EARL de Visigneux à Lucenay-L’Evêque
A Lucenay-L’Evêque, l'EARL de Visigneux se diversifie pour perdurer
Dans le Morvan, la famille Chevalier a toujours joué la carte de la diversification sur son exploitation de montagne. Un moyen de perdurer en conditions naturelles difficiles et qui a permis à Ludovic de s’installer malgré un parcours atypique.
À Lucenay-l’Évêque, la famille Chevalier exploite la ferme du Château de Visigneux depuis de nombreuses générations. À la fin des années soixante, elle se lançait dans l’élevage de porcs et une porcherie de naissance était construite au milieu des années 70. Un Gaec unissait alors Marguerite à son frère René. Le fils de René - Éric s’installait en 1986 et en 1995, Joceline, épouse d’Éric remplaçait René. L’exploitation cessait alors de faire naître des petits cochons, mais continuait d’engraisser des porcs jusqu’en 2012. Dès lors, la ferme devenue EARL s’est concentrée sur ses 80 mères charolaises et un troupeau de plus de cent brebis. Depuis 1992, elle gère aussi un enclos d’entraînement pour chiens courants. Une activité qui s’adresse à une clientèle de chasseurs désireux de perfectionner leurs chiens. Connu dans le milieu cynégétique, cet enclos attire des clients de toute la région.
Installation sans aide
Ludovic, le fils de Joceline et Eric, n’était a priori pas parti pour s’installer sur la ferme. Très prudents quant à l’avenir, ses parents ne l’y encourageaient pas. À 15 ans, un pépin de santé finissait de dissuader Ludovic de reprendre la ferme l’orientant vers une formation d’ébéniste. Mais son attachement à sa montagne morvandelle et son envie de donner une suite au travail de ses aïeux ont été plus forts. Sans diplôme agricole, Ludovic s’est installé sans aide, ce qui lui a finalement évité agrandissement et investissements. À la place, le jeune agriculteur a opté pour la diversification en privilégiant des productions économes et adaptées aux terrains difficiles de son exploitation. Au même moment, le Parc Naturel Régional lançait la filière Porc plein-air du Morvan. Dès 2018, Ludovic Chevalier a été l’un des premiers éleveurs à s’engager dans cette démarche de terroir. Les cochons étaient ainsi de retour à Visigneux prenant la place des moutons aux côtés des bovins charolais.
Porcs plein-air du Morvan
Sur une parcelle pentue et ombragée de 1,5 hectare, Ludovic élève des lots d’une cinquantaine de porcs pendant cinq mois. Les petits cochons arrivent à trois mois d’âge, pesant chacun une trentaine de kilos. Élevés en plein-air, les cochons ont à leur disposition des cabanes de bois pour s’abriter des intempéries et de l’eau de source pour se désaltérer.
Chaque jour, Ludovic monte leur distribuer une alimentation non-OGM à base de céréales de la région. Il leur donne aussi des fruits et légumes invendus récupérés chaque semaine auprès d’un hypermarché d’Autun. Les animaux grossissent pour atteindre 145-150 kg puis Ludovic les conduit lui-même jusqu’à l’abattoir d’Autun.
Jambon sec traditionnel
Les jambons sont exclusivement réservés au salaisonnier Arnaud Sabatier qui les fait affiner sur son site d’Arleuf (Nièvre). Ces véritables jambons secs du Morvan sont commercialisés sous la marque Fernand Dussert, bien connue des morvandiaux. On les retrouve dans les enseignes de distribution locales. Idem pour la viande qui est également en vente dans plusieurs boucheries-charcuteries du Morvan sous la marque « Le Morvandiau-Le Porc plein-air du Morvan ».
Pour Ludovic, ces porcs élevés en plein-air font la fierté de l’exploitation. Il aime montrer ses animaux qu’il voit chaque jour s’épanouir au grand air. De la parcelle pentue située en lisière de forêt, la vue sur le château de Visigneux et les prairies de la vallée est imprenable. Ce cadre magnifique est souvent montré en exemple par les promoteurs du Porc plein-air du Morvan. Avec ses cochons de qualité et la renaissance du Jambon sec du Morvan, Ludovic apprécie de s’être reconnecté avec le produit final, qui plus est, haut de gamme. Il est d’ailleurs membre de la fameuse Confrérie du Jambon du Morvan.
Ateliers complémentaires
« Notre métier se transforme. Il faut faire avec le climat. Je préfère limiter le nombre de vaches et créer des petits ateliers complémentaires », confie Ludovic qui pense ainsi à l’agroforesterie. Il envisage notamment de planter des châtaigniers. Sur son exploitation en plein massif du Morvan, depuis quatre ans, il valorise le bois de ses haies et de ses lisières de forêts en plaquettes. Ces copeaux de bois sont utilisés en litières pour ses bovins. Ludovic a fait réaliser un plan bocager financé par la Région qui recense le potentiel de production de bois de son exploitation. La ferme totaliserait ainsi une vingtaine de kilomètres de haie et de lisière de forêt. Le jeune éleveur laisse monter certaines de ses haies qui étaient jusqu’alors broyées. L’EARL a même investi dans une remorque forestière pour le transport des bois.
La filière Porc Plein-air du Morvan produit 30 porcs par semaine
La filière porc plein-air du Morvan a été créée pour relancer le traditionnel jambon sec du Morvan. Elle a été mise en place par le Parc Naturel Régional, le salaisonnier Arnaud Sabatier et le fabricant d’aliments Philicot à Chagny. Une dizaine de producteurs morvandiaux sont aujourd’hui engagés dans la démarche. Ils élèvent chacun deux lots d’une soixantaine de porcs par an. Les porcs plein-air du Morvan ont un cahier des charges associé à une marque. Bien organisée et planifiée, la filière assure un prix garanti aux éleveurs. C’est l’entreprise locale Philicot qui les accompagne techniquement et financièrement. Elle organise la mise en place des cochons qu’elle fournit, de même que l’aliment. L’éleveur est rémunéré à l’enlèvement des animaux, 25 euros minimum par porc finis sans avoir à payer ni les cochons ni l’aliment. La filière Porc Plein-air du Morvan produit 30 porcs par semaine qui sont abattus et transformés dans les outils locaux.
Des frais supplémentaires, mais une rémunération à la clé
A Lucenay-L’Evêque, Ludovic Chevalier a déjà élevé et engraissé une dizaine de lots de porcs en plein-air pour la filière Porc Plein-Air du Morvan. Bien accompagné par son technicien de Philicot Frédéric Latrace, il n’a pas connu de problème particulier et les objectifs de production ont été atteints. Néanmoins, l’éleveur signale avoir réalisé de nombreux ajustements, adaptations et aménagements dans la conduite. Les cabanes ont dû être mieux isolées contre les courants d’air. Les cochons ont l’inconvénient d’abîmer constamment le sol et les alentours des cabanes. Certains arbres qui les protégeaient du soleil n’ont pas résisté à leurs assauts. Ludovic a dû en replanter dans une zone mise en défend. Pour se protéger d’une éventuelle contamination à la peste porcine, une clôture enterrée de 1,50 m de haut a été ajoutée aux fils électriques qui parquaient les animaux. Malgré ces investissements supplémentaires et un temps de travail conséquent, Ludovic évoque une rémunération nettement supérieure aux 25 € par porc promis au départ. Une valorisation nécessaire pour des terrains très difficiles d’entretien, précise-t-il.