INTERVIEW
" La FCO provoque plus de mortalité sur les bovins et ovins adultes ”

Depuis un mois, l’explosion des cas de fièvre catarrhale ovine (FCO) de sérotypes 8 et 3 sur le territoire français inquiète les éleveurs ovins et bovins. Emmanuel Garin, vétérinaire épidémiologiste au sein du réseau GDS France, ainsi que Stéphan Zientara, directeur du laboratoire de santé animale de l’Anses, livrent leurs analyses et connaissances relatives à ces épizooties.

 " La FCO provoque plus de mortalité sur les bovins et ovins adultes ”

 Pourquoi les épizooties de FCO-8 et de FCO-3 s’expriment-elles si fortement durant la fin de l’été ?

Emmanuel Garin : « Ces maladies sont transmises par des culicoïdes qui sont difficiles à repérer, du fait de leur petite taille. Selon la température et le taux d’humidité, il faut 7 à 21 jours pour que le virus se soit suffisamment reproduit dans les glandes salivaires du moucheron, qui pourra alors le réaffecter à un animal. Nous considérons que la circulation virale commence début juin et se termine en décembre. Mais comme chaque année, les cas ont explosé durant les premiers jours du mois d’août, début de la phase épizootique. Nous nous attendons donc à ce que le nombre de cas infectés double tous les 4 à 6 jours. »

Stéphan Zientara : « Les mois de septembre et d’octobre permettent une amplification des vecteurs. À cette période, les conditions climatiques sont jugées adéquates, puisque l’humidité est présente et les températures sont chaudes, sans toutefois être caniculaires. »

 Les ovins et caprins sont-ils plus touchés par ces épizooties que les bovins ?

Emmanuel Garin : « Bien que la FCO touche les bovins, comme les ovins, les moutons se révèlent être plus malades. Chez les ovins, la FCO-3 et la nouvelle souche de la FCO-8 (lire par ailleurs) peuvent engendrer jusqu’à 70 % d’animaux malades au sein d’un même cheptel. La résistance dépend aussi de la comorbidité de l’animal. C’est pour cette raison que des compléments en sel et minéraux sont importants, puisque dans le cas d’infections virales, l’organisme est capable de mieux se défendre. Les bovins peuvent également être malades. Jusqu’à 30 % du troupeau peut manifester des symptômes, et même de la mortalité. Concernant la production laitière, nous observons une chute de lait. En 2023, des vétérinaires néerlandais ont suivi des troupeaux bovins laitiers infectés par la FCO-3. Ils ont ainsi observé qu’un troupeau de 100 vaches avait perdu en moyenne 1,2 litre de lait par tête pendant 80 à 90 jours. Nous avons également remarqué qu’à la différence d’autres maladies, la FCO provoque plus de mortalité sur les bovins et ovins adultes. Enfin, les caprins se révèlent être réceptifs au virus, mais peu sensibles, bien que cela n’exclut pas que certains animaux puissent être malades. »

Le sérotype 4, encore présent en Corse, représente-t-il une menace pour la zone continentale ?

Stéphan Zientara : « Ce sérotype a été détecté sur le continent en 2017, lorsque des bovins ont été importés de Corse vers la Haute-Savoie. Une vaccination en urgence avait été alors mise en place, après que quelques cas aient été identifiés dans le pays. Depuis, les services sanitaires n’ont remarqué qu’une trace génomique faible du virus sur le continent. Bien que cela ne soit pas encore prouvé de façon indiscutable, tout laisse à penser que la FCO-4 n’est plus présente, excepté en Corse où elle a été détectée récemment. »

Quels types de vaccins sont utilisés contre les différents sérotypes de la FCO ?

Stéphan Zientara : « De 2001 à 2003, les vétérinaires utilisaient des vaccins vivants contre la FCO. Le virus était volontairement transmis un grand nombre de fois, afin qu’il puisse se multiplier dans l’organisme, sans pour autant rendre l’animal malade. Mais les nombreux effets secondaires de cette méthode a fini par poser des problèmes aux éleveurs. Dorénavant, les vaccins utilisés sont dits « inactifs », c’est-à-dire que le virus est préalablement tué grâce à des produits chimiques, afin qu’il ne puisse pas se multiplier. Ce qui n’empêche néanmoins pas le système immunitaire de produire des anticorps qui serviront à protéger l’animal contre le virus. Chez les bovins, la primovaccination nécessite deux injections, tandis que les moutons n’en ont besoin en général que d’une seule. Certains vaccins protègent à la fois de la FCO-4 et de la FCO-8, dont la nouvelle souche 2023, mais pas de la FCO-3, qui nécessite un vaccin à part entière1. Il faut également rappeler que lors d’une vaccination, il est nécessaire d’attendre 10 jours avant d’effectuer un test PCR, le temps que le vaccin ait été éliminé par l’organisme. »

Outre le recours à la vaccination, quelles recommandations pouvez-vous donner aux éleveurs ?

Stéphan Zientara : « Un animal en bon état physiologique va plus facilement passer le cap de la maladie, tandis qu’un animal maigre et déjà malade va avoir plus de mal à combattre l’infection. En cas de maladie avérée, l’éleveur peut administrer un traitement symptomatique, afin que l’animal passe le cap de la maladie dans de meilleures conditions. Il n’existe pas de molécules anti-FCO. Au pré, un traitement anti-insecticide diminue le risque de piqûre, mais son efficacité n’est pas totale et ne dure que quelques jours. » n

Propos recueillis par Léa Rochon

1 - Le vaccin Bultavo 3 du laboratoire Boehringer Ingelheim permet de vacciner les ovins (une dose) et le vaccin Bluevac 3 du laboratoire CZV permet de vacciner les bovins et les ovins (deux doses chacun délivrées à trois semaines d’intervalle). Pour les deux vaccins, l’immunité s’installe complétement 21 jours plus tard.
Stéphan Zientara est directeur du laboratoire de santé animale de l’Anses. ©Anses