Originaire de Sologny, Léa Robergeot a consacré son mémoire d’étude au concept « One Health – une seule santé ». De prime abord obscure, cette nouvelle approche qui promeut la santé indissociable des hommes et de la nature, est en fait une opportunité pour les agriculteurs de faire enfin reconnaitre leur contribution.

Pour Léa Robergeot, « One Health » est une chance pour les agriculteurs !
Pour Léa Robergeot, « l’agriculture est à l’origine de la qualité de ce que l’on mange » et, de ce fait, le monde agricole doit s’emparer de l’approche One Health comme « un outil de communication positive ».

Fille de viticulteurs-éleveurs à Sologny (lire encadré), Léa Robergeot vient de terminer des études d’ingénieure en agriculture à l’Isara de Lyon. Un stage dans une exploitation laitière de l’Aveyron lui a définitivement donné le goût de l’élevage et une autre expérience au sein du GDS de Saône-et-Loire l’envie de se spécialiser dans la santé animale. Pour sa dernière année d’étude, l’élève ingénieure a eu l’opportunité d’effectuer un stage au sein d’Agridées.

Agridées est un « think tank » de l’entreprise agricole, autrement dit un lieu de questionnement, de débat et d’expertise réunissant les acteurs des secteurs agricoles, agroalimentaires et agro-industriels autour de l’agriculture du futur. Agridées est issu de la Société des Agriculteurs de France fondée en 1867. Son siège est à Paris et elle compte 310 adhérents agriculteurs, organisations professionnelles, associations, entreprises de l’agro-industrie et des services, étudiants… Léa Robergeot a passé six mois au sein de cette vénérable institution parisienne dont le président, la moitié du conseil d’administration et le délégué général sont des agriculteurs. Agridées fait intervenir des experts aux profils divers. Le « think tank » avait une mission bien précise à confier à la future ingénieure. Il venait de publier une note, fruit de sa réflexion sur le concept « One Health – une seule santé ». Et la tâche de Léa allait être de donner une suite concrète à ce travail conceptuel.

Suite à la pandémie de Covid

En France, l’approche « One Health – une seule santé » a commencé à émerger suite à la pandémie de Covid en 2020-2021. Elle a donné lieu au Sommet One Health en septembre 2020 qui a débouché sur un livre blanc en 2021. « One Health – une seule santé » est une approche nouvelle qui part du constat que la santé des humains, celle des animaux et l’état des écosystèmes sont liés. Aussi promeut-elle la coopération entre les différents secteurs professionnels concernés (professionnels de santé humaine, vétérinaires, agronomes, écologues…) dans le but de prévenir et gérer les crises sanitaires, notamment dues aux zoonoses – les maladies transmises des animaux aux humains qui représentent 60 % des maladies émergentes. L’approche « One Health » se concentre donc sur la prévention de ces maladies émergentes et des crises écologiques, ce qui revient à favoriser des systèmes durables pour améliorer la santé publique et la sécurité alimentaire.

Le rôle des agriculteurs

Interpellée par le sujet, Agridées a intégré ces réflexions constatant que bien que mobilisant de nombreux acteurs à l’international, One Health avait tendance à oublier ceux du monde agricole… Elle a constitué un groupe de travail « One Health : Quel rôle pour les agriculteurs et les territoires ? ». Ce groupe d’experts a planché sur le sujet durant 2022-2023.

La contribution d’Agridées a été de « mettre les agriculteurs au cœur du sujet », rapporte Léa Robergeot. Pour le « think tank » agricole, le concept « une seule santé » nécessite une « vision augmentée et territoriale » en mettant en lumière tous les bienfaits de l’agriculture à cette échelle. De fait, en dépit des critiques simplistes relayées par les médias, l’agriculture française, est pleine de vertus. « Elle est à l’origine de la qualité de ce que l’on mange », fait valoir la jeune ingénieure. L’agriculture a un impact évident sur l’environnement et elle est aussi un pan de l’économie des territoires ; autant de paramètres qui concourent à la bonne santé des habitants, défend Agridées.

La complexité d’une exploitation fait que sa bonne gestion passe à la fois par la santé des animaux, celle des plantes, des sols, de l’environnement et sa santé économique. Tout est lié en somme dans un métier qui fait appel à tellement de compétences. Et il s’avère que la bonne santé d’une exploitation va souvent de pair avec la production d’une alimentation durable et une agriculture dite « régénératrice » (bonne pour l’environnement).

Enquête en Bourgogne-Franche-Comté

Dans le cadre de son mémoire de fin d’études, Léa Robergeot a choisi d’effectuer une enquête de terrain en Bourgogne-Franche-Comté. Au printemps 2024, la jeune élève ingénieure est allée à la rencontre de 16 acteurs de terrain en BFC ; un panel comprenant structures publiques, organisations agricoles, collectivités, formation, éleveurs… Le but était de recueillir leur perception du concept « One Health ».

À partir de cet état des lieux, elle a imaginé comment sensibiliser et mobiliser davantage ces acteurs de terrain. Des stratégies qui passent par la formation et l’information de tous (agriculteurs, techniciens, médecins, vétérinaires, politiques, consommateurs…). Il faut aussi impulser davantage de collaborations entre des secteurs qui sont restés trop cloisonnés. Il y a également un aspect réglementation pour systématiser l’application de bonnes pratiques.

Un score One Health territorial

Agridées propose par ailleurs la mise en place d’un « score One Health » territorial. Il s’agit d’un outil qui permettrait de réaliser une sorte de diagnostic sur un territoire à la lumière de l’approche « Une seule santé » : impact des pratiques agricoles, forces et faiblesses de ces pratiques, comment orienter les efforts pour améliorer ce score au bénéfice de la santé de tous, sur un périmètre bien défini… Ce score aurait en particulier le mérite de mettre en avant et stimuler les contributions positives des agriculteurs à la qualité de vie du territoire et il se donnerait comme objectif de renforcer l’attractivité des zones rurales.

« Comme c’est un nouveau sujet, le monde agricole doit s’en emparer pour l’utiliser comme outil de communication positive », estime Léa Robergeot. Le but, poursuit l’ingénieure, c’est que les idées émergent du terrain et pour cela, il faut réussir à motiver, mobiliser, embarquer les agriculteurs. Elle souligne aussi « tout ce qui se fait déjà » dans les territoires en termes d’alimentation durable, d’approvisionnement local, de circuits courts… Elle évoque tout « un existant » dont le public parisien n’a pas conscience. « L’approche One Health est une opportunité de valoriser enfin tout le travail accompli par les agriculteurs », conclut Léa Robergeot.

 

https://www.agridees.com/notes/one-health-une-seule-sante-augmentee-territoriale-avec-les-agriculteurs

« Pas de One Health opérationnel sans agriculteurs »

« Pas de One Health opérationnel sans agriculteurs », estime Agridées, convaincu que les agriculteurs « ont les capacités d’améliorer la santé des territoires dans tous les axes d’un One Health augmenté ». Le think tank pointe « deux principaux leviers afin de massifier les impacts en faveur de la bonne santé des territoires : l’engagement dans des filières et des circuits de distribution de l’alimentation durable (Projets alimentaires territoriaux par exemple) et la transition vers l’agriculture régénératrice, bas-carbone, agroécologique et de précision ».

Cette transition doit être « valorisée et encouragée par des paiements pour services de santé publique par les autorités de santé », complète Agridées.

« La reconnaissance et la valorisation, par le reste de la société et par les pouvoirs publics, des agriculteurs comme garants de toutes les santés des territoires, opérateurs d’un One Health augmenté, ne pourront que les motiver et les rendre fiers de leur travail ».

Inspirée par le parcours atypique de ses parents

C’est en grandissant sur l’exploitation agricole de ses parents que Léa Robergeot s’est prise de passion pour ce métier. Le parcours de ses parents est pourtant atypique. Tous deux ingénieurs de formation, ils ont eu une autre vie avant de s’installer dans le Mâconnais. La maman de Léa travaillait à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire avant de s’installer en 2013 et son papa était au GDS 71 lorsqu’il a décidé de rejoindre son épouse en 2019. « Mes parents se sont installés hors cadre. Ils ont tout monté de leurs mains. Il leur a fallu beaucoup de courage », rend hommage Léa. Ce parcours familial a beaucoup compté dans l’orientation professionnelle de Léa. Si ses études l’ont conduite à Lyon, Paris, en Aveyron, en Espagne, elle reste très attachée à la Saône-et-Loire et à ses racines familiales agricoles.