Sylviculture
Le peuplier de nouveau rentable
Le 25 juin dernier, le CRPF Bourgogne Franche-Comté avait donné rendez-vous dans une peupleraie du bord de Grosne à Santilly. L’occasion de redécouvrir les vertus de la culture du peuplier alors que son bois est à nouveau très demandé sur le marché.
Environ 15.000 hectares de peupliers sont cultivés en Bourgogne Franche Comté. Essence des vallées alluviales par excellence, le peuplier est plus particulièrement présent en Saône-et-Loire et en Côte-d’Or, en Bresse et dans le Val de Saône ainsi que dans le Val de Loire. On le trouve également près de cours d’eau secondaires comme la Grosne. C’était le cas des parcelles présentées par le CNPF Bourgogne Franche-Comté lors d’une réunion consacrée au peuplier le 25 juin dernier à Santilly.
Si le peuplier a connu des années de morosité avec des prix de marché en berne, ce n’est plus le cas aujourd’hui. La tendance est à nouveau favorable à la production de bois de peupliers. L’essor du procédé de déroulage des troncs pour la fabrication d’emballages légers (bourriches d’huîtres, boîte à fromages, cagettes diverses, etc.) et même de contreplaqué crée une forte demande, révélaient Romain Lachèze et Nicolas Bretonneau du CNPF BFC. Pour répondre à cet appel du marché, les industriels utilisateurs de peupliers installent de nouvelles unités de production dans la région. L’un d’eux (Lacroix Emballage) vient de créer un second site à Branges en plus de Cousance (Jura).
Ce contexte porteur rend la populiculture à nouveau rentable pour les propriétaires. Et ce avec une rotation de seulement 15 – 20 ans aujourd’hui ce qui en fait l’essence sylvicole la plus productive.
Sols profonds, bien alimentés en eau
Sans surprise, le peuplier aime les sols profonds, bien alimentés en eau, riches en alluvions. La plantation se fait de décembre à avril sur un sol nettoyé au gyrobroyeur. Le plant de peuplier est en fait un « plançon », c’est-à-dire une tige sans racine de un ou deux ans, comme une bouture. Un plançon de deux ans mesure entre 4 et 6 m. On le plante à environ 1 m de profondeur à l’aide d’une tarière, d’une pelle mécanique ou d’une dent de sous-solage. Les deux premières méthodes impliquent de reboucher le trou creusé. La dent de sous-solage (sur pelle mécanique) a l’avantage de ne nécessiter qu’un seul passage. L’arbre doit être planté suffisamment profond. La terre doit être convenablement ameublie et le sol doit être bien tassé après plantation, recommandent les techniciens du CNPF. Les tiges sont espacées d’au moins 7 m les unes des autres.
Entretien au cover-crop
Les quatre premières années, alors que les jeunes peupliers ont à développer leur système racinaire, la végétation herbacée peut leur être préjudiciable. En effet, les graminées sont une concurrence sérieuse vis-à-vis de l’eau. Concurrence d’autant plus vive que le terrain est plus séchant (sableux). Il est donc recommandé « d’aider » les jeunes arbres encore fragiles en limitant le couvert herbacé. Pour ce faire, un travail mécanique annuel au cover-crop est l’idéal. Il peut être complété par un désherbage chimique sur le rang dans les situations les plus séchantes seulement. Un apport d’engrais peut éventuellement être opportun pour palier un manque de vigueur d’une jeune plantation.
Certains cultivars de peupliers sont sensibles aux pucerons. Les jeunes peupliers sont aussi vulnérables aux chevreuils, cerfs, castors… Pour ce dernier animal, la présence d’une ripisylve séparant la peupleraie du cours d’eau est un moyen de limiter les dégâts.
Taille de formation et élagage
« Les beaux peupliers se sont toujours bien vendus », rappelaient Romain Lachèze et Nicolas Bretonneau qui incitaient à tout mettre en œuvre pour produire des grumes droites sans défaut pour une meilleure valorisation possible. Le déroulage nécessite de fournir des bois sans nœud. Cela implique une taille de formation puis un élagage jusqu’à 7 m de hauteur. Des opérations qui doivent être effectuées « en temps et en heure et progressivement : taille de formation puis élagage à 7 m en deux fois », recommandent les deux experts.
Au terme de cette visite riche en enseignements, le groupe s’est rendu dans une parcelle de 3 ha de peupliers vendus récemment. Il s’agissait d’arbres du cultivar Koster plantés en 2004 et dans leur 18e année de végétation. Arrivés à maturité, ces peupliers ont une croissance qui plafonne depuis trois ans avec un diamètre moyen de 131 cm. La parcelle compte 550 arbres pour un cubage moyen de 1,5 m3. Les arbres les plus hauts atteignent 36 m et présentent de belles grumes pour le bois-d’œuvre jusqu’à 23 m de hauteur, faisait valoir Romain Lachèze. Adjugée lors d’une vente groupée, cette peupleraie a été vendue 51.600 € soit un prix moyen au mètre cube de 62,83 € ou encore une rémunération de 17.200 €/ha, détaillaient les techniciens du CNPF. Neuf offres ont été faites pour ce joli lot de peupliers et ce sont des acheteurs italiens qui l’ont emporté.
Diversifier les cultivars
Il existe une trentaine de cultivars disponibles en Bourgogne Franche-Comté et une liste inventorie les cultivars éligibles aux aides de l’État. La création variétale provient de France, d’Italie et de Belgique et elle fournit de nouveaux cultivars tous les ans. Le choix des cultivars doit être adapté à la station et les propriétaires sont encouragés à diversifier ces cultivars pour se prémunir contre les problèmes sanitaires. Actuellement, les cultivars conseillés par le CNPF BFC sont : Koster, Diva, Tucano, Albelo, Soligo, Oglio, Vesten, Polargo, Trichobel, Fritzi Pauley. Sont également « possibles en diversification » : AF8, AF2, Dano, Rona, Dellinois, Delgas, Brenta, Taro, I 45/51, Blanc du Poitou. Avec une forte hausse de la demande de plants depuis huit ans, il est recommandé de penser à réserver ses plançons auprès de son pépiniériste, conseillent les techniciens de CRPF BFC.
Environ 12 € par peuplier
Le coût d’une plantation de peupliers peut se décomposer ainsi : 750 à 1.000 €/ha pour le broyage des rémanents ; 3 à 4 € par plant pour le piquetage et la mise en place ; 4 à 5,50 € par plançon acheté ; 0,40 à 1,10 € par plant pour la protection contre les chevreuils. Cela équivaut à un coût total d’environ 12 € par peuplier (sans broyage) pour une plantation à 200 arbres par hectare.
Dans le cadre d’une charte intitulée « Merci le peuplier », les industriels aident les propriétaires à hauteur de 2,50 € par peuplier acheté.
Vertus écologiques
La populiculture n’échappe pas au « bashing » vert. Le dénigrement s’appuie sur les mêmes raccourcis que ceux employés à dessein pour atteindre l’agriculture, à commencer par la consommation d’eau. Pourtant, en réalité, à surface égale, une peupleraie ne consomme pas plus d’eau qu’une prairie naturelle ou une chênaie, indiquait Romain Lachèze. Et s’il fallait évaluer l’impact environnemental du peuplier, la culture serait même avantagée par son utilisation pour des emballages qui prennent la place de plastiques et autres matériaux polluants et non renouvelables. Enfin, en termes de biodiversité, cette monoculture impose certes une maîtrise des adventices pendant les toutes premières années de croissance, mais dès que les arbres commencent à bien grandir, le sol à leurs pieds se couvre d’une végétation herbacées naturelle riche et dense, favorable à la faune et à la flore. Cerise sur le gâteau : la productivité exceptionnelle du peuplier en fait aussi un piège à carbone efficace.