Tribune contre l'accord EU-Mercosur
Lettre ouverte au président de la République
Les présidents de quatre interprofessions (Interbev, AIBS, ANVOL et Intercéréales)* ont adressé, conjointement, le 10 décembre une lettre ouverte au président de la République, Emmanuel Macron, pour lui demander de faire valoir son droit de veto sur le traité de libre-échange conclu le 6 décembre dernier à Montevideo (Uruguay) entre l’Union européenne et le Mercosur.
« Monsieur le président de la République,
En tant que représentants des filières viande bovine, volailles de chair, céréales et sucre, nous vous adressons cet appel solennel au nom des millions de professionnels que nous représentons et qui œuvrent chaque jour à nourrir la France et à préserver son modèle agricole et alimentaire unique.
Nous vous demandons de défendre avec la plus grande fermeté les intérêts de l’agriculture française et européenne en dénonçant la conclusion arbitraire de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. La France, aux côtés de la Pologne, s’y est officiellement opposée, tandis que l’Italie, les Pays-Bas, l’Autriche et l’Irlande ont exprimé de profondes réserves. Pourtant, la Commission européenne a choisi de passer outre, établissant ainsi un précédent dangereux et inacceptable pour l’avenir de la gouvernance européenne.
Mais le combat est loin d’être terminé. Comme vous le savez, la conclusion de cet accord n’a pour l’heure qu’une portée politique et n’a pas force de loi sans une ratification complète. L’unanimité des États membres est requise pour la ratification des accords mixtes, qui relèvent à la fois des compétences de l’Union européenne et des États membres. Toute tentative de modifier la nature juridique de l’accord, notamment en séparant son volet commercial, reviendrait à compromettre le processus décisionnel et démocratique européen, contournant ainsi la voix légitime et souveraine des États membres.
Monsieur le Président, nous comptons sur votre détermination pour réaffirmer publiquement votre opposition résolue à cet accord et à annoncer sans délai l’application du droit de veto de la France. Nous vous demandons également de rejeter toute tentative de scission de l’accord, une manœuvre qui contournerait le processus de ratification des parlements nationaux pour forcer une adoption précipitée, au détriment des opérateurs de nos filières agricoles et alimentaires.
La France, figure historique et gardienne d’un modèle agricole durable et exigeant, se doit de préserver une agriculture compétitive et respectueuse des normes sociales, de bien-être animal, sanitaires et environnementales. Les impacts structurels d’un tel accord seront dévastateurs : une menace directe pour notre souveraineté alimentaire et une perte de compétitivité insoutenable pour nos professionnels, avec l’arrivée massive sur le marché européen de produits issus de modes de production incompatibles avec les exigences que nous défendons. Ces menaces, bien réelles contrairement à ce qu’a déclaré Ursula von der Leyen, mettent directement en péril la pérennité de nos filières et l’équilibre de notre tissu économique.
Nous sommes à un tournant historique. La France doit agir pour protéger ses filières, ses producteurs et ses consommateurs, garantir un avenir à ses territoires ruraux et défendre les règles et processus démocratiques européens. C’est le moment de porter haut et fort la voix de notre pays et de nos filières d’excellence. Dans cette période charnière, nous vous prions de prendre pleinement en considération nos inquiétudes légitimes et pressantes.
Dans l’attente de votre action décisive, nous vous prions d’agréer, Monsieur le président de la République, l’expression de notre haute considération. »
(*) Les signataires sont Jean-François Guihard, président d’Interbev (bétail et viandes) ; Jean-Michel Schaeffer, président d’Anvol (volailles) ; Alain Carré, président de l’AIBS (Betteraves et sucre) et Benoit Piétrement, président d’Intercéréales.