Filière bois
Quand une intercommunalité achète une forêt...
La Communauté de communes du Clunisois avait invité les habitants du territoire à une après-midi découverte le samedi 7 septembre. C'était l'occasion de présenter le projet monté autour d'une forêt de 59,45 hectares, anciennement propriété de l’Hôpital de Cluny. La collectivité a acheté ce patrimoine naturel consistant, avec l'objectif d'y lancer « un nouveau modèle » pour le futur plan de gestion, construit avec la participation des habitants du territoire.
La Communauté de Communes du Clunisois termine l’acquisition d’une forêt de 59,45 hectares, une ancienne propriété de l’Hôpital de Cluny, plantée majoritairement de Douglas (63 %).
« La Communauté de Communes a acquis la Forêt de l’Hôpital, d’abord parce qu’elle était soumise à des plans d’aménagement forestier. Nous avons trouvé un accord avec l’ONF pour que ce bien reste dans le giron public. Cette acquisition s’inscrit dans la logique communautaire, car le Clunisois dispose d’une charte forestière signée en 2014 qui impulse des orientations de gestion forestière locales. Nous estimons d’autre part que la forêt est un moyen de lutter contre le réchauffement climatique ; c’est aussi un élément important du projet de territoire défini par les élus du Clunisois. Enfin, nous prenons en compte l’intérêt des habitants de nos villes et villages, qui se montrent sensibles aux enjeux forestiers, même s’ils ne connaissent pas toujours les techniques et tous les enjeux de la forêt », présentait François Bonnetain, le vice-président chargé de l’agriculture et de la forêt, lors de "l’inauguration" de cette forêt intercommunale, le 7 septembre dernier.
« Sans notre démarche, cette forêt aurait pu être rachetée par un acquéreur privé, qui aurait ensuite procédé à des coupes rases pour la récolte. Nous allons récolter la même quantité, mais sur une période plus longue, le temps de la forêt », ajoute François Bonnetain.
Un nouveau modèle de gestion forestière
C’est au printemps 2023 que le conseil communautaire a validé le projet monté autour de l’ancienne forêt de l’hôpital de Cluny. « Le bien a été acquis en fin d’année 2022 par l’Établissement public foncier (EPF) Doubs Bourgogne pour le compte de la communauté de communes du Clunisois », expose son président, Jean-Luc Delpeuch. Ce patrimoine naturel permet à la communauté de communes, qui mène « une politique volontariste sur la protection de l’environnement depuis plusieurs années », d’innover en matière de gestion forestière.
Pour cette forêt du Clunisois, pas question de privilégier la production, ce que pratiquent une majorité des propriétaires forestiers, publics ou privés. Face aux incertitudes climatiques, l’intercommunalité expérimente « un nouveau modèle » pour le futur plan de gestion, construit avec la consultation des habitants ou acteurs de l’environnement, « réunis dans un "cercle de concertation". » Une particularité saluée par la secrétaire générale de la préfecture, Agnès Chavanon, lors de l’inauguration de cette forêt intercommunale : « Votre projet est un vrai lieu d’expérimentation, où se pratiquent une action citoyenne et participative ainsi que des pratiques sylvicoles remarquables. Votre "cercle de concertation" permet une approche novatrice, favorable à la réunion des compétences autour de vos projets. »
"Une gestion écologique"
L’élaboration du document de référence de gestion a été conduite par l’Office national des forêts (ONF). Des "acteurs citoyens" se sont ajoutés au processus, dont les membres du Groupement forestier de la Forêt Hospitalière, de l’association locale "Plein d’essences", des associations naturalistes, comme France nature environnement (FBE) 71 ou le Conservatoire d’espace naturel (Cren) de Bourgogne. Ce rassemblement de compétences est d’ailleurs salué par Jérôme Durain : « Outre ces acteurs, il faut souligner aussi le partenariat avec l’EPF, les communes forestières et l’aide financière de l’État, avec l’apport du Fonds vert. Il souligne la grande amplitude du projet, qui comporte plein de dimensions. C’est une forêt à haute valeur écologique. »
« L’objectif principal est de préserver cette forêt », souligne François Bonnetain. Pour cela, l’intercommunalité veut instaurer une « gestion écologique » de la forêt façonnée pour la production. L’autre objectif est de permettre au public de bénéficier de ce patrimoine. « Avec notamment la préservation de la biodiversité ; car cette forêt est intégralement concernée par le zonage Natura 2000 et par des zones d’intérêt écologique (Znieff) », précise Carole Squevin, chargée de mission de la Charte forestière du Clunisois.
Une gestion à couvert continu ou "forêt jardinée"
Sébastien Batifoulier, chef de l’unité territoriale Mâconnais-Clunisois de l’ONF, présente les orientations fixées par le cercle de concertation, « qui souhaite favoriser une gestion à couvert continu, donc de la futaie irrégulière, ce qui explique qu’on parle de "forêt jardinée". La logique, c’est d’essayer de mettre fin aux coupes rases. Si on veut conserver des peuplements en bonne santé, on évite de couper à blanc. Aujourd’hui, la forêt de l’Hôpital se trouve être une futaie régulière, essentiellement en résineux. Alors, il faudra s’attacher à laisser faire le temps de la forêt, même si c’est très long. »
Le destin de plusieurs blocs forestiers est ensuite abordé par le technicien. « Les parcelles sur un contexte calcaire relèvent d’une forêt peu productive, qui présente de grands intérêts écologiques. Elles seront laissées en libre évolution ; seuls des travaux de sécurisation seront menés sur des sentiers pédestres. »
"Dérégulariser" la forêt
Certaines parcelles seront en revanche « "dérégularisées". Ce sont des peuplements avec une seule essence, le Douglas ; on va tenter d’amener une diversification, autant dans la structure, que dans la présence et la composition en essences », précise Sébastien Batifoulier. « Nous allons favoriser au maximum la reprise naturelle de feuillus, en chênes, en arbres fruitiers principalement. »
Le cas particulier d’une parcelle ravagée par la tempête de 1999 est également abordé. « On ne pouvait pas la laisser "déplumée" ; elle a été replantée entièrement en chênes sessiles. Nous notons une reprise naturelle qui reste assez modeste de charmes et d’arbres fruitiers, voire des arbres précieux. C’est une parcelle qui restera "régulière", car il sera difficile d’inverser la tendance établie avec ces jeunes arbres. Il nous faudra donc les éduquer sur la durée d’aménagement, pour ne laisser en place que les sujets les plus prometteurs ».
Le Douglas, une essence pas toujours adaptée
Reste le cas d’une parcelle isolée, « que la logique des anciens propriétaires destinait à une valorisation rapide, avec des Douglas ». Mais les sols forestiers, situés en bord de ruisseau, ne sont pas adaptés à cette plantation : « on constate aujourd’hui des problèmes sanitaires récurrents. Cette zone serait davantage favorable à des essences de ripisylves. Nous allons tenter de doubler ce peuplement par quelque chose de naturel, avec des feuillus », ajoute Sébastien Batifoulier qui précise encore les problèmes rencontrés avec le Douglas. « Ce bois qui se vend bien, se révèle majoritaire (63 %) dans le peuplement de la Forêt de l’hôpital. Cette essence souffre pourtant du réchauffement climatique avec un dépérissement très important ». Encore un argument que les élus Clunisois apportent aux justifications de leur nouveau modèle de gestion forestière.