Antibiotiques
Les antibiotiques en élevage en léger progrès en 2023

L’exposition des animaux d’élevage aux antibiotiques a légèrement progressé en 2023, après onze années de baisse. Un palier aurait-il été atteint ? 

Les antibiotiques en élevage en léger progrès en 2023
L’exposition des animaux d’élevage aux antibiotiques a légèrement progressé en 2023, après onze années de baisse. ©iStock - Elena Perova

Le rapport thématique annuel de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), rendu public le 18 novembre, conclut à une hausse de 6 % en 2023 de l’indicateur d’exposition aux antibiotiques des animaux d’élevage et domestiques. L’ALEA* repasse tout juste au-dessus de 0,3, soit la valeur cible fixée par le plan Ecoantibio 3 pour… 2028. Pas de panique donc, d’autant que l’exposition moyenne, toutes espèces confondues, a diminué de 48 % depuis 2011 : -67 % en volaille, -64 % en porc, -54 % en lapin, -18 % en bovin. Pour expliquer la légère remontée de l’ALEA l’an passé, Franck Foures, directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV-Anses), formule une « hypothèse principale » : « nous sommes vraisemblablement arrivés à un palier au-delà duquel il est difficile d’aller sans bouleverser les conditions d’élevage ». Aussi s’attend-il à une « fluctuation de l’ALEA autour de 0,3 dans les prochaines années ». En bovins, « la hausse de l’exposition pourrait en partie s’expliquer par l’utilisation d’antibiotiques pour traiter les complications et infections secondaires liées à certaines maladies comme la Maladie hémorragique épizootique-MHE », apparue en fin d’année 2023 en France, complète Anne Chevance, chargée de projets antibiorésistance à l’ANMV. Jean-Yves Madec, directeur scientifique de l’axe transversal antibiorésistance à l’Anses, invite pour sa part « la filière laitière à se préoccuper du veau, qui présente un fond de résistance. La protection sanitaire y est trop fragmentaire. On entre trop facilement dans les élevages laitiers, qui sont des écosystèmes très ouverts. La prochaine marge de progrès résidera dans la biosécurité », explique-t-il en substance.

La santé humaine préservée

Les spécialistes de l’Anses observent encore que « l’exposition aux antibiotiques les plus critiques se maintient à des niveaux faibles ». Depuis 2011, l’exposition aux fluoroquinolones a diminué de 84 %, celle aux céphalosporines de 3e et 4e générations de 95 %, celle à la colistine de 79 %. Si ces réductions concernent « toutes les espèces » animales suivies, en revanche les phénomènes d’antibiorésistance n’ont pas disparu comme l’ont montré les prélèvements réalisés en abattoir, dans la distribution et en élevage en 2023 (les années impaires chez les bovins et les porcs, les années paires dans la volaille). Si les salmonelles « sont devenues très rares chez le veau », deux d’entre elles se retrouvent dans un prélèvement sur trois chez le porc, mais aucune n’est résistante aux antibiotiques critiques pour l’humain. Si « près de 90 % des Campylobacter [retrouvés chez le veau ou le porc] résistent à au moins un antibiotique » (en particulier aux fluoroquinolones), aucune souche ne menace la santé humaine. S’agissant des bactéries Escherichia coli, leur sensibilité aux antibiotiques progresse légèrement en porc et en volaille ; de plus, elles présentent une « très faible résistance aux antibiotiques critiques pour l’humain ».

Malgré tout, « des marges de progrès persistent selon les espèces animales », estime l’Anses, qui met en avant la donnée suivante : chez 39 % des bovins est observée une résistance à trois familles d’antibiotiques sur cinq**. Cette proportion tombe à 27 % chez le porc, 23 % chez les équidés, 16 % dans la volaille, 12 % chez le chien et 7 % chez le chat.

 

(*)Pour suivre l’évolution de la prescription de médicaments antibiotiques au cours du temps, un indicateur d’exposition dit ALEA (Animal Level of Exposure to Antimicrobials) a été établi. Pour cela, le poids vif traité est estimé en prenant en compte la posologie et la durée d’administration de chaque médicament ; puis il est divisé par la biomasse animale potentiellement utilisatrice d’antibiotiques sur l’année pour obtenir l’ALEA. Cet indicateur d’exposition est particulièrement intéressant pour mesurer les effets des actions mises en place au plan national, indique encore l’Anses.

(**)Amoxicilline, gentamicine, tétracycline, triméthoprime-sulfaméthoxazole, acide nalidixique.