Cuma Grain de Saveurs à Oslon
« Dix ans d’avance et d’audace »

Cédric Michelin
-

Mercredi 12 juin, l’abattoir collectif de volailles et de lapins, Grain de Saveurs à Oslon, a fêté ses 10 ans. Cet abattoir en Cuma fut une première, sous cette forme, en France. Une Cuma qui ravit sa quinzaine d’adhérents. Et pourtant, l’outil n’est pas encore saturé et peut encore doubler sa production. Avis aux éleveurs qui souhaiteraient ramener de la valeur ajoutée.

« Dix ans d’avance et d’audace »

Le président de la Cuma, Michel Potdevin était ravi de voir une grande partie de son conseil d’administration, le maire de la commune d’Oslon ou encore l’ancien directeur de l’EPL de Fontaines, Jean-Pierre Thuot, actuel trésorier, venir célébrer comme il se doit les dix de cette Cuma des plus atypiques et dynamiques. « Dix ans d’audace », résumait Michel Potdevin qui sait que le chemin a été semé d’embûches. Les abattoirs cherchant à défendre leurs approvisionnements pour saturer leurs lignes de production. Des « couacs » et des rumeurs qui n’ont découragé les adhérents, bien au contraire.

Il revenait sur la genèse. Les réflexions avaient débuté en 2009 en réalité. « C’était un pari un peu fou : créer un outil pour les éleveurs qui veulent abattre leurs volailles », disait sur un ton sérieux, le trésorier qui a réalisé un long travail de viabilité et de terrain pour chercher le terrain d’implantation idéal et surtout les agriculteurs intéressés. À l’époque, les consommateurs étaient moins nombreux à chercher des produits fermiers directement auprès des éleveurs.

Les initiateurs ont eu le nez creux et su profiter de subventions (Casdar) pour lancer le projet. Le choix de créer une Cuma a été une première en France, mais c’est révélé le choix idéal. La Cuma suit les règles des coopératives, sur le principe d’une personne égale une voix. Elle est gérée par un collectif d’agriculteurs. La Cuma est pilotée par un organe collectif : le conseil d’administration qui désigne son bureau.

Maîtriser sa chaîne de valeur

À la base, ils étaient 5 éleveurs. Aujourd’hui, ils sont 15. Pourtant, Michel Potdevin le redit, « il reste de la place », lui aimerait voir la « zone Bresse se développer ». Et, la Cuma s’en donne les moyens avec un outil modernisé, comme le prouvaient la visite de la nouvelle chaîne d’abattage et les réflexions en cours pour développer les circuits courts de chacun des adhérents. Éleveurs parmi les fondateurs, Benoit Regnault et Didier Marceaux rappellent que les éleveurs voulant faire de la vente directe, doivent apprendre à tout maîtriser de A à Z et notamment leur prix de vente en face de leur clientèle.

« On ne peut pas développer les circuits courts sans garder la maîtrise de la chaîne de production. La Cuma avait dix ans d’avance sur les débats d’aujourd’hui ».

L’expérience au service de tous

Côté organisation, cela fonctionne comme une Cuma classique. L’abattoir fonctionne avec 6 postes et l’abattage est réalisé par les agriculteurs eux-mêmes par session. « Chaque adhérent profite de l’expérience des autres. Après, 3-4 passages ensemble, on répète et on maîtrise les gestes à chaque poste. Sinon, il faut beaucoup plus de temps », témoigne Benoit Regnault. Ainsi, avec "son" équipe de 6 personnes, il « monte » régulièrement à 150 volailles par heure et a même vu d’autres équipes atteindre les 180 volailles/heure. Un sacré tour de force, surtout lorsqu’il est possible de faire de l’effilé, du sans patte… selon les commandes de chacun. « Tout est fonction du nombre de personnes dans son équipe » mais il est nécessaire d’avoir au minimum une personne formée ante et post mortem, ainsi que pour le bien-être animal (la partie saignée notamment).

Les plannings de la Cuma sont aussi intelligemment faits ensemble. Les Bio doivent systématiquement passer en premier pour des raisons de cahier des charges. Les adhérents situés les plus éloignés passent ensuite pour notamment profiter du réfrichoc qui permet de refroidir à 2 °C le cœur de chair en 2-3 heures seulement. Ils repartent ainsi avec leur production du jour.

Prochainement, la zone de découpe va être revue pour être complétée par une zone d’expédition. Actuellement, 25.000 volailles sont abattues par semaine, mais avec l’augmentation des cadences et les créneaux encore disponibles, il semble envisageable de doubler cette production, voire plus. Ce qui permettrait à tous d’amortir encore davantage les frais fixes et ainsi avoir ensuite des charges et des coûts de production plus compétitifs. Des éleveurs étaient d’ailleurs présents pour étudier les possibilités et semblaient d’ores et déjà intéressés… Dépêchez-vous donc.

Un outil au service du territoire et de la formation

Un outil au service du territoire et de la formation

Le directeur du lycée, Pierre Botheron voit dans cette Cuma la parfaite complémentarité et continuité de l’enseignement et de la production de volailles à Fontaines. « Notre travail de formation est de donner envie aux jeunes de s’installer en production volailles et cela a marché, en leur montrant ce genre de façon de produire, intéressante ». La présidente de Fontaines Sud Bourgogne, Anne Gonthier se réjouit donc des vocations suscitées notamment pour installer et renouveler les agriculteurs ou pour leur permettre de se diversifier avec un atelier à forte valeur ajoutée : « La Cuma est essentielle pour permettre l’arrivée de jeunes et faciliter le départ des anciens adhérents ».

Le maire d’Oslon, Yvan Noël se dit également très « satisfait » d’avoir un tel abattoir dans sa zone artisanale, car malgré l’inquiétude au départ des habitants ayant peur d’avoir des effluves émanant de cette installation classée, depuis, toutes les craintes ont été levées, « sans jamais connaître le moindre incident ou effluent dans les réseaux ». C’est pourquoi la commune réfléchit - avec maintenant le Grand Chalon et les services de voiries - pour faciliter les sorties de véhicules sur cette départementale qui voit passer 4.000 véhicules par jour. Notamment pour permettre à des camionnettes de mieux s’insérer dans la circulation…