Vendanges 2022
Avec l’Union viticole, le préfet veut accélérer sur l’emploi et les fermages

Cédric MICHELIN
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Le 6 septembre à La Chapelle-de-Guinchay, au Domaine des Bruyères, le préfet de Saône-et-Loire et ses services ont répondu à l’invitation de l’Union viticole pour faire un point sur les vendanges mais surtout sur les dossiers d’actualité et de fond : pénurie de main-d’œuvre, fermages viticoles, ZNT, explosion de la flavescence dorée…

Avec l’Union viticole, le préfet veut accélérer sur l’emploi et les fermages
Le député Dirx, le conseiller Cognard et le président de la Camval, Courtois, étaient présents lors de ces "vendanges" préfectorales, aux côtés de l'Union viticole.

Nicolas Durand et son fils venaient tout juste de finir de vendanger leurs 10 ha de vignes en appellations beaujolais (blanc, rouge, village), chénas, saint-amour, juliénas, moulin-à-vent. Le travail était encore loin d’être fini avec toutes les déclarations et feuilles de paies à faire ou vérifier, lui qui fait appel à un prestataire polonais, pour ses vendangeurs, depuis 2011. Mais, ce qui le préoccupait le plus était d’un autre ordre, sanitaire. « Nous sommes très impactés par la flavescence dorée. On est un peu pris au dépourvu car on a fait les traitements obligatoires. On a déjà fait une corvée pour arracher des ceps touchés avant les vendanges ». Un choix difficile, en dehors de la prospection collective qu’il ne va pas manquer de faire, mais mû par la volonté de « faire au mieux pour ne pas laisser se propager » la flavescence qui rend improductif et fait dépérir les pieds de vignes. Le directeur du Vinipôle et du service Vigne & Vin de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Benjamin Alban, montrait concrètement au préfet de Saône-et-Loire, Julien Charles, des pieds infectés dans une parcelle. Présent à ses côtés, le directeur de la DDT, Jean-Pierre Goron, approuvait le rappel des trois piliers de la lutte obligatoire : prospection, arrachage et remplacement par des pieds sains (traités à l’eau chaude).
Nicolas Durand exprimait toutefois son incompréhension face à des collègues encore trop nombreux « à prendre la flavescence à la légère », doutant de certains, refusant soit de traiter, soit de prospecter ou qui arrachent sans signaler. Président de l’Union viticole 71, Patrice Fortune pointait du doigt les pertes de production, économique et d’homogénéité de la parcelle, sans oublier le risque de devoir arracher si le pourcentage de pieds infectés dépasse les 20 %. Le conseiller départemental, Jean-François Cognard, était là pour rappeler l’aide à la replantation (2.500 €), mise en place en 2021 après le terrible gel, face aux différents dépérissements (jaunisses, Esca, BDA…) même s’il convenait que cela ne compense pas tout.

Plus de 500 positifs déjà

Président adjoint de la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne, Jérôme Chevalier rappelait la coordination nécessaire entre CAVB, Union des crus du Beaujolais (représenté par Nathalie Chuzeville, sa directrice), l’Interbeaujolais (représenté par Daniel Buillat, son président) mais également les services sanitaires (Sral) des deux départements ou encore des Fredon. Malgré bien des efforts, dix ans après son introduction en Saône-et-Loire, du côté de Plottes dans le Mâconnais Nord, la flavescence dorée est toujours là. « Comme après l’introduction du mildiou, il ne faut pas se mentir, la flavescence dorée sera toujours là », ne cache pas Benjamin Alban. « Et le pire arrive » dans certains secteurs avec déjà 500 prélèvements et résultats positifs cette année avant même la prospection collective. Nathalie Chuzeville alerte également l’État de ne pas « se décharger » : « on n’arrivera pas sinon à obliger les vignerons à prospecter, traiter, arracher », met-elle en garde. Car, l’histoire le prouve, avec cette maladie présente dans la moitié des vignobles de France, « malgré tous nos efforts, tous les ans, on en retrouve. Cela remonte en Côte-d’Or aussi et arrivera à Chablis sans doute », craint Jérôme Chevalier. Les instituts techniques travaillent sur des solutions de caméras embarquées - sur enjambeur ou drone - pour détecter en amont les premiers symptômes mais en attendant, seul un test PCR peut vraiment authentifier la flavescence. « Et on n’a toujours pas résolu le problème d’Esca » qui mobilisait la profession avant la flavescence dorée...

De moins en moins de vendangeurs
Nicolas Durand, à droite, et son fils, à gauche, ont exprimé leurs inquiétudes sur les sujets sanitaires et d'emplois.

De moins en moins de vendangeurs

Alors que les vendanges n’étaient pas totalement finies (sur les hauts, du côté de Lugny…), difficile pour l’heure d’avoir une évaluation quantitative de la vendange 2022. Elle sera meilleure en volume que 2021, mais moindre qu’espérée en juin. La faute à la sécheresse d’août. En revanche, la qualité sera bien au rendez-vous du Nord au Sud de la Saône-et-Loire avec partout des maturités exceptionnelles et des raisins parfaitement sains.
La vingtaine de vignerons présents est également sûre d’une chose : recruter des équipes de vendangeurs devient de plus en plus compliqué. Seul syndicat représentant la main-d’œuvre côté employeurs agricoles en Saône-et-Loire, l’Union viticole, accompagnée du service Emploi de la FDSEA, se démène pour trouver des solutions avec notamment son groupement d’employeurs (GED Agri Emploi Rural 71) et ses solutions emploi et paie. Mais les difficultés s’amplifient depuis la crise Covid, année qui a vu plus de départs en retraites que d’entrées sur le marché du travail. « On utilise les vendangeurs qu’on trouve et on essaye de les fidéliser », indiquait Patrice Fortune qui pointait ensuite les difficultés de logements en milieu rural : « les vendangeurs ne veulent pas aller au camping ou ce sont les campings qui les refusent » pour diverses raisons, surtout en pleine saison estivale et touristique. Les contraintes – « pire que pour un hôtelier » - pour héberger ses troupes sur l’exploitation étaient également rappelées par Denis Chastel-Sauzet, représentant main-d’œuvre. « On porte depuis quatre ans sur la possibilité de les accueillir sous tentes chez nous, mais on se fait retoquer par vos services, monsieur le Préfet », alors que ce dernier promettait de revoir au national, l’arrêté ministériel interdisant les « tentes de camping » en Saône-et-Loire, mais autorisé dans le Sud de la France… débutant dans le Rhône voisin. Julien Charles a un argument tout trouvé : « le changement climatique est susceptible de faire remonter le sud ». En attendant, c’est la débrouille de partout, de l’accueil de « camions pas jolis, caravanes… » un peu partout, sur les domaines, les chemins ruraux ou sur la voie publique.
Mais cette année, avec les vendanges débutant partout mi-août en France, la « concurrence » pour recruter des équipes de vendangeurs a été rude. Et de nombreuses mauvaises expériences ont été signalées avec des troupes ne venant pas et partant « en Champagne, qui payait plus ». Denis Chastel Sauzet rappelait toutefois que depuis la nouvelle convention collective nationale en agriculture, « chaque entreprise peut définir son salaire », sous-entendant à la hausse pour être plus attractif. Les « freins de la mobilité » sont aussi à lever, rajoutait Cécile Parent, responsable du service Emploi à la FDSEA 71, freins encore amplifiés cette année avec la hausse des carburants. Elle mettait également en garde sur les PSI, ces prestations étrangères, « aux prix déraisonnables et faisant courir un risque énorme aux vignerons », complétait Denis Chastel Sauzet, d’un point de vue déclarations sociales.
Ayant cherché à profiter du dispositif RSA vendanges lancé par le Département, la réalité a été plus rude dans les faits comme avec les services de Pôle Emploi : « 50 % ne se présentent pas le matin et le Département ne tient pas de listing des personnes touchant le RSA ». Un problème bien identifié et que le Département s’est engagé à résoudre. Pour Pierre-Yves Perraton, « la question est double : nos salaires sont-ils trop bas ou la soupe est-elle trop bonne à la maison ? ». Le préfet comprenait très bien sa remarque et attend justement de voir la réforme de l’assurance chômage qui devrait prioriser le travail à l’assistanat pour les personnes en capacité de travailler. Mais le préfet rappelait aussi les marchés en tension de plus en plus nombreux (hôtellerie, restauration, bâtiment, industries, tertiaire…) qui se font donc de la concurrence : « les bons ne restent pas sur la paille » sans travail, concluaient tous les présents, qui mesuraient bien ce changement d’époque.

Distorsions entre départements et régions

Distorsions entre départements et régions

Si bien d’autres sujets ont été abordés, le préfet s’est enquis de l’évolution des fermages. La réponse ne s’est pas faite attendre, tant la problématique « a pris une nouvelle dimension avec le gel 2021 ». Rentrant un peu plus dans le détail des modes de calcul, tous pointaient du doigt les différences de calculs entre département. L’Union viticole travaille « à les harmoniser ». Mais ce n’est pas la seule distorsion de concurrence, relevait Nicolas Durand. « Mon siège d’exploitation est en Saône-et-Loire. Je suis passé au travail du sol dans mes vignes mais je n’ai pas le droit aux aides pour m’équiper qui proviennent de la région Auvergne Rhône Alpes. Pourtant, les vendeurs ont senti l’aubaine et en ont profité pour augmenter les prix du matériel », constatait-il à regret.