Le gouvernement a dévoilé le 18 septembre à Lyon, dans une réunion à huis clos, les grandes lignes du Plan national d’actions Loup 2024-2029. Les mesures annoncées ne satisfont personne. Les éleveurs restent sur leur faim et les associations écologistes ont définitivement quitté le Groupe national loup.
« Nous sommes super déçus ». Telle a été la réaction de Bernard Mogenet, président des FDSEA de Savoie et responsable du dossier loup à la FNSEA qui a assisté à la réunion dirigée par Mme Fabienne Buccio, préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes et préfète déléguée « Loup ». « La prise de conscience qui semble émaner des discours des deux ministères (Agriculture et Transition écologique, NDLR), ne se traduit pas dans le plan loup », a-t-il déclaré.
La déception est grande dans le rang des éleveurs qui avaient demandé, lors des Assises de la prédation en juin dernier à Chorges (Hautes-Alpes), la fusion des tirs de défense, avec la possibilité de tirer le loup dès la première attaque. En fait, le tir sera seulement simplifié dans les départements identifiés comme « prédatés » et sur les élevages qui sont dans le cercle 2* et qui ont pris des mesures de protection. Ces conditions remplies, il pourra alors y avoir deux tireurs. « Ils pourront être trois de manière assez exceptionnelle », a précisé Bernard Mogenet. Pour lui, le Gouvernement ne veut pas aller plus loin dans l’allègement des protocoles, « car il a peur de se faire attaquer par les associations écologistes. Depuis une décision du Conseil d’État (18 décembre 2017, NDLR), il ne veut prendre aucun risque juridique et veut respecter la gradation recommandée par le juge administratif ».
Nouveau comptage
En revanche, et compte tenu du dernier bilan de l’Office français de la biodiversité (OFB), soit 1.104 loups recensés, le nombre d’animaux à prélever d'ici à la fin de l’année devrait mathématiquement augmenter et passer de 176 à 209 en conservant un taux de prélèvement de 19 %. « Il va falloir se dépêcher, car c’est la fin saison sur les estives et les alpages et les troupeaux vont bientôt redescendre dans les bergeries », a observé Bernard Mogenet. Cette disposition a fortement agacé les associations de protection de l’environnement qui y voient une menace pour la viabilité de l’espèce, alors même que celle-ci a été fixée à 500 individus en France. Quant au système de comptage, le gouvernement entend le réformer pour « évaluer la population lupine de façon plus robuste ». Il vise aussi à « évaluer la viabilité génétique à l’échelle européenne de la population lupine ». La nouvelle méthode de comptage devrait être opérationnelle en 2025. « En attendant, l’État nous assure que nous disposons du meilleur système de comptage au monde », a ironisé Bernard Mogenet.
Moyens de protection
Le nouveau Plan loup ouvre également la porte à un changement du statut du loup pour le faire passer d’espèce « strictement protégée » à « protégée » au niveau international et européen. Ce qui constitue un changement de logique, en passant d’une logique de réaction (défense) à une logique de gestion (prévention). Mais l’abaissement de ce statut ne s’effectuera que sur des bases scientifiques dûment validées, estime-t-on au sein du ministère de la Transition écologique.
Enfin, un budget de 2,5 millions d’euros sera consacré à de la recherche sur les moyens de protection des troupeaux (renforcement de l’efficacité des tirs, adaptation des moyens de protection aux contextes d’élevage et de prédation, etc.), notamment pour répondre aux enjeux des nouveaux territoires prédatés. « Ça va dans le bon sens, mais nous regrettons qu’il n’y ait aucun budget d’annoncé pour le soutien psychologique aux éleveurs ». En complément, l’État s’est engagé à étudier la « non-protégeabilité » de certaines zones ou certains types d’élevages (bovins, équins). En France, la population lupine a doublé en cinq ans. Pas moins de 55 départements accueillent le loup de façon permanente. Ses attaques provoquent la mort de plus de 12.000 animaux de ferme par an. Le nouveau plan doit entrer en vigueur le 1er janvier 2024.
(*) Le « cercle 1 » comprend les zones où la prédation sur le cheptel domestique a été constatée une ou plusieurs fois au cours des deux dernières années. Le « cercle 2 » comprend les zones où des actions de prévention sont nécessaires du fait de la survenue possible de la prédation par le loup pendant l’année en cours.
Les autres dispositions du Plan Loup
Parmi les 42 mesures du Plan loup qui devraient être prochainement publiées sur les sites Internet du ministère de la Transition écologique et du ministère de l’Agriculture, figurent :
- La création d’un statut du chien de troupeau au regard responsabilité pénale et civile des bergers. Une filière de production des chiens de protection sera mise sur pied tandis que la nomenclature "Installations classées protection de l’environnement" (ICPE) sera adaptée aux particularités de chiens de troupeaux. Un observatoire d’analyse de l’efficacité des mesures de protection sera créé.
- La reconnaissance de la spécificité des nouveaux territoires prédatés non alpins. « Car ce sont maintenant les élevages de plaine qui sont menacés », a précisé Bernard Mogenet.
- Une indemnisation plus rapide pour les éleveurs après les attaques : « sous 125 jours maximum après constat ».
- L’extension du dispositif des bergers mobiles au-delà des parcs nationaux.
Les OPA demandent une révision
« Copie à retravailler de fond en comble ». Telle est la réaction unanime des principales organisations professionnelles agricoles (OPA)* insatisfaites du plan Loup 2024-2029. « La copie présentée ne fait que prolonger les modalités de gestion applicables depuis 2004. Les OPA auraient plutôt souhaité un plan de sauvegarde de l’élevage et du pastoralisme, notamment construit autour du bien-être des éleveurs et de leurs animaux ». Elles rappellent que le seuil de viabilité de l’espèce lupine (500 individus) est largement atteint et que, depuis 30 ans, la situation du loup a profondément changé au détriment du pastoralisme et de la santé psychologique des éleveurs. « Il est plus que temps de changer de paradigme ». C’est pourquoi les OPA réitèrent leurs demandes de simplifier les tirs de défense et leur mise en œuvre, de supprimer le plafond de destruction de 19 % et de permettre aux éleveurs et aux chasseurs formés de disposer d’armes équipées de lunettes à visée nocturne.
(*) FNSEA, JA, Chambres d’agriculture, FNO (ovins), FNB (bovins), FNPL (lait) , FNC (cheval), FNEC (chèvres)