Vendanges 2024
Un millésime à haut risque
Ce 17 septembre, il n’y avait pas foule à la cave de Lugny. Les crémants terminés, les pinots bien engagés, l’attente de la maturité se faisait sentir au chai de Lugny. Néanmoins, le préfet et ses services, ainsi que parlementaires et élus, répondaient à l’invitation de l’Union viticole pour faire le point sur bien d’autres dossiers. A commencer par tous ceux qui sont restés bloqués par la dissolution de l’Assemblée.
À la moitié des vendanges, le président de la cave de Lugny, Marc Sangoy est comme les 300 autres coopérateurs : fini les crémants, bientôt pour les pinots mais les « derniers degrés sont difficiles à atteindre » pour les chardonnays, en raison de parcelles très hétérogènes. Trop tôt en revanche pour dire les niveaux de pertes dûes au mildiou et autres aléas (gel, grêle…) localisés. « Nous sommes dans Vignerons engagés, on a un domaine Bio et nous sommes certifiés HVE. Mais cette dernière réglementation ne nous aide pas, il y a besoin d’adaptations. Haies, couverts végétaux… L’administration va plus vite que la nature », plaide Marc Sangoy qui pointe là, un des nombreux iatus entre l’évolution et les solutions climatiques. L’absence de Gouvernement et de majorité à l’Assemblée nationale n’étant pas de nature à rassurer. À commencer par les promesses non abouties après les manifestations de cet hiver.
Tour à tour, les vignerons interpellaient le préfet, Yves Séguy, le député Benjamin Dirx, le sénateur Jérôme Durain ou encore, dans une moindre mesure, le chargé de l’agriculture au Département, Frédéric Brochot, l’assistante parlementaire de l’Eurodéputée Valérie Deloge (retenue à Bruxelles) ou le président de la Comcom du Mâconnais Tournugeois, Christophe Ravot. Toutes les questions étaient abordées : le positionnement commercial du crémant, l’hygiène alimentaire (obligeant à mettre des blouses pour la visite), les investissements techniques, le découpage et assemblage parcellaires, la fiscalité, la déconsommation… et évidemment les problèmes de main-d’œuvre lors des vendanges et son corollaire, l’hébergement.
À Lugny, 55.000 cagettes ont été rentrées pour les crémants en l’espace de dix jours, prenait pour exemple le directeur, Stéphane Garrigue qui relativise ensuite la récolte manuelle, « à 70 % en machine à vendanger » pour les vins tranquilles. Reste que cette période de vendanges « manuelles » ne peut pas être « décalée », insistait, à maintes reprises, le président de l’Union viticole 71, Patrice Fortune, réclamant des solutions pour les recrutements et les hébergements.
Colère du Préfet
Plutôt d’un naturel jovial lors des réunions publiques, le préfet Séguy laissait exprimer son énervement sur deux sujets : l’hébergement et les ZNT, notamment dans le cadre de la lutte obligatoire contre la flavescence dorée, sujet de l’après-midi encore avec la CAVB d’ailleurs au domaine Nadine Ferrand à Charnay-lès-Mâcon.
Le premier objet du courroux était les services de la DDETS (droit du travail). Le président de l’Union viticole lui ayant fait remarquer « qu’il avait promis de faire des dérogations et des essais » pour trouver de nouvelles solutions pour l’hébergement des vendangeurs. « Instructions » et « consignes » dans ce sens avaient pourtant été donnés, s’énervait quelque peu le préfet qui relativisait puisque « l’Inspection du travail n’est pas sous l’autorité du Préfet », bien que ce dernier « lui signale les difficultés » du terrain.
Deuxième objet d’énervement, les « ZNT » - désormais Distance de sécurité riverains (DSR) – dans le cadre de la lutte obligatoire contre la maladie de la flavescence dorée qui touche principalement le Mâconnais depuis une dizaine d’années et le Beaujolais nord aussi depuis trois ans. À la remarque du représentant des JA71, Dorian Fontaines qui lui faisait remarquer que « le décret ne protège pas nos vignes avec des ZNT à 5 mètres alors que dans le Rhône, c’est à 0 ». Le Préfet Séguy répondait sur un ton ferme « ne pas commenter la décision du préfet de Région Bourgogne-Franche-Comté qui n’est pas celle de la région Aura à côté », laissant sous-entendre être plutôt d’accord avec la profession viticole de Saône-et-Loire.
Le feu couve toujours
Les autres sujets étaient néanmoins plus consensuels, mais n’étaient pas pour autant plus facile à faire avancer ou à graver dans le marbre. Au nom de tous les vignerons qui à Mâcon et Tournus se sont mobilisés cet hiver auprès des autres agriculteurs, Patrice Fortune faisait un nouveau constat. « Nous avons fait de longues réunions. On a cru être entendu sur certains sujets, peut-être pas sur tous. Aujourd’hui, le ressenti de la base n’est pas à la hauteur des attentes et espérances ». Le président de la FDSEA de Saône-et-Loire, Christian Bajard allait un cran au-dessus : « on est resté au milieu du gué. Il faut rapidement vous remettre sur les rails, car la nature n’attend pas », faisait-il allusion aux aléas et crises sanitaires qui touchent toutes les grandes filières du département. N’envisageant « pas ce petit écho qui nous dit que ce ne sera pas possible » de tenir les promesses du Gouvernement Attal, avec le déficit public qui obligerait à faire des économies budgétaires, tous les viticulteurs et agriculteurs mettaient alors en garde les élus et autorités publics : « une petite étincelle pourrait remettre le feu rapidement ».