Matériel agricole
La sécurité impose de nouvelles règles de conduite pour le matériel agricole
L’évolution du matériel agricole oblige à réactualiser les règles de conduite et de sécurité. Vitesse et tonnage décuplés, portable omniprésent… : les causes d’accident ont changé, mais le risque demeure.
Le 8 mars dernier à Flacey-en-Bresse, la caisse locale Groupama Louhans et Territoires et la fédération des CUMA de Bourgogne-Franche-Comté organisaient une journée de sensibilisation et de prévention à l’utilisation du matériel agricole. La réunion était une initiative des élus de la caisse locale Groupama présidée par Frédéric Bernard. Une dizaine de Cuma bressanes étaient présentes à cette journée technique animée par Fabrice Maitrot de la fédération des Cuma, Karelle Michel, Magali Colin et David Taboulet de Groupama ainsi que Michel Dubois du service santé et sécurité au travail de la MSA Bourgogne.
La vitesse bouscule le matériel agricole…
« En agriculture, le transport routier est aujourd’hui très accidentogène », alerte Fabrice Maitrot, citant l’exemple du « chauffeur au volant d’un gros tracteur attelé à une grosse benne en surcharge, le tout roulant à 50 km/h et le portable à la main ! ». La vitesse maximum autorisée est dictée par l’outil attelé, précise le technicien. En effet, si certains tracteurs atteignent 40, 50, voire 65 km/h, dès qu’ils sont attelés à un outil de moins de 2,55 m de large, la vitesse maximale autorisée plafonne à 40 km/h. Et avec une remorque réceptionnée à 25 km/h, la vitesse limite du convoi est restreinte à 25 km/h. Enfin si la remorque est réceptionnée à 40 km/h, seuls les tracteurs prévus pour rouler à 40 km/h et plus pourront emmener le convoi à 40 km/h.
Freinage et distance de sécurité
Contrairement au code de la route appliqué aux autres véhicules, on n’enseigne pas encore le respect de distances de sécurité en agriculture. Pourtant, avec des convois agricoles plus ou moins lourds, selon qu’ils sont chargés ou pas, et lancés à vive allure, la distance de freinage est une donnée cruciale. À défaut de références sur ce sujet, des essais ont été réalisés dans différentes conditions : tracteur plus benne chargée ou pas ; sur route sèche ou mouillée… Réalisés sur les pistes Michelin près de Clermont-Ferrand, ces essais ont été filmés par la revue Entraid du réseau Cuma. La vidéo qui en découle montre que le freinage d’urgence à 40 km/h d’un ensemble tracteur + benne, même de conception moderne (freinage ABS, attelage rotule, suspension…), est pour le moins impressionnant. À 40 km/h, il faut tout de même 23 m pour stopper un tel ensemble sur sol sec. Et à 50 km/h, il faut 50 % de distance supplémentaire pour stopper le convoi, autrement dit près de 35 m. De ces essais, il ressort que la distance de freinage est plus courte avec le convoi le plus lourd. « C’est donc plus la vitesse que la charge qui aggrave la distance de freinage », résume Fabrice Maitrot.
Freinage double ligne de série…
Depuis 2018, tous les tracteurs mis en service sont équipés — en plus du système de freinage hydraulique simple ligne historique — d’un freinage de type double ligne, qu’il soit hydraulique ou pneumatique. Et à compter de 2025, tout le matériel agricole mis en service sera uniquement équipé avec un freinage double ligne. Cela signifie qu’un plateau fourrager livré à partir de 2025 ne pourra pas être freiné avec un tracteur datant de 2017, souligne Fabrice Maitrot. Ce qui fait craindre que des outils circulent dès lors sans frein ! En Cuma, cela posera des problèmes de compatibilité entre le matériel en commun et celui des adhérents.
Le technicien attire aussi l’attention sur les problèmes de surcharge qui sont systématiques pour certains équipements. C’est notamment fréquent pour les tonnes à lisier gros volume équipées de nombreux équipements qui se retrouvent systématiquement en surcharge légale au niveau des essieux. Le dépassement des poids total en charge ou poids total roulant autorisés est répréhensible d’une amende à partir de 135 €…
Ceinture de sécurité obligatoire
Avec une accidentologie et des vitesses de circulation croissantes, la ceinture de sécurité devient un équipement obligatoire sur les engins agricoles. « Légalement, un employeur ne peut pas forcer le salarié à attacher sa ceinture de sécurité. Mais le chef d’exploitation a en revanche l’obligation d’équiper ses tracteurs avec des ceintures de sécurité pour que le salarié ait la possibilité de se mettre en sécurité », informe Fabrice Maitrot. Car sur les tracteurs aussi, la ceinture de sécurité peut sauver des vies. Pour s’en convaincre, des crashs tests — tels qu’ils sont mis en œuvre pour les véhicules automobiles — ont été effectués avec un tracteur agricole. Une cabine de tracteur moderne fournie par un constructeur a été projetée à 30 km/h contre une paroi en dur. À l’intérieur de la cabine, un mannequin a été placé au volant avec et sans ceinture de sécurité. Le crash test révèle que sans ceinture de sécurité, le mannequin est violemment projeté en avant. Le choc entraînerait un enfoncement du thorax du conducteur contre le volant, ce qui lui serait fatal. Ce traumatisme mortel serait évité par la ceinture de sécurité, montre le crash test. Le montage d’une ceinture de sécurité est tout à fait possible et abordable, fait valoir Fabrice Maitrot qui ajoute qu’un kit de ceinture de sécurité basique (non enroulable, à fixer sur les trous de fixation M8 prévu d’origine par le constructeur du siège) revient à moins d’une centaine d’euros.
Les vidéos de freinage d’urgence et de crash test sont visibles sur YouTube :
Freinage d’urgence en tracteur agricole : dérapage assuré — YouTube
[CRASH TEST] Quel est l’intérêt de mettre sa ceinture de sécurité ? (youtube.com)
L’absence de ceinture de sécurité et le portable au volant tuent
« En agricole, un quart des accidents mortels au travail sont liés aux machines », alertait Michel Dubois du service santé sécurité au travail de la MSA Bourgogne. Dans les principales causes de ces accidents mortels, l’absence de ceinture de sécurité vient en tête, pointait le préventeur. « Même sur un tracteur, on peut être éjecté, tué », rappelait-il. La seconde source de mortalité au volant des engins agricoles est le téléphone portable…, indiquait Michel Dubois.
Ne pas utiliser et revendre de tracteur sans arceau !
« Un tracteur agricole dépourvu d’arceau de sécurité ne doit en aucun cas être revendu. Le vendeur est en effet tenu de respecter l’obligation de mise en conformité des machines et il porte une responsabilité en cas de sinistre si la machine est non conforme », rappelle Fabrice Maitrot. Pour pouvoir être vendu, ce tracteur doit être équipé d’un arceau de sécurité homologué installé par un professionnel qualifié. Il est également possible de faire poser par un professionnel un arceau conçu avec le logiciel « Sécutract », lequel est indiqué par les services de l’État, complète Fabrice Maitrot. Dans tous les cas, le tracteur avec arceau doit obligatoirement être équipé d’une ceinture de sécurité.
Maintenir les machines en état de conformité
De manière générale, il est interdit de vendre ou de mettre à disposition un équipement non conforme. Cela oblige à maintenir les machines en parfait état : protège-cardan, garde-corps, carters de protection, tabliers de prise de force, freins de parking, signalisation…
Les extincteurs ne sont pas obligatoires sur les tracteurs, mais ils le sont sur les matériels à risque tels que moissonneuses-batteuses, presses…
Rappel des règles de signalisation
Fabrice Maitrot rappelle les règles de signalisation d’un convoi agricole. Les convois se classent en deux groupes selon la plus forte caractéristique de leur gabarit. Pour appartenir au groupe A, le convoi doit avoir une largeur inférieure à 3,50 m et une longueur inférieure à 22 m. Au-delà de 3,50 m de largeur (avec une limite inférieure à 4,50 m) ou au-delà de 22 m de longueur (maximum inférieur à 25 m), le convoi appartient au groupe B. En termes de signalisation, un convoi du groupe A doit respecter le standard du code de la route (comprenant panneaux rouge et blanc et catadioptres) alors que dans le groupe B, il faut en plus deux panneaux « convoi agricole ». Pour les longs convois du groupe A (par exemple un ensemble tracteur avec deux charrues avant et arrière), il faut des panneaux rouge et blanc à l’avant et à l’arrière ainsi que des panneaux latéraux et des catadioptres, insiste Fabrice Maitrot. L’éclairage est le même pour les deux catégories : un ou deux gyrophares et feux de croisement allumés. Les convois du groupe B doivent en plus être accompagnés d’une voiture avec feux de croisement allumés, gyrophares et panneaux « convoi agricole ». Pour la vitesse, les convois du groupe B sont limités à 25 km/h.
Salarié, apprentis, tiers : formation et vérification périodique…
« Le chef d’exploitation est tenu de s’assurer de la capacité de son salarié à la conduite d’un engin de levage ou de manutention avant de lui délivrer une autorisation de conduite. Il peut même demander un certificat d’aptitude médical », informe Fabrice Maitrot.
« Si l’obtention du Caces (Certificat d’Aptitude à la Conduite en Sécurité), à renouveler tous les cinq ans, n’est pas obligatoire pour le salarié conduisant un chariot télescopique ou autre engin de manutention ou levage en exploitation agricole, la formation Caces est une garantie d’aptitude pour l’employeur », complète l’expert.
Vérification périodique des engins de levage
En présence de salarié, d’apprentis ou de tiers, un chef d’exploitation doit soumettre son matériel de levage ou de terrassement à la Vérification Générale Périodique (VGP). La périodicité est de 6 mois pour les engins de levage (télescopique, nacelle, grue forestière, griffe à fourrage…) et 12 mois pour les autres engins (chargeur frontal…). Un certain nombre de documents réglementaires doivent se trouver sur l’engin : dernier rapport VGP, certificat de conformité CE, manuel d’utilisation, instructions d’utilisation dont, abaque de charge (graphique indiquant les capacités de charge sûres pour différentes configurations d'utilisation), carnet d’entretien.
Parmi les défauts les plus graves constatés sur les chargeurs télescopiques, figure le système anti-bascule ou « système d’avertissement et limiteur de stabilité longitudinale ». De série depuis 2011, cet équipement évite d’atteindre le basculement de l’engin en levant une charge. Sur les chargeurs frontaux, en absence de système de clapets de sécurité anti-retour pilotés, la perte en maintien de charge hydraulique est un défaut fréquent.