Crise agricole
La France emmurée dans ses contradictions
La semaine dernière, les manifestations se sont poursuivies aux quatre coins de la Saône-et-Loire. Le 27 novembre à Charolles, le 28 à Blanzy et Mâcon. Partout le même message pour « simplifier » le travail des agriculteurs, à commencer par la « paperasserie ». L’Etat était naturellement visé, mais aussi la MSA, le Trésor Public, le Conseil Régional et l’OFB. Ces deux derniers avaient même droit à des bonus.
Évidemment, les fonctionnaires — de l’État, des collectivités ou des services publics – sont des employés chargés de faire un travail dicté par les lois. Mais à l’image du pouvoir judiciaire, il y a dans la loi : la lettre et l’esprit de la loi, désignant l’attitude de tout un chacun à respecter la loi ou à la faire respecter. Et les syndicats agricoles mesurent bien ces subtiles différences qui s’opèrent au fil du temps et des politiques. Le premier représentant de l’État dans le département, le Préfet est l’exemple emblématique qu’un même poste peut être occupé par différentes personnalités, plus ou moins avisé des sujets agricoles et montrant plus ou moins de volonté à s’en saisir. La profession a trouvé un préfet, Yves Séguy « à l’écoute » des revendications syndicales depuis les manifestations notamment.
Lors des manifestations de la semaine dernière, FDSEA et JA de Saône-et-Loire ne voulaient nommer aucun fonctionnaire personnellement, ni dégradé de biens, ni même endommager la voie publique. Promesse tenue et respectée. Mais, la profession voulait toutefois faire remarquer qu’elle n’est pas dupe et lit « clairement » le jeu de certains « militants » qui n’ont pas lieu d’agir ainsi en tant que salarié de la fonction publique. C’est une question de déontologie.
Pour autant, il ne faut pas confondre non plus lorsqu’il s’agit de la responsabilité supérieure du Gouvernement, des parlementaires ou des élus. Les fonctionnaires ne faisant qu’exécuter. Ainsi, les « murs de la colère » s’adressaient plus aux lois contradictoires ou irréalisables. Devant l’Office Français de la Biodiversité à Blanzy, la mise en place d’un filet dit « de protection » dans le langage administratif venait en réalité dénoncer la « cohabitation impossible » de l’élevage bocager d’excellence génétique avec un prédateur tel que le loup réintroduit à dessein. Idem pour le symbole d’une haie dressée à la va-vite pour signifier qu’une haie n’est pas une « aménité positive », une « infrastructure écologique »… comme les décrivent les théoriciens. Plus personne n’est capable de dire si un fossé est un cours d’eau ou inversement. C’est ainsi qu’il faut lire le « Stop aux contraintes environnementales », écrit sur le mur à Blanzy. 80 agriculteurs œuvrent plus pour l’environnement que des milliers de « militants » à Paris. Sans oublier la nourriture et les plaisirs qu’ils produisent pour des Français qui les soutiennent à 90 %.
Autre organisation spécialement visée en Saône-et-Loire, le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté qui mérite bien un « mur de colère », lui, compte tenu de sa gestion calamiteuse des dossiers Feader. Preuve que tout n’est pas simple, ni simpliste, la DDT et chambres sont venus débloquer bien des dossiers de subvention ou d’installation. Reste que la Région BFC ne doit pas jouer au chat et à la souris avec les syndicats. Les manifestants à Dijon lors de la dernière session régionale ont demandé que l’instruction des dossiers « s’accélère », comme l’indiquait le mur bloquant l’accès de l’antenne à la gare de Mâcon. Les agriculteurs et notamment les jeunes en attente de leur DJA veulent que des moyens supplémentaires soient mis en œuvre.
La simplification censurée ?
À Charolles, 80 agriculteurs ont construit le « mur de la simplification » qui est resté longtemps debout jusqu’au lundi suivant. De quoi rappeler toutes les propositions de simplification administrative faites par les syndicats majoritaires. Sauf qu’encore une fois, en ce 2 décembre, après la dissolution de l’Assemblée nationale au soir des résultats aux élections Européennes qui avait retardé les solutions proposées post-manifestations de janvier, c’est une motion de censure qui est venue menacer le Premier Ministre. Si la menace est mise à exécution, c’est à nouveau l’agriculture française qui en subira les conséquences en premier, en renvoyant aux calendes grecques les avancées agricoles contenues dans le projet de loi de finances 2024.
Décidément, c’est l’agriculture qui paie le plus lourd tribut de cette « quatrième République » du XXIe siècle qui plonge la France toujours un peu plus vers une crise irrémédiable. Pas étonnant après que la simplification administrative n’avance pas en France avec des charges toujours plus élevées. D’ailleurs, plus aucun parlementaire ne parle des économies à faire côté fonctionnement public dans le PLF-SS mais juste des nouvelles taxes et impôts à lever côtés contribuables et entreprises. La plus sûre façon de se tirer une balle dans le pied et creuser encore longtemps la dette Française.
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