace. Il reste des cicadelles, coûte cher et en plus, les produits conventionnels sont moins "mauvais" », jugeait-il à titre personnel, pour souligner ainsi les dommages infligés au reste de la faune auxiliaire que les vignerons Bio s’évertuent à maintenir le reste de l’année. Le Sral soulignait qu’en plus, bien souvent, « ce sont des pyréthrinoïdes de synthèse, neurotoxiques, tuant tous les insectes ». Benjamin Dananchet demandait donc au préfet de faire remonter à l’Agence Bio pour modifier le cahier des charges AB sur ce point.

D’autres vignerons lui posaient aussi la question de la pertinence d’avoir obligatoirement à traiter, mais devoir respecter une distance de 3 mètres de non-traitement à proximité des habitations ou cours d’eau. « On fait quoi de ces ZNT (désormais Distance de Sécurité Riverains, N.D.L.R.). Ce sont des foyers de contamination en puissance », l’interpellaient-ils. Yves Séguy avouait « n’avoir pas été entendu » à la région « très étendue du Nord au Sud, avec le Beaujolais et deux régions administratives », complexifiant l’unanimité des décisions. « On n’est pas parfait et nul n’a la vérité absolue », ajoutait-il avant de conclure que « l’administration continuera à composer avec la profession viticole » « pour se fédérer autour de valeurs, de collectifs et d’engagements ».

Recherche, financements, fiscalité...

Apportant une touche d’optimisme dans un avenir difficile puisque la flavescence dorée est installée de longue date maintenant en France et en Bourgogne, Patrick Desroches, conseiller départemental et maire de Viré, a bon espoir de voir la recherche scientifique trouver des solutions contre ce phytoplasme. Faute de traitement, l’espoir réside dans la détection précoce des pieds infectés, avant même qu’ils n’expriment les premiers symptômes en année N + 2. Si l’imagerie par drone semble abandonnée, des caméras sur enjambeurs, avec surtout un logiciel d’imagerie dopé à l’intelligence artificielle (deep learning), est en passe d’être concluant. « Il faut maintenant être très précis en localisation du pied, surtout dans nos vignes à 10.000 pieds/ha », faisait encore patienter Benjamin Alban, chef du service vigne à la chambre d’agriculture. Le Département continue de financer le Vinipôle Sud Bourgogne pour consolider ces données.

De son côté, le député, membre de la commission des Finances à l’Assemblée Nationale, Benjamin Dirx œuvre, lui, sur une « voie législative » en complément pour « recréer un fonds de modernisation » permettant aux vignerons d’être aidés pour investir dans du matériel de traitement performant. Il plaide aussi pour mettre en place « un bonus/malus » comme pour les voitures, cette fois plus pour décourager l’achat de matériel à forte dérive. Enfin, pour accélérer tous ces changements, il pousse pour un « processus de suramortissement pour du matériel type face par face, voire des robots ».