EXCLU WEB / Les coopératives laitières veulent 15 % de hausse a minima
Lors d’une conférence de presse à Paris le 5 septembre, le président de La Coopération laitière, Pascal Le Brun, entend que les producteurs soient payés 500 euros/tonne de lait. Une question de survie des exploitants et de la filière.
« On fait tampon mais ça devient insupportable. On ne peut plus continuer de cette façon avec des grandes enseignes qui ne veulent rien entendre », a lancé Pascal Le Brun, très remonté contre certains grands distributeurs. S’il se refuse à tomber dans le « Name and Shame » (Dénoncer et couvrir de honte), le nouveau président (élu le 22 juin dernier) constate deux phénomènes : tout d’abord que plus des trois quarts des produits laitiers (frais ou transformés) sont distribués via les grandes surfaces et ensuite que le prix du lait payé aux producteurs a augmenté de + 21 % sur les douze derniers mois. Cependant, cette hausse lui semble « insuffisante » à différents titres. L’inflation des produits alimentaires en France (+6 à +7 %) est inférieure à la moyenne européenne (+10 à 12 %). De plus, l’inflation finale est plus faible que l’inflation des coûts de production. Pestant, comme la présidente de la FNSEA, sur les pénalités logistiques, il a expliqué la technique des grandes surfaces pour surcommander, c’est-à-dire de commander plus qu’elles n’en ont véritablement besoin pour appliquer ensuite des pénalités logistiques qui peuvent s’élever à plusieurs dizaines voire de centaines milliers d’euros ! Une pratique déloyale qui plombe les trésoreries des coopératives. Toutes ces raisons et bien d’autres appellent donc ces dernières à demander « une hausse de 15 % du prix du lait a minima. C’est vital pour nos entreprises », a-t-il expliqué, développant l’idée que les transformateurs sont pris en tenaille depuis la mise en place de la loi Egalim 2. Autant les matières premières agricoles sont prises en compte dans les coûts de production, « autant les matières premières industrielles ont été oubliées », s’est-il désolé.
Fermetures à venir ?
Pascal Le Brun a toutefois précisé que cette hausse minimum de 15 % ne valait que pour 2022, qu’elle ne concerne pas le lait bio (lire encadré), qu’elle doit être « immédiate (c’est-à-dire pour octobre » et qu’il fallait s’attendre, comme Syndifrais l’a réclamé peu auparavant (lire encadré), à une demande quasi identique pour l’année 2023. Il justifie ces demandes par la nécessité de renouveler un parc technique « vieillissant » et d’assurer la transition agroécologique réclamée par les consommateurs et le Gouvernement. « Qui va supporter ces investissements si nous n’avons pas la rentabilité nécessaire ? », s’est-il interrogé. D’où la nécessité d’aller « vers 500 euros/tonne comme nos voisins européens (…) pour vivre dignement de notre métier », a-t-il exhorté. Le président de La Coopération laitière n’a pas caché ses craintes sur l’avenir de la filière lait en France. « Si nos comptes ne parviennent pas à être équilibrés, nous serons contraints de fermer des lignes de production », a-t-il affirmé. La Coopération laitière rassemble 240 entreprises qui collectent 13,1 milliards de litres de lait par an (55 % de la collecte nationale) auprès de 22 200 exploitations. Celles-ci sont d’ailleurs en baisse de 6,6 % par rapport à 2019. « Or l’élevage est vital pour nos territoires, leur biodiversité », a-t-il plaidé. Si son appel devait ne pas être entendu, il n’exclut pas de recourir au médiateur des relations commerciales. Un enjeu de taille pour les coopératives qui ambitionnent de renouveler les générations, d’assurer la transition écologique et d’être compétitives.
Transformation laitière : « Le compte n’y est pas »
L’Association professionnelle des produits laitiers frais, Syndifrais, a dénoncé le 2 septembre une situation critique de son secteur d’activité. Pour ce syndicat de , « les besoins de revalorisation au titre de la seule année 2022 se révèlent être de l’ordre de 20 à 24 %, sans parler des besoins de revalorisation de 2023 estimés entre 15 % et 20 % à ce stade ». Patrick Falconnier, président de Syndifrais juge à ce point la situation très tendue que « les prochaines semaines seront cruciales pour nos entreprises, nos éleveurs et pour garantir la continuité d’approvisionnement des consommateurs », a-t-il déclaré. Syndifrais insiste sur « l’absolue nécessité de revaloriser les prix d’achat des produits pour tenir compte des inflations subies », car « les perspectives sont pessimistes pour (leurs) entreprises ».
Lait bio : plus de 30 % de déclassement
Le lait biologique ne se porte pas bien. « Environ 30 à 40 % de ce lait est déclassé en conventionnel », a concédé Pascal Le Brun. La collecte bio a représenté 5,2 % de la collecte laitière nationale en 2021. Ce cumul annuel a atteint 1, 237 milliard de litres en février 2022. Même si les plans de conversion ont été stoppés en 2021, ceux qui sont inscrits dans la démarche, poursuivre leur transition en bio. Ce qui fait qu’en 2023, la collecte de lait bio devrait augmenter à 1,3 milliard de litres en 2023. Sans une reprise de la consommation en bio, la part de déclassement en lait conventionnel devrait rester identique.