EXCLU WEB / L’inquiétude des fabricants d’aliments du bétail
Le Syndicat national de l’industrie de la nutrition animale (SNIA) s’est inquiété, le 31 août, dans une conférence de presse, des difficultés que la filière traverse.
« Mise à l’épreuve », « marchés sous tension », « enjeux critiques », « crise ukrainienne », « une conjoncture alarmante »… Le président du SNIA, François Cholat, a fait part de ses appréhensions et de ses inquiétudes sur l’état du secteur de l’alimentation animale qui a cumulé, ces derniers mois, quelques déconvenues et soubresauts comme de nombreux secteurs agricoles : Covid, hausse du coût des matières premières et de l’énergie, grippe aviaire, sécheresse et décapitalisation dans le secteur de l’élevage. « Ce cumul d’effets défavorables fait naître une réelle inquiétude pour notre activité », a renchéri Ludovic Michel, vice-président du SNIA. Dans les faits, ces facteurs se sont traduits par une hausse généralisée du panier de matières premières. L’indice des prix des matières premières en disponible, entrant dans l’alimentation animale (IPAA) a augmenté de 80 % depuis janvier 2022, même s’il est en train de se tasser en ce moment. La production d’aliments du bétail devrait diminuer de 6 % au cours de l’année 2022, même si le chiffre d’affaires devrait s’envoler de 30 % sous l’effet mécanique de la hausse des prix. Un chiffre que les responsables du SNIA estiment en trompe l’œil car « il ne reflète pas les capacités d’investissement qui, elles, sont en train de se réduire », a jugé François Cholat.
Transition écologique
En volume, la baisse de production équivaudrait à 1,2 million de tonnes (Mt) en moins produites sur un an « ce qui correspond à la production de 15 usines », a-t-il précisé. Sur le volume, plus de la moitié (700.000 tonnes exactement) concernerait l’aliment pour volailles. En effet, plus de 19 millions de volatiles (poules, canards, pintades…) ont été abattus après l’épizootie de grippe aviaire. Le solde, 500.000 tonnes de production en moins, correspondrait aux conséquences de la décapitalisation des cheptels (principalement bovins lait, bovins viande et porcins). « Quand un élevage cesse sa production, c’est définitif. Il ne redémarre pas », a expliqué François Cholat qui parle de « découragement des éleveurs », de « perte d’attractivité du métier ». La production devrait donc s’établir aux alentours de 19 Mt pour l’année 2022. « On a produit 24 Mt il y a 12 ans », a rappelé le président du SNIA. La filière biologique n’est pas non plus épargnée puisqu’elle accuse une baisse de production de -10 % sur le premier semestre 2022.
Malgré ses écueils, le SNIA entend poursuivre sa feuille de route sur la transition écologique, notamment en limitant les déchets (13.000 tonnes/an), en identifiant mieux les matières premières non associées à la déforestation, en maîtrisant la consommation d’énergie ou encore en valorisant les coproduits. « Nous avons un point de vigilance sur la méthanisation qui peut être un concurrent d’usage sur les coproduits qui sont avant tout fléchés sur l’alimentation animale », a souligné Patrick Pageard, trésorier du SNIA. Le syndicat entend aussi maintenir un haut niveau de qualité sanitaire sur ses produits transformés.
Protéines animales transformées : un retour compliqué
Interrogé sur la possibilité de s’approvisionner en protéines animales transformées (PAT), le SNIA « ne referme pas la porte » mais reste interrogatif. « Il faut d’abord connaître le degré d’acceptabilité sociétale », a indiqué Patrick Pageard, son trésorier qui pointe aussi toute la chaine spécialisée à mettre en œuvre : de la fabrication à la livraison. Réglementairement, l’Union européenne autorise un fabricant d’aliments composés à les utiliser dans la mesure où « les procédés de fabrication et leur utilisation n’a rien à voir avec ce qui se faisait dans les années 1990 », assure-t-on au SNIA. Reste que les contraintes techniques d’utilisation restent complexes et lourdes. « Le tissu industriel peut-il et veut-il valoriser ces PAT ? Quel est l’intérêt économique ? Les clients en voudront-ils ? », interroge Ludovic Michel qui assurent que toutes ces interrogations sont « en cours d’instruction ». Presque 30 ans après la vache folle, le spectre des farines animales bouge encore.