Vinification du millésime 2024
Que vos levures « occupent le terrain »

Cédric Michelin
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Responsable agrométéo et des observatoires, SAQ notamment, Christine Monamy a tenu à faire un point sur la vinification du millésime 2024, qui pourrait être à l’image des grappes dans les parcelles, hétérogène et donc nécessitant une grande attention et quelques précautions.

Que vos levures « occupent le terrain »
Crédit photo : BIVB / Aurélien IBANEZ

En réunion prévendanges à Mercurey (lire notre précédente édition), tout le monde est d’accord sur la « grande hétérogénéité au sein d’un même cépage », que ce soit pinot noir ou chardonnay, principalement en Bourgogne. Et ce, sans compter entre et dans une même parcelle.

Comme le rappelait Christine Monamy, qui rédige le bulletin maturité du BIVB avec ses propres prélèvements et ceux des ODG, cette hétérogénéité s’est particulièrement observé depuis la véraison, autour du 19 août, qui a donc « eu bien du mal à démarrer ». En ce 4 septembre, de dernières baies n’ont pas encore véré mais « à 99 % si, mais que cela a été long ». Prenant pour référence les données centrales de Beaune, non loin des indicateurs pour la Côte Chalonnaise, la responsable faisait un point sur la maturité de nos deux grands cépages (lire notre précédente édition) qui ont subi une pression cryptogamique historique, avec des attaques de mildiou un peu partout surtout. À l’heure même du début des récoltes de raisin à base crémant, « surveillez bien vos pinots noirs, car certains présentent de premiers signes de flétrissement avec des grappes qui fondent dans la main ».

Tri nécessaire

C’est pour toutes ces raisons que Christine Monamy se permettait de redonner quelques conseils de vinification. Évidemment, l’objectif est d’avoir une vendange la plus saine possible, donc le tri semble indispensable cette année. « Après, si vous avez beaucoup de mildiou ou d’oïdium, il est toujours possible de faire un collage préventif ». En cas de récolte mécanique, il est déconseillé de sulfiter dans la benne directement, au risque de ne pas mettre la bonne dose et surtout d’avoir des vins plus légers et plus végétaux. Il est aussi possible d’utiliser des produits de biocontrôles, qui sont des levures non-saccharomyces « qui vont occuper le terrain » et empêcher le développement des levures saccharomyces le temps de rentrer la vendange en cuve. Dans ces dernières, le sulfitage est non obligatoire, mais a pour but principal d’éviter toute oxydation : « à adapter à l’état sanitaire ». Par contre, Christine Monamy rappelle que plus la dose de SO2 à l’encuvage est importante, plus « votre vin va vous en demander après ». De même, plus le pH est élevé, moins le SO2 est actif.

Des baies épaisses

Côté levurage, l’objectif est de dégrader tous les sucres. Pour cela, les levures sèches actives, le levain liquide ou votre flore indigène. « En flore indigène, cela ne veut pas dire, j’encuve et j’attends. C’est là où il y a le plus de risque ». Mieux vaut donc faire un pied de cuve la semaine avant et suivre le protocole en ligne de l’IFV. Il est également conseillé de faire des analyses de votre flore indigène en laboratoire, pour savoir si c’est bien des saccharomyces et en nombre suffisant « pour ne pas que cela patine » au démarrage. Et toujours, bien décaler le sulfitage du levurage, au minimum 12 heures si vous avez sulfité. Gare aux écarts de température (<10 °C) et « choc thermique » tuant vos levures. Vous pouvez aussi contrôler vos niveaux d’azote.

« Pensez enfin à bien aérer vers 1030-1050 de densité pour prolonger l’activité de vos levures ». Il faut donc bien remonter à l’air « au moins le volume de la cuve » pour garantir la bonne fin de fermentation.

En termes de débourbage, en vinification en blanc, le conseil est de le faire entre 100 et 200 NTU. « Plus la vendange sera altérée, plus le débourbage devra être serré pour éliminer un maximum d’éléments indésirables ».

En ce 4 septembre, les dégustations de baies « épaisses » et les tests d’extraction n’étaient pas faciles. « Il est préférable de faire des pigeages en début de fermentation pour avoir une extraction mécanique pour extraire les anthocyanes des pellicules » des baies et vite arrêter au moment de la fermentation alcoolique « pour ne pas extraire trop de tanins ». Mieux vaut passer sur des remontages, voire des délestages à ce moment-là.

En cas de degré élevé récolté, limiter la température vers 28 °C pour favoriser la fermentation et aider les levures « à aller jusqu’au bout, car l’éthanol est toxique pour elles ». Éventuellement, un rajout d’azote pour aller jusqu’au bout.