Moissons 2024
Les coopératives s’attendent à des lendemains difficiles
Après une année très morose, la Coopération agricole métiers du grain essaie d’anticiper les soubresauts à venir. Son président, Antoine Hacard propose la mise en place d’un plan de modernisation des silos et la fin de la séparation vente/conseil.
« Oui, clairement, des coopératives sont en difficulté financière, dans certains d’entre elles, on sent la situation se durcir », a admis Antoine Hacard, président de La Coopération Agricole métiers du grain (LCA-MG), qui pointe une « décroissance » quasi structurelle dans le secteur. « Cette décroissance a commencé et c’est douloureux », a-t-il ajouté. Le milieu coopératif, comme d’autres activités agricoles et commerciales, a subi depuis quelques années les effets du « mur de l’inflation ». Le transport routier a été multiplié par deux depuis 2020, le coût de l’énergie a augmenté de 30 % depuis la même date et enfin, depuis 2021, le coût de la masse salariale s’est élevé de 12 %. Tant et si bien que « l’augmentation des charges fixes a entamé les marges des coopératives de 50 % ». Rien que cette année, ce sont 300 millions d’euros que l’ensemble des coopératives ont perdu en raison des mauvaises récoltes. « Nous en avons subi d’autres auparavant, comme celle de 2016, mais le contexte était différent ». Aujourd’hui, la collecte-approvisionnement est en souffrance en raison justement de ce mur de l’inflation. Le président de LCA-MG n’exclut pas que certaines coopératives puissent recourir au chômage partiel, car certaines ont perdu entre 30 % et 40 % du volume de grains récoltés. À ce titre, Antoine Hacard fustige ouvertement « le manque de solutions techniques » qui auraient permis, cette année, de limiter la casse. En raison du retrait de certaines matières actives (phyto), les maladies ont eu raison des grains. De même, la qualité des moissons a eu à pâtir du « manque de solutions de désherbage », a-t-il souligné. « La nature ne donne pas spontanément de bonnes récoltes. C’est là tout le travail de l’agriculteur », a-t-il insisté.
« Surréglementation inutile »
C’est dans ce contexte que LCA-MG demande d’abroger la loi sur la séparation vente/conseil, une règle, selon lui, « totalement incohérente et inapplicable ». Il cite ainsi l’exemple du prosulfocarbe qui fait l’objet d’un mode d’emploi assez pointu (buses anti-dérives, pas de vent…) pour son utilisation. « Les coopératives sont interdites de diffuser ces bonnes pratiques », se désole-t-il, pointant une « sur réglementation inutile ». De même, pour rendre les coopératives plus compétitives, il propose « l’extension du dispositif Aval aux oléagineux ». Autrement dit que la caution de l’État qui pèse sur les stocks de céréales (pour financer leur immobilisation) profite également aux stocks des oléagineux. Cette garantie existe depuis les années 1960, « elle n’a rien coûté à l’État. Il n’a subi aucune perte. C’est un système robuste et fiable », a indiqué Antoine Hacard. Une demande de l’extension de cette garantie aux oléagineux a été adressée lors du dernier conseil spécialisé FranceAgriMer, mi-septembre. Une réponse est attendue courant 2025. Enfin, le président de LCA-MG a présenté son plan de résilience, « Infrastructures 2030 » pour moderniser les silos et coller au mieux à la transition agroécologique. Pour ce faire, une étude a été lancée afin de chiffrer le besoin en investissements et « aller demander une enveloppe budgétaire ». Il est également prévu la mise en place de cartographies dynamiques, non seulement pour disposer de données consolidées, mais aussi en vue de construire des modèles prédictifs. Ce projet regroupe les instituts techniques, les interprofessions ainsi que les pouvoirs publics*. Pour décarboner l’agriculture et les métiers du grain, il faudra aussi faire avancer le dossier des NGT/NBT a plaidé Antoine Hacard.
(*) Ministères de l’Agriculture, de la Transition écologique, de l’Économie et des Finances.
BFC : une actualité préoccupante pour les éleveurs, céréaliers et viticulteurs
Le bureau de rentrée de la chambre régionale d’Agriculture était particulièrement studieux ce 16 septembre, sur fonds d’inquiétude pour les éleveurs et les céréaliers de notre région. Trois invités — le président du GDS BFC, le directeur d’Alliance BFC et la directrice régionale de l’ASP — sont intervenus pour faire un point de conjoncture. Pascal Martens, président du GDS BFC et 1er Vice-Président de GDS France, a alerté sur la situation sanitaire et sur son évolution sur les prochains mois, en étant particulièrement inquiet pour les éleveurs dépendants des ventes de broutards : « Notre région se situe au triangle des Bermudes des trois maladies : le sérotype 8 qui arrive par le sud, le sérotype 3 par le nord, et la MHE ». L’impact sanitaire pourrait être majeur d’ici à la fin d’année et décimer des cheptels entiers. Il réitère l’importance de la vaccination, notre région bénéficiant de la gratuité du vaccin FCO-3 depuis début août. En complément, il appelle à la responsabilité de l’ensemble de la filière, et chacun à être particulièrement vigilant lors de rassemblements d’animaux pour limiter les risques de diffusion de la maladie et éviter de ramener la maladie sur notre territoire.
Ensuite, Christophe Richardot, directeur général de Dijon Céréales et d’Alliance BFC, a fait le point sur la récolte des céréales de notre région : « La situation est très moyenne. On passe, au regard de ces dernières années et pour certains exploitants, de difficultés conjoncturelles à des difficultés structurelles ». Les blés présentent des rendements et des qualités très disparates ; les rendements en orge sont réduits de moitié dans certains secteurs. La perte de rendement est de 10 % pour Dijon Céréales, et les pertes au niveau national sont sans précédent, de -10 M de tonnes. Au regard de cette situation morose, il souligne les enjeux pour les prochaines années de développement de projets de diversification, tels que la méthanisation, l’agrivoltaïsme.
Après un tour de table dans chacun des départements, les élus du Bureau réitèrent leur attente forte d’un soutien financier par les pouvoirs publics.
Après ces deux interventions très suivies et particulièrement appréciées des élus, le président Christian Decerle a accueilli la nouvelle directrice régionale de l’ASP, Mme Lime, en poste depuis mars 2024. L’occasion pour la directrice de notamment faire un point précis sur le Feader. Au vu du nombre de dossiers restant à payer dans les prochains mois, l’inquiétude des élus demeure sur la capacité du conseil Régional à instruire l’ensemble des dossiers issus de l’ancienne programmation. La chambre régionale invite une nouvelle fois les agriculteurs concernés à suivre attentivement leur dossier et ne prendre aucun retard dans l’envoi de pièces administratives, qui serait préjudiciable au paiement effectif de leur projet.
Lors d’une autre réunion, au Domaine de Belleverne-Bataillard à La Chapelle-de-Guinchay, l’eurodéputée Valérie Deloge a rencontré plusieurs vignerons à l’invitation de l’Union viticole de Saône-et-Loire. Il en ressort que les vendanges « résonnent cette année d’une tout autre émotion : la colère ! », note l’éleveuse de Bresse. En effet, elle constate, comme tous, que la récolte s’annonce « catastrophique avec des volumes largement inférieurs à la normale ». Les causes sont connues : gel tardif, grêle et maladies ravageuses. Pour l’heure, elle appelle à « mettre fin à la stigmatisation du vin » et à repenser les normes environnementales qu’elle qualifie plus globalement « d’écologie punitive ». Valérie Deloge siège à la commission Agriculture et à celle sur l’Environnement au Parlement européen.
Quelques chiffres sur les métiers du grain
La Coopération Agricole métiers du grain (LCA-MG) représente 70 % de la production de semences et de la collection de grains de France. Les 207 coopératives qui emploient 40.000 salariés, de la production à la distribution en passant par la transformation, dégagent 55,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an. Elles représentent aussi 30 % du volume de grains exportés à l’international.
Nutrition animale : « Valoriser chaque grain »
Ce n’est un secret pour personne, cette rentrée est marquée par une récolte céréalière décevante, avec des volumes de blés en net retrait par rapport aux années antérieures et des qualités hétérogènes. Au-delà, si la récolte fourragère s’annonce meilleure en volume que l’an dernier, les conditions météorologiques du printemps et du début de l’été n’ont pas été favorables à la qualité des foins sur une très grande partie de la France. Par ailleurs, elles ont retardé les semis de maïs, ce qui ne manquera pas d’impacter la qualité des ensilages.
Si la baisse des volumes de céréales disponibles ne doit pas avoir de réels impacts sur notre secteur, qui représente le premier utilisateur de céréales sur le marché intérieur avec 9 à 10 millions de tonnes de céréales consommées annuellement, les formules devront intégrer les hétérogénéités de qualité rencontrées sur le terrain.
Aussi, cette année plus que jamais, les coopératives de nutrition animale seront aux côtés des éleveurs pour valoriser au mieux les céréales disponibles dans les fermes et sur le marché en adaptant les aliments à la qualité des ressources fourragères de chaque exploitation. Plus que jamais, ce savoir-faire inhérent à notre métier sera mobilisé pour accompagner au quotidien la performance technique, économique et environnementale des élevages et permettre la pleine valorisation de matières premières qui seraient difficilement valorisables en alimentation humaine.
Ce rôle pivot de notre secteur dans l’accompagnement des transitions des filières animales et végétales, sera, le 7 novembre prochain, au cœur des débats de notre Convention annuelle, sur le thème « Transitions et souveraineté : pour un pack gagnant avec la Nutrition animale ». Nous vous y attendons nombreux !
David Saelens, président de la section Nutrition animale à la Coopération agricole