Le 20 juin, le Haut conseil pour le climat (HCC) a rendu public son rapport annuel pour l’année 2023. L’agriculture qui a baissé ses émissions de gaz à effet de serre doit cependant veiller à mieux articuler ses actions avec les politiques alimentaires, sanitaires et climatiques.
« La France a connu, pour la première fois en 2023 (hors crise Covid), un rythme de baisse de ses émissions de gaz à effet de serre dont l'ampleur - si elle se maintient dans les années à venir - est cohérente avec une trajectoire de décarbonation permettant d’atteindre ses objectifs pour 2030 », se réjouit le Haut conseil pour le climat (HCC). Le secteur agricole, qui émet 20 % des émissions de gaz à effet de serre, les a vu baisser de 1,5 Mt éqCO2/an sur la période 2019-2023. Cependant, cette baisse est moins rapide que d’autres secteurs, notent les experts de l’organisme « indépendant ». Autre bon point : « le secteur agricole a respecté son 2e budget carbone », souligne le HCC, ajoutant que son « rythme est en avance, mais proche du rythme annuel indicatif attendu (écart de 0,4 Mt éqCO2 sur 2019-2023) ». Ainsi, l’agriculture qui émettait plus de 80 Mt éqCO2/an en 2017, a aujourd’hui franchi la barre des 75 Mt éqCO2 pour atteindre environ 73 Mt éqCO2. Les raisons principales tiennent à la « réduction subie du cheptel bovin pour des raisons socio-économiques », à « la baisse de l’utilisation des engrais minéraux azotés et d’importations croissantes, génératrices d'émissions dans d'autres pays ». Ce qui donne quitus aux efforts fournis par le secteur agricole. Mais du bout des lèvres, car le HCC ne reconnaît que « quelques avancées limitées » sur, à titre d’exemple, « la formation, les haies ou les diagnostics ».
Soutien à l’élevage herbager
Le HCC souhaiterait que les agriculteurs fournissement encore plus d’efforts. « Solliciter davantage l’agriculture, qui n’est que peu mise à contribution dans l’atteinte des objectifs 2030, permettrait de faciliter le bouclage des émissions d’ici à 2030 et l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 », écrit ainsi le rapport. L’organisme demande que la prochaine loi agricole définisse « une vision des modèles et pratiques agricoles souhaitables, afin de donner une visibilité de long terme et des orientations claires à tous les acteurs du système alimentaire ». Autrement dit, aller plus loin dans la réduction des cheptels, car « la part carnée de l’alimentation et les émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture constituent des facteurs déterminants de l’empreinte carbone, dans le cadre de verrous plus larges associés au système alimentaire », peut-on lire encore dans le rapport. D’une manière assez paradoxale, deux des neuf propositions du HCC pour l’agriculture soulignent la nécessité « d’orienter prioritairement le soutien à l’élevage vers les systèmes herbagers, de polyculture élevage et agroécologiques qui sont bénéfiques pour le stockage de carbone » et « d’évaluer, qualitativement et quantitativement, l’impact du plan de reconquête de la souveraineté de l’élevage ».
Renforcer les lois Égalim
Ce qui inquiète le plus les experts du HCC, sont « les politiques publiques des 12 derniers mois et les réponses de sortie de crise agricole ». Autrement dit, ces derniers pestent contre le lobbying des agriculteurs pour simplement vivre dignement de leurs revenus. Pour ces scientifiques, ces victoires syndicales marqueraient « un recul de l’action publique climatique ». « Elles contribuent, dans l’ensemble, à verrouiller la production agricole dans des modèles intensifs en émissions, plutôt qu’à protéger les agriculteurs des effets négatifs du changement climatique et à les accompagner vers des modèles et pratiques bas carbone », se désole le rapport. Mais dans le même temps, les experts sont conscients qu’il va être compliqué pour les agriculteurs de poursuivre leur adaptation sans financement. C’est pourquoi le HCC demande de « renforcer les lois Égalim et leur mise en œuvre effective pour rééquilibrer le rapport de force entre les producteurs agricoles et les autres acteurs des filières alimentaires, et ainsi revaloriser leur revenu », mais aussi de réorienter les financements du Plan stratégique national « pour augmenter les budgets dédiés aux mesures les plus favorables au climat » et ainsi « renforcer les exigences des standards de conditionnalité et des interventions ». En résumé, le HCC demande à maintenir l’effort et à ne pas baisser la garde.