SANITAIRE
Le forfait vétérinaire, une solution pour les éleveurs ?
Vétérinaires : Quelles solutions pour quel maillage ? a été le thème de d’une journée de réflexion animée par la cellule de surveillance et de soutien du maillage vétérinaire1. Les débats se sont concentrés sur la forfaitisation des soins et du suivi du cheptel.
À l’image des exploitants agricoles, notamment des éleveurs, les vétérinaires connaissent une crise des vocations pour les animaux de rente. Les jeunes praticiens préfèrent s’orienter vers la médecine vétérinaire de ville et des animaux de compagnie, moins contraignante en termes d’horaires, moins fatigante et plus lucrative. En effet, aujourd’hui 85 % des presque 20 000 vétérinaires de France exercent en ville. Les vétérinaires d’animaux de fermes sont à peine plus de 3 000 à exercer dans les campagnes. En face, le nombre d’éleveurs diminue aussi « parce qu’on a abandonné le modèle de la polyculture-élevage au début des années 1990 », a pointé du doigt Pascal Férey, président de la chambre d’agriculture de la Manche. Pour lui, les deux professions sont liées : « pas de véto, pas d’éleveurs et réciproquement », a-t-il tranché.
« Pas un coût, un investissement »
Dans la droite ligne d’un rapport remis en février 2023 à Marc Fesneau2, l’une des solutions pour redonner l’envie de devenir vétérinaire d’animaux de rente pourrait passer par la contractualisation et la forfaitisation. Cette mutualisation des services entre les entreprises vétérinaires permettrait une continuité des soins tout en réduisant, en particulier, la contrainte des gardes. « On n’a moins d’appels d’urgence en raison du suivi régulier du cheptel et du travail de prévention », a expliqué Julien Le Tual, vétérinaire en Ille-et-Vilaine. Individuel ou collectif, le contrat est toujours adapté aux besoins des éleveurs « Nous sommes quatre vétérinaires pour 130 éleveurs, dont certains de petits ruminants. Nous nous sommes mis d’accord sur les tarifs, les actes. Nous prenons en charge toutes les chirurgies, simples ou complexes. On constate moins d’appels abusifs, surtout le week-end », a indiqué Nicolas Courdent, vétérinaire dans le Rhône. Si le nombre de visite en journée est plus élevé (parfois + 80 %), celui pendant les gardes baissent fortement, d’environ de moitié. « C’est physiquement et psychologiquement important », ont concédé les vétérinaires. Il faut « faire comprendre à l’éleveur que les frais vétérinaires représentent non pas un coût mais un investissement », a ajouté Julien Le Tual. Tout dépend en fait de l’état initial du troupeau. D’une manière globale, et selon Nathalie Bareille, professeure à Oniris Vétagrobio, le gain pour l’éleveur est réel, car « le paramètre le plus important, ce sont les effets de la prévention. Ce sont eux qui ont le plus d’impact ». Ils se ressentent notamment sur l’état général des troupeaux avec une baisse des taux de mortalité et une meilleure production de lait.
« Tout à gagner »
Deux termes sont souvent revenus pendant les débats : la confiance et la sérénité. « En tant qu’éleveur, j’ai gagné en sérénité et je me surprends à dire ‘’À bientôt’’ au vétérinaire alors qu’en règle générale, ce n’est pas très naturel », a témoigné Sébastien Landais, agriculteur en Mayenne. « Les vétérinaires ont une place entière dans mon élevage », a renchéri Charles Fosset président de Jeunes agriculteurs de Bretagne. La forfaitisation des soins et du suivi peut être un facteur d’attrait et de fidélisation pour les jeunes vétérinaires. Certes « on a tout à gagner que ce soit en contrat collectif ou individuel », a martelé Nicolas Courdent. Mais elle ne fait pas tout, ont modéré certains intervenants. « Il ne faut pas oublier l’environnement de l’installation des jeunes vétérinaires qui recherchent une vie sociale en milieu rural : un bassin d’emploi pour le conjoint, des écoles, collèges pour les enfants, des lieux de loisirs… », a soutenu Pascal Ferey. Il reste aussi à généraliser ce type de forfaitisation aux autres formes d’élevage. Car celles qui se sont le plus multipliées ces dernières années, se sont concentrées sur les élevages laitiers.
(1) Cette cellule est composée de Chambres d’agriculture France, de la FNSEA, de l’association des Groupes de défense sanitaire de France (GDS France), du Conseil national de l’ordre des vétérinaires (Cnov), de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), des représentants de collectivités locales et du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
(2) « Maintenir un maillage vétérinaire au service de l’élevage et de la santé publique »
Christophe Soulard
Vers un outil national de suivi du statut des cheptels
GDS France s’est associé fin 2023 au projet Harmony Grand-Est afin de déployer l’application Sanibov « sur tout le territoire français », a expliqué le secrétaire général de GDS France, Stéphane Jeanne, à l’occasion du Congrès du réseau national des groupements de défense sanitaire, fin avril. Cette application permet de partager des informations sur le statut sanitaire des animaux avant leur transport. « Cela permettra aux opérateurs de mieux organiser leurs tournées et de ne pas mélanger des animaux sains et des animaux malades », a souligné le président de GDS France, Christophe Moulin. L’association Harmony Grand-Est a été fondée par le GDS Grand-Est et des partenaires locaux, dont les chambres d’agriculture. L’outil Sanibov est opérationnel dans le Grand Est depuis mars 2023 pour les statuts de la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR) et la diarrhée virale bovine (BVD). L’application fonctionne grâce à un système sous forme de feux de couleur indiquant les destinations possibles d’un animal en fonction de son statut sanitaire. À terme, Sanibov devrait être opérationnel pour « toutes les maladies », a précisé Stéphane Jeanne.