Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes
Wauquiez caresse le Charollais dans le sens du poil
En visite au Gaec Blanchard de Charolles, jeudi 8 février, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a décidé de « suspendre toutes ses activités durant trois semaines pour aller à la rencontre des agriculteurs » du Jura au Doubs en passant par la Seine-et-Marne et la Saône-et-Loire. Et ce, au moment où les principaux intéressés se font entendre au niveau national et européen.
La venue de Laurent Wauquiez, accueilli sur l’exploitation familiale de Clément Blanchard, a interpellé plusieurs acteurs du monde politique et agricole de Saône-et-Loire. Escorté du président du Département, André Accary, et de plusieurs élus du conseil Départemental, dont le vice-président en charge de l’agriculture, Frédéric Brochot, l’élu LR a également échangé avec des JA, les présidents des chambres régionale et départementale d’agriculture ou encore Benoit Regnault, représentant de la FDSEA. Quand on lui demande s’il a fait le déplacement en tant que président de Région, Laurent Wauquiez élude et s’enquiert de la façon de produire, des méthodes spécifiques à la charolaise, mais aussi des revendications propres au territoire sur fond de mouvement agricole. « On a plein de choses en commun avec la Bourgogne-Franche-Comté et la Saône-et-Loire, dont la charolaise. Avec la crise, cela fait du sens de venir à la rencontre des agriculteurs et, grâce au mouvement, des avancées ont eu lieu, mais il faut un soutien sur la durée. (…) En sept ans, on a multiplié par trois le budget agricole de la Région Auvergne-Rhône-Alpes », peut se vanter Laurent Wauquiez. L’élu semble maîtriser les sujets agricoles, échange. Il propose notamment de défendre le financement du raccordement au réseau et désamiantage des bâtiments pour les installations de photovoltaïques.
Surcharge administrative et inefficacité Feader
Parfaitement conscient de la grogne actuelle en Région BFC, Laurent Wauquiez n’a de cesse de lister les exemples de ce qu’il considère comme une réussite en termes de simplification administrative. L’hôte de cette rencontre, Clément Blanchard, est un des nombreux exemples de l’impact de ce marasme administratif sur les installations et les investissements. « Je veux construire un bâtiment d’élevage dont le terrassement a débuté. On m’a demandé pour cela de faire un important dossier que je suis censé faire seul. Cela me paraissait impossible, j’ai donc demandé l’aide de la chambre d’agriculture pour constituer un dossier de 189 pages et 41 pièces jointes. Cela nous a pris 24 heures et m’a coûté 3 à 4.000 € d’audit. Je n’ai toujours pas de réponse après plus de deux ans » pour toucher des fonds Feader gérés par la Région BFC.
Inacceptable, dit Laurent Wauquiez qui prône les subventions au forfait, et non sur la base de devis, comme il le fait dans sa région. « Les devis n’ont aucun intérêt. Chez nous, il suffit de faire une déclaration au m2. Nous posons quelques questions simples en ce qui concerne la filière, la zone, etc. et on demande s’il s’agit d’un bâtiment destiné à la production. Aucun diagnostic n’est demandé et on essaie de verser les subventions en un an ». Le forfait au m2, dont la valeur est réévaluée chaque année, a un autre avantage selon Laurent Wauquiez : il tient compte de l’investissement de l’agriculteur dans les travaux. « Je connais la crise en BFC et j’espère vous aider à faire bouger les dossiers chez vous ». Ce à quoi Maxime Bonnot, responsable installation JA71, lui répond : « Aujourd’hui, nous avons de nombreux échelons européens, français et régionaux. C’est très bien de nous dire ce que vous faites chez vous, mais quels sont les leviers chez nous ? ». Le président de la Région Aura répond du tac au tac qu’il veut que son travail en matière d’agriculture soit érigé en exemple dans les autres régions et au niveau national. Les JA présents continuent malgré tout à s’interroger sur l’intérêt de cette visite.
La débâcle du fonds Feader
Laurent Wauquiez persiste à défendre sa politique agricole et affirme avoir commencé les instructions des dossiers de la nouvelle Pac en janvier 2023. « Les premiers versements concernent entre 800 et 1.000 DJA, sans compter les dossiers de 2024 qui arrivent ». L’ancien ministre des affaires européennes déclare avoir trouvé un meilleur chemin administratif pour raccourcir les délais. Ce à quoi Benoît Regnault, secrétaire générale de la FDSEA 71, répond qu’il ne s’agit pas uniquement d’un problème administratif, mais d’une mauvaise volonté politique côté BFC. « De plus en plus d’hommes et de femmes qui occuperont des responsabilités importantes dans des administrations ont perdu, le sens d’une certaine neutralité du cadre de la loi et ils utilisent leurs fonctions pour faire du militantisme. Dans notre région, l’échec du Feader est la somme d’un échec politique des élus, mais solidement relayé par une administration militante et délibérément hostile à un certain type d’agriculture ».
La transmission
La question de la transmission a également été abordée. La difficulté du métier, les réalités du terrain, le manque de reconnaissance, mais aussi la prédation du loup sont autant de thèmes qui effraient les jeunes agriculteurs. Bernard Lacour, président de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, élargit la question à ce que veut la société dans son ensemble : « l’agriculture souffre d’une absence totale de perspective, en élevage surtout. Ce qui aggrave la question de la transmission ». Pourtant, et malgré la volonté affichée par M. Wauquiez, en Auvergne-Rhône-Alpes la situation est aussi problématique.
Selon l’Insee, la moitié des agriculteurs est âgée de plus de 55 ans, et partira à la retraite d’ici à 2030. Sur les plus de 51.000 exploitations de la région, 30.000 seront donc à céder dans les prochaines années, alors que pour l’instant, on ne compte que 3.000 candidats potentiels à leur reprise, soit seulement un candidat pour 10 fermes.