Les agriculteurs ne sont pas convaincus de l’intérêt de la digitalisation car les outils disponibles ne répondent pas à leurs besoins. Ils sont trop axés sur la production. Les agriculteurs souhaitent des outils qui englobent l’ensemble des activités des exploitations.
Minitel, Internet, smartphone : les agriculteurs ont adopté ces outils de communication dès leur mise sur le marché. Ils leur ont permis de sortir de leur isolement en les reliant en quelques clics au monde. En fait, le besoin de communication était réel et l’agriculture a été transformée.
Depuis, les agriculteurs ont quasiment tous un smartphone mais « de façon surprenante, la digitalisation ne fait pas partie de la stratégie ou de la culture des entreprises agricoles », constatent les auteurs de l’étude « L’agriculture, maillon faible de la digitalisation » de l’école de management de Normandie (EMN). Dans un document de 34 pages, ils mettent en évidence une sous-utilisation des outils digitaux disponibles dans le secteur agricole et, plus généralement, une faible perception de l’impact positif de la digitalisation sur les exploitations et leur fonctionnement.
Maillon faible
En fait, l’offre d’outils digitaux ne répond pas aux besoins des agriculteurs bien qu’elle soit pléthorique. Aussi, en les utilisant peu, les chefs d’entreprises agricoles sont peu convaincus de leur intérêt et réciproquement, « le manque de conviction explique au moins partiellement leur faible utilisation », analysent les auteurs d’EMN. Par ailleurs, la digitalisation de l’agriculture est partielle et trop axée sur la production. Les céréaliers consultent des applications sur leur smartphone pour suivre les cours des grains et dans les élevages, les robots de traite connectés aux ordinateurs fixes suivent les performances des troupeaux, bête par bête. Selon l’EMN, les outils de digitalisation sur le marché devraient pouvoir communiquer avec les outils de gestion (facturation, comptabilité…).
« Aujourd’hui, quand on achète nos produits à la coop ou au privé, on doit ressaisir nos factures. Elles ne sont pas directement enregistrées dans notre logiciel de comptabilité », témoigne un des 213 agriculteurs consultés par l’EMN pour réaliser l’étude sur la digitalisation. Dit autrement, l’absence de communication entre les outils utilisés rend leur emploi chronophage, car les données doivent être saisies plusieurs fois. Et le plus souvent, les agriculteurs n’ont pas la maîtrise de leurs historiques. Selon encore les auteurs de l’étude, « l’agriculture, maillon faible de la digitalisation » de l’école de management de Normandie, les agriculteurs aimeraient disposer davantage d’outils de pilotage et d’aide à la décision.
Transformation numérique
Par ailleurs, la digitalisation doit être prospective et englober l’ensemble des activités des exploitations, de la production jusqu’à la vente mais aussi les ressources humaines et la gestion financière. Or peu d’exploitations mettent en œuvre une telle stratégie et sont, par conséquent, en mesure d’apprécier les bénéfices qu’apporte la digitalisation. Pour renverser cette tendance, il faut replacer l’agriculteur au centre de la réflexion : la transformation numérique ne peut être réussie que si les chefs d’entreprises agricoles prennent part à la construction d’outils qui répondent à leurs besoins. En créant ou en rejoignant des Groupements d’intérêts économiques et écologiques (GIEE), des émulations de groupe faciliteront l’appropriation des outils digitaux par chacun de ses membres. Mais ces derniers devront être des agriculteurs de tous horizons, petits et grands. Par ailleurs, les auteurs de l’étude de l’EMN suggèrent une réorientation des politiques publiques jusque-là menées. À l’avenir, les aides publiques allouées pour financer la digitalisation de l’agriculture devraient cibler l’acquisition d’outils digitaux globaux.