Viande bovine
La relocalisation de l’engraissement atténue la décapitalisation

En France, de plus en plus de génisses et de jeunes bovins sont engraissés aux dépens de l’export. Abattues, ces bêtes compensent quelque peu le nombre de vaches de réforme décapitalisées. Analyse économique.

La relocalisation de l’engraissement atténue la décapitalisation

Sur le premier semestre 2024, seuls 947.000 veaux disponibles pour l’engraissement sont nés en France, soit 30 000 de moins que l’année précédente. Depuis 2016, des centaines de milliers d’animaux n’ont pas été produites faute de vaches pour les porter. « Or les mises en place de broutards pour la production de jeunes bovins étaient dynamiques ces derniers mois », avance l’Institut de l’élevage (Idele) dans une récente étude. « Sur sept mois, 203.000 animaux ont été achetés par les engraisseurs français, soit 10.000 têtes de plus qu’en 2023 ». En fait, le cheptel de bovins se restructure en se décapitalisant. Lancée il y a deux ans, la relocalisation de l’engraissement produit déjà ses effets, atténuant le nombre de vaches abattues en moins. Sur les huit premiers mois de l’année, « la hausse des abattages de jeunes bovins de type viande (+ 2 versus 2023 à 189.000 tonnes équivalent carcasse-téc), de génisses viande (+ 1 % à 98.000 téc) et de bœufs viande et croisés (+ 6 % à 18.000 téc) a compensé partiellement la baisse en vaches de type viande (-5 % à 202.000 téc) », analyse l’Idele. La relocalisation de l’engraissement se fait aussi au détriment de l’export de jeunes broutards en net repli depuis des mois. « En cumul, jusqu’au 18 août 2024, 573.000 broutards ont été expédiés, soit 40.000 de moins qu’en 2023 (ou -6 %) », rapporte l’Idele. Et pour le moment, les épizooties (FCO, MHE) ne freinent pas les exportations françaises puisque les conditions d’envoi sont contrôlées (PCR négative). En Italie, elles participent même à la hausse des cours, car l’offre est relativement réduite.

Non-remplacement d’activité

Mais la France manque toujours de bovins. Elle a perdu un million de vaches laitières et allaitantes en huit ans. Or la consommation de viande a bien résisté à la poussée inflationniste des années 2022-2023 et les exportations se redressent. En juillet dernier, une grande partie des animaux abattus en plus (+ 10 % comparés à l’année passée) a été exportée alors que les achats de viande sont restés stables. Aussi, la France s’est davantage approvisionnée à l’étranger. La part de l’import dans la consommation totale de viande (26 %) a même augmenté de deux points en un mois. Les éleveurs semblent insensibles aux signaux de prix envoyés par le marché. Mais la décapitalisation bovine est multifactorielle. Outre les cessations d’activité non remplacées et l’extensification des pratiques d’élevages, les producteurs de viande bovine affirment ne pas profiter de la vigueur des cours. Le 8 septembre dernier, la cotation du Jeune bovin de classe U avait pourtant gagné 12 centimes en quatre semaines pour remonter à 5,43 €/kg de carcasse. Elle n’a jamais été aussi élevée. Les cours des animaux classés R et O ont suivi la même tendance. Selon la Fédération nationale bovine, il manque toujours 0,7 €/kg de carcasse pour couvrir leurs coûts de production. C’est en partie ce qui explique que la filière bovine reste peu attractive et les effectifs de vaches n’en finissent pas de baisser.