DIVERSIFICATION
« Vacances d’enfants à la ferme », un ailleurs pour les enfants en difficulté
Les vacances à la ferme peuvent aussi être synonymes d’insertion sociale. C’est ce que revendique le réseau « Vacances d’enfants à la ferme » créé en 1993 par les chambres d’agriculture, en assurant l’accueil d’enfants issus de l’aide sociale à l’enfance (ASE) durant les vacances scolaires.
Lorsque les écoles ferment leurs portes, d’autres ouvrent celles de leur exploitation. C’est le cas d’Édith Dufour qui accueille des enfants en difficulté dans sa ferme située à Hauteville-Caumont (Nord-Pas-de-Calais) depuis plus de trente ans.
Besoin d’affection
« J'ai commencé à accueillir des enfants par le biais de Gîtes de France (gîtes d’enfants à l’époque). C’étaient des enfants sans problème particulier, qui avaient l’amour de leurs parents et tout le reste. Ils voulaient simplement découvrir la ferme, les parents étaient assez exigeants, je n’y trouvais pas vraiment mon compte », se remémore l’agricultrice. Jusqu’à ce que l’une de ses consœurs lui suggère l’idée d’accueillir, cette fois-ci, des enfants en difficulté, confiés à l’aide sociale à l’enfance. Lorsque ces derniers sont séparés de leur famille biologique par le biais d’une décision judiciaire, ils se retrouvent en famille d’accueil, en maison d’enfants ou encore confiés à un tiers digne de confiance. D’autres vivent à leur domicile et font l’objet d’un accompagnement socio-éducatif. « Pour rien au monde je ne reviendrais en arrière », assure Édith Dufour. Dans son exploitation en polyculture, Édith fait découvrir la vie à la ferme, entourée de ses nombreux animaux. « Nous avons arrêté notre élevage de bovins lait, mais nous avons encore beaucoup d’animaux », précise-t-elle. Des chevaux, des ânes, des poneys, des chèvres, lapins, cochons d’Inde, ou encore un élevage de chiens, de quoi ravir les enfants en vacances à la ferme et pour certains, leur apporter un réel soutien émotionnel. « Plusieurs fois, j’ai surpris des enfants allongés dans un box, sur la paille, à côté d’un veau. Ils lui racontaient leur vécu, leur propre histoire. C’est émouvant de voir à quel point le lien avec les animaux peut leur être bénéfique. C’est une oreille qui ne juge pas, ne dit rien, cela les libère parfois d’un poids immense », confie l’agricultrice. Aux enfants qui ont besoin d’amour et de soutien émotionnel, Édith Dufour en offre sans compter. Un bol d’air de la campagne, des activités, de la découverte, une vie familiale, les enfants accueillis sont intégrés à 100 % dans l’exploitation, mais aussi dans la famille.
Une aventure familiale
« Quand ils sont chez nous, c’est 24 heures sur 24. Alors c’est une décision que nous prenons en famille, chaque membre doit être d’accord pour vivre cette expérience », explique Édith Dufour. Une aventure qu’elle a donc choisi de partager avec son mari et ses propres enfants. « Quand on aime les enfants, que l’on a la fibre sociale, c’est une activité qui nous apporte beaucoup, à nous aussi. Et c’est une leçon de vie pour nos enfants. Ils apprennent à partager, à vivre ensemble. Ils découvrent qu’il y a des personnes et des parcours différents, et que l’on peut très bien vivre ensemble ». La première jeune fille que l’agricultrice a accueillie foulait le sol de la ferme pour la première fois lorsqu’elle avait 6 ans, elle y passa ensuite ses vacances jusqu’à ses 18 ans. « Encore aujourd’hui, nous sommes toujours en contact. À l’époque, cette petite fille avait perdu sa maman. Cette jeune femme de 23 ans est aujourd’hui maman et je suis toujours là pour elle. Ce n’est pas la seule. Nous faisons partie de leur vie et ils font partie de la nôtre », conclut avec fierté l’agricultrice.
À la recherche de nouveaux adhérents
Elles sont onze agricultrices dans les Hauts-de-France, à accueillir enfants et adolescents en difficulté (dans la limite de trois par exploitation) durant des week-ends ou des semaines de vacances scolaires. Elles bénéficient d’un revenu complémentaire qui atteint généralement les 70 euros par jour. Encadrées par une psychologue, soixante heures de formation sont requises, ainsi que le certificat prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC1). Valérie Louchez, conseillère diversification agricole à la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais, regrette le nombre cruel d’adhérents cette année. Celle qui accompagne le réseau depuis 22 ans a pu en observer la perte considérable, en raison de départs à la retraite, et un recrutement qui a récemment du plomb dans l’aile. « Auparavant, c’étaient trente familles d’agriculteurs qui faisaient partie du réseau », se désole la conseillère. Tandis que la demande, elle, ne faiblit pas.
Charlotte Bayon