Consommation bio
Quel avenir pour l’agriculture biologique en 2041 ?
L’agence bio a fêté, mi-octobre, ses 20 ans au parc Floral de Vincennes à Paris. L’occasion pour ce groupement d’intérêt public de dresser, à travers une table-ronde, quelques perspectives pour 2041, avec parfois des airs de science-fiction.
« Il nous faut faire des choix éclairés et faire prendre conscience que l’on peut manger bio sans se ruiner, à budget maîtrisé », a affirmé la directrice de l’Agence Bio, Laure Verdeau après une vidéo de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. C’est aussi par cette entremise que son homologue de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, s’est adressé aux très nombreux invités. Saluant le « dynamisme de l’agriculture biologique », il a fixé comme objectif que la Surface agricole utile (SAU) française atteigne 18 % en bio pour l’année 2027, « grâce à la Pac », notamment. Confirmant la banalisation du bio « qui n’est plus un marché de niches en France », il a annoncé que le projet de loi de finances 2022 prévoyait un renforcement des moyens de l’Agence. La participation du ministère augmenterait de 10 % et serait ainsi portée à 3,3 millions d’euros (M€), somme à laquelle s’ajouterait une subvention exceptionnelle de 200.000 euros. Le fonds Avenir bio s’élèvera quant à lui à 13 M€ pour 2022, de quoi accroître le nombre de projets (140) que ce fonds a portés depuis 2008.
Luke Skywalker
« Construire une filière pérenne » reste un objectif pour les dirigeants de l’Agence qui s’inquiètent que le magazine “Cash Investigation” de France 2 réalise un reportage à charge contre le bio. « Ça prouve qu’on est dans la cour des grands. Notre marché ne pèse-t-il pas 13 milliards d’euros (Md€) sur les 200 Md€ du marché alimentaire national ? ». Pour le président de l’Agence, c’est le système « le plus abouti pour la protection de l’environnement ». Par conséquent, il ne s’étonne pas qu’un tiers des agriculteurs qui veulent s’installer choisissent le bio.
Les perspectives s’annoncent encourageantes, y compris du côté des représentants d’instituts de prospective. Croisant leur style et leur vision du bio dans les 20 ans à venir, ils font appel à leur imagination pour penser la bio de demain.
Elena Scappaticci, rédactrice en chef de la plateforme d’usbeketrica.com a dressé quatre scénarios quelque peu glauques : un sur la raréfaction de l’alimentation bio, un autre sur l’abondance (le « plus rare et improbable » selon elle), un troisième s’engageant dans l’obsolescence de l’humain avec une part de transhumanisme et enfin un quatrième sur le renversement. « L’homme devient acteur de l’agriculture, car c’est lui-même qui est cultivé ». Avec forces références littéraires et cinématographiques, Elena Scappaticci a rappelé qu’à l’origine Luke Skywalker, héros de la saga StarWars était fermier de la planète désert de Tatooine.
« Crises internes »
Revenant à des scénarios plus terre à terre, Cécile Désaunay, directrice d’études à Futuribles, a rappelé que dans vingt ans, le public cible sera les plus de 65 ans car ils représenteront un quart de la population. « Mais ce sont les inactifs et donc en grande partie les retraités qui consomment le moins de bio », a-t-elle souligné. Les consommateurs devenant par ailleurs plus exigeants, il sera aussi nécessaire d’être « irréprochable sur tous les plans : santé, environnement, bien-être animal mais aussi rémunération des agriculteurs », a-t-elle soutenu. Dans tous les cas, le bio devra s’adapter aux quatre profils du futur consommateur (lire encadré) sans oublier que le produit final, brut ou transformé, devra procurer un plaisir gustatif. De plus, les scénarios « moins positifs ne sont pas à écarter » selon elle. La dilution du bio est une possibilité car il pourrait être dépassé et se fondre dans des critères considérés plus importants par le consommateur : le local, le bien-être animal,… Dans la mesure où les consommateurs contraints, c’est-à-dire avec peu de ressources, sont plus nombreux. Enfin, « le bio n’est pas à l’abri de crises internes » comme l’agriculture conventionnelle a pu en connaître, a-t-elle conclu.
Les quatre profils des consommateurs de 2041
Selon Cécile Désaunay, directrice d’études à Futuribles, l’agriculture biologique devra anticiper et s’adapter aux quatre profils du consommateur des années 2040. Tout d’abord à celui qui est « réfractaire au changement et qui recherche le plaisir immédiat de l’alimentation ». Ensuite, il lui faudra composer avec les consommateurs contraints qui eux n’ont pas les moyens de dépenser plus pour se nourrir. Troisième catégorie : celle des consommateurs responsables. « Ils disposent d’un pouvoir d’achat supérieur aux autres, ont des convictions biologiques et pourront s’engager dans le créneau bio ». Enfin, quatrième et dernière catégorie : celle dite des « sobres ». Ce sont des personnes qui entendent consommer moins mais mieux y compris dans leur alimentation, sans pour autant faire le choix de la bio. Ce qui prouve que « futur ne rime pas forcément avec rupture », a-t-elle analysé.