EXCLU WEB / Ovins : « Il est important de sécuriser notre capacité de production »
La Fédération nationale ovine tient son congrès les 7 et 8 septembre au Puy-en-Velay (Haute-Loire) sur le thème de la Loi Egalim 2. Sa présidente, Michèle Boudoin revient sur les points saillants qui rythment la vie de la Fédération et des éleveurs.
A la veille de votre congrès, où en est aujourd’hui l’état de la production et de la filière ovine en France ?
Michèle Boudoin : A l’image de nombreuses autres productions agricoles, les éleveurs ovins subissent les aléas de la conjoncture : inflation, conséquences de la guerre en Ukraine, perturbations climatiques et logistiques. On pourrait rétorquer que nous avons bénéficié d’une hausse de prix assez importante. Il est vrai que le prix de nos bêtes, au départ de la ferme, ont gagné presque un euro (0,95 € exactement)/kg depuis un an, et 1,53 €/kg par rapport à la moyenne quinquennale. Mais c’est oublié que cette hausse a fondu avec les hausses de coûts de production que notre secteur connaît depuis quelques mois. Ainsi, pour prendre un exemple concret, l’alimentation de mes agneaux est passée de 330 €/tonne au début février 2022 (avant l’invasion russe en Ukraine le 24 février, ndlr) à 470 €/tonne. C’est la même marque et les mêmes composés.
La contractualisation qui est un des volets de la Loi Egalim 2, thème de votre congrès, peut-elle être une voie qui permette aux éleveurs de mieux vivre de leur métier ?
MB : Ce n’est pas tant la contractualisation qui nous intéresse dans la Loi Egalim 2 que la transparence et la construction du prix en marche avant. En effet, 60 % des éleveurs en ovin viande sont déjà engagés dans une démarche de contractualisation. Ils sont 80 % en ovins lait. Ce qui nous importe le plus, c’est que la valeur ajoutée que nous créons sur nos exploitations ne nous échappe pas et que nous puissions ainsi sécuriser notre ressource, c’est-à-dire l’ensemble des maillons de la filière. Cela passe par un contrat indiquant les volumes, les périodes et comprenant la variation à la hausse ou à la baisse des coûts de production au niveau de l’élevage. Il est important de sécuriser notre capacité de production française. Certaines grandes enseignes jouent le jeu en réalisant des contrats tripartites : éleveurs, transformateurs distributeur. C’est très bien, à condition aussi que ces contrats incluent aussi la variation des indices de coûts de production. Ainsi quand le prix de l’aliment composé (ou tout autre élément) augmente, il doit être répercuté sur le coût de revient final. Il ne doit pas, comme c’est le cas trop souvent, rester à la seule charge de l’agriculteur.
La Nouvelle-Zélande et l’Europe viennent de conclure un accord de libre-échange qui doit être ratifié par les parlementaires avant d’entrer en vigueur. Quelle est votre position ?
MB : J’avoue que ma colère a du mal à retomber. Je ne m’explique pas que l’on ait pu prendre une telle décision sous une présidence française de l’Union européenne qui plus est ! Comment peut-on allouer des quotas supplémentaires à ce pays, 38 000 tonnes pour être précis, alors même qu’ils ne fournissent déjà pas les quotas qui leur sont accordés ? Je pensais avoir entendu un président dire que « confier notre alimentation à autrui serait folie »… Cet accord interroge sur de nombreux points. Je m’inquiète des normes sociales qui ne sont les mêmes en Nouvelle-Zélande qu’en France, ainsi que de l’impact environnemental. Auckland est à 22 000 kms de Paris. Je reste perplexe sur les possibles et sans doute réelles distorsions de concurrence liées à la saisonnalité et à celles plus techniques liées aux conditions de conservation des soi-disant agneaux.
Pouvez-vous préciser ?
MB : Il existe un réel problème sur la date d’abattage. En effet, les agneaux (il y a peu de mouton en NZ, ndlr) sont abattus en Nouvelle-Zélande en décembre, plongés dans l’azote liquide puis revendu en avril de l’année suivante pour se retrouver dans les rayons frais des magasins français. En ce qui concerne, l’agneau français, il est abattu, laissé quelques temps au frigo pour maturation. On le retrouve dans les rayons en moyenne trois semaines après… à côté de l’agneau néo-zélandais nettement moins cher… Mais il y a pire : le mouton australien que l’on veut faire passer pour de l’agneau. D’ailleurs, les ovins de l’Océanie finissent par transiter par le Royaume-Uni et se retrouvent sur nos étals. C’est pourquoi je me méfie de l’Union européenne qui veut faire des producteurs ovins français la variable d’ajustement d’accords politiques qui restent, quoiqu’on en dise, assez flous.
Le PSN français vient d’être adopté ? Vous satisfait-il ?
MB : D’une manière globale, nous en attendions plus et mieux. Aujourd’hui notre aide ovine est conditionnée à un taux de productivité numérique annuel. La future PAC introduit un nouveau dispositif dont personne ne parle beaucoup : le contrôle de performance annuel, exigé par la Commission. Ainsi les Etats membres sont obligés, dans leur PSN, de mettre un prévisionnel de consommation de ligne par aide. En conséquence, la Commission prendra l’année N + 1 la disposition pour caler le financement des aides sur la consommation de l’année N , et cela vaut pour toutes les aides pas seulement pour les aides couplées. Ce que la FNO trouve dangereux . Notre objectif est de ne pas perdre plus d’argent que la discipline financière imposée par la commission. La volonté de la Commission d’évaluer le nombre de contrats qui seront conclus en 2023, 2024, 2025 etc. est totalement inopérante. Je n’ai pas de boule de cristal et bien malin qui peut prévoir le nombre de contractualisations qui auront été effectuées dans deux, trois ou cinq ans. Surtout notre enveloppe globale qui était de 125 millions d’euros a été réduite à 114 millions d’euros, ce qui constitue un signe plutôt négatif. Enfin, je suis agacée de constater que le second pilier de la PAC va servir à financer la protection des loups. C’est une aberration totale. A ce sujet, je pense qu’il faut arrêter l’ensauvagement aveugle des territoires ruraux. Notre travail est vandalisé. Il est temps de réapprendre au loup d’avoir peur de l’homme. Au Canada, il existe la notion de « loup délinquant », c’est-à-dire de neutraliser les loups qui s’attaquent au troupeau. Les tirs de défense ne suffisent plus. Il faut autoriser les bergers à tirer sur le loup qui s’en prend directement au troupeau.
Faire revivre la laine française
La FNO qui est impliquée dans le Collectif tricolore entend faire renaître à plus ou moins long terme une filière laine. Aujourd’hui, pas moins de 15 000 tonnes de laine dorment dans les greniers ou hangars de ferme. L’outil industriel a disparu. Il ne reste plus qu’une seule station de lavage de laine en France. « Or les débouchés sont nombreux », indique Michèle Boudoin qui cite des valorisations possibles en couettes, matelas, tissus automobiles, mais aussi en rouleaux pour horticulteurs et paysagistes car la laine contient naturellement de l’azote. Mais pour composter la laine en compost, il faudra lever une réglementation européenne qui aujourd’hui l’interdit pour des raisons sanitaires, car la laine non lavé, non traitée peut transporter des bactéries comme la gale.