Elvéa 71-58
Elvéa 71-58 : faire face à la décapitalisation
L’érosion du cheptel de production était la toile de fond de la dernière assemblée générale d’Elvéa 71-58. Alors que la marchandise tend à se raréfier, les industriels pensent à sécuriser leur approvisionnement par tous les moyens. La Région soutient l’engraissement et Elvéa entend bien faire bénéficier ses éleveurs de la nouvelle aide. A l’heure où les signaux de marché sont au vert, les éleveurs sont en position de force pour défendre les prix de revient.
Elvéa 71-58 a tenu son assemblée générale le 20 septembre dernier à Oudry. Cette association destinée aux éleveurs –qui commercialisent leurs animaux auprès de privés– compte aujourd’hui 447 exploitations adhérentes en Saône-et-Loire et dans la Nièvre. Un chiffre qui progresse depuis 2022 et qui s’accompagne d’une hausse du cheptel correspondant atteignant 42.600 vaches au 1er janvier 2024. « Elvéa 71-58 est l’une des rares organisations de producteurs en France à augmenter son nombre de vaches et son nombre d’adhérents », saluait le président d’Elvéa France Philippe Auger.
Filières et services
Cette percée s’explique notamment par les filières et les services que l’association tient à la disposition de ses adhérents. À l’instar d’autres modes d’organisation de producteurs, Elvéa donne accès aux label rouge Charolais Terroir, IGP Charolais de Bourgogne, AOP Bœuf de Charolles et à d’autres filières certifiées en gras comme en maigre. Elle possède aussi une copieuse carte de services comprenant aide à la déclaration Pac, cahier d’épandage et nombreuses prestations administratives. Elvéa réalise le diagnostic Boviwell, le bilan carbone CAP2ER, elle détient un plan sanitaire d’élevage et son propre logiciel de gestion de troupeau.
Le développement d’Elvéa s’accompagne d’une hausse de son chiffre d’affaires d’année en année et elle peut se targuer de pouvoir présenter des comptes équilibrés et bien tenus. Pour compenser la hausse des charges résultant du développement de l’activité, l’association a tout de même dû augmenter le montant du forfait d’adhésion de 10 € passant ainsi de 100 à 110 € pour un naisseur ou un naisseur-engraisseur.
48.000 vaches de perdues en 24 ans !
La bonne santé d’Elvéa est d’autant plus méritoire qu’elle intervient malgré une décapitalisation qui se poursuit. La Saône-et-Loire a perdu 10 % de ses naissances depuis six ans, rappelaient les techniciens d’Elvéa. Ce nombre est passé de près de 230.000 en 2000 à un peu plus de 180.000 en 2024 avec une tendance similaire dans la Nièvre. Cette décapitalisation est une vraie inquiétude. Au point que « les négociants risquent demain de trouver plus difficilement les lots de broutards dont ils ont besoin », prévenait Jean-Michel Morel. Les entreprises de commerce de bétail se restructurent. Dans la viande, « un gros abatteur français » envisagerait même « l’intégration » pour sécuriser son approvisionnement, révélait Philippe Auger.
À l’heure où la part de l’importation de viande est remontée à 25 % et au regard de la pyramide des âges, « il faudra bien sécuriser les choses », estimait Jean-Michel Morel. C’est non seulement une question de souveraineté alimentaire — pour que les gens mangent à leur faim — mais aussi d’indépendance, ajoutait Philippe Auger.
Aide à l’engraissement
C’est « un plan de relance de l’élevage » dont il y a besoin et c’est ce qui avait été défendu par la profession lors des manifestations de l’hiver dernier, rappelait le président de la FDSEA Christian Bajard. Pour compenser l’érosion des cheptels, conserver les outils d’abattage et garder la valeur dans les départements, une aide à l’engraissement a été obtenue de la Région. Pour l’heure, cette aide s’adresse aux adhérents des coopératives du territoire. Mais les adhérents d’Elvéa bénéficieront prochainement, eux aussi, de ce nouveau dispositif, informait Jean-Michel Morel. Pour ce dossier, l’association s’est rapprochée de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire. C’est elle qui va accompagner Elvéa et ses adhérents pour accéder à cette aide, confirmait le président Bernard Lacour. « Le but, c’est d’être à côté de jeunes, par exemple, qui souhaitent avoir moins de vêlages et plus d’engraissement. L’esprit de l’aide, c’est de faire revenir de l’argent dans les exploitations », expliquait Bernard Lacour. Cette aide à l’engraissement sera conditionnée à un certain nombre de règles. Car « la Région voulait que ce soit fait correctement », complète le président de la chambre d’Agriculture.
« Vendre nos animaux au prix qu’on les produit »
« Tous les signaux de marché sont aujourd’hui au vert », faisait valoir Jean-Michel Morel. Le manque d’offre maintient la tendance et la décapitalisation est beaucoup plus forte que la baisse de la consommation, et ce, en dépit d’une inflation de + 1 € au consommateur », rappelait le président. Bref, il faut plus que jamais « défendre le prix des animaux qu’on vend », poursuivait-il. N’en déplaise à tous ceux qui persistent à faire courir des contre-vérités commerciales, « on vend encore en dessous du coût de production. Il faut vendre nos animaux au prix qu’on les produit », martelait Jean-Michel Morel.
Agrivoltaïsme : le défi du « partage de la valeur »
L’assemblée générale était suivie d’une intervention sur l’agrivoltaïsme. Laurent Perno de Crédit Agricole Transition et Énergie a rappelé la définition de l’agrivoltaïsme qui suppose nécessairement la présence de surfaces agricoles exploitées. « L’agrivoltaïsme doit contribuer à l’activité agricole », rappelait-il. Estimant que l’agrivoltaïsme « ne sera pas facile » sur certaines cultures, Laurent Perno se disait en revanche convaincu que « l’élevage peut être un bon vecteur », en particulier pour des ovins. L’agrivoltaïsme ne pourra pas être installé partout ; « certaines zones n’auront jamais de panneaux », tempérait l’expert. Seulement 0,30 à 0,45 % de la SAU française pourrait accueillir de l’agrivoltaïsme, ce qui équivaut à 80-120.000 hectares, estimait-il.
Le partage de la valeur est l’un des grands enjeux de l’agrivoltaïsme. Pour Laurent Perno, ce partage doit concerner l’actionnaire, le propriétaire foncier, l’exploitant et même tout l’écosystème agricole du territoire et tous ses acteurs… Ainsi, selon les cas, l’exploitant peut-il seulement percevoir une indemnisation ou être carrément actionnaire de l’actif… « Il faut bien regarder la place qu’on vous donne dans le montage de l’opération », incitait l’expert qui qualifiait le modèle actuel de « transitoire » en attendant une nouvelle formule protégeant davantage l’agriculteur avec une évolution du bail rural… Un nouveau cadre législatif qui a pris du retard en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale.
Sécuriser l’exploitant et le propriétaire
Ce cadre plus sécurisant pour l’exploitant et le propriétaire, la profession s’est mobilisée pour le défendre. De prime abord, elle n’était pas favorable au photovoltaïsme sur des parcelles Pac, rappelle Bernard Lacour. Mais le développement de l’agrivoltaïsme est devenu une volonté des pouvoirs publics. Devant l’appétit de la cinquantaine d’opérateurs commerciaux qui se sont mis à sillonner le département, et au regard de l’opacité des règles sur l’agrivoltaïsme, avec notamment ce statut précaire qu’est le bail emphytéotique, chambre d’Agriculture, FDSEA et JA se sont saisis du dossier, expliquait Bernard Lacour. La profession tenait à ce que l’opportunité photovoltaïque profite à tout le monde et que les agriculteurs soient mieux protégés dans les projets. Elle a notamment milité pour un bail rural plus protecteur. Soucieuse que l’activité agricole demeure l’activité principale de l’exploitation, la profession a exigé une limite de puissance installée par agriculteur de 12 MWc. Pour éviter que certains agriculteurs soient privés d’agrivoltaïsme, faute d’être bien situés, Chambre d’agriculture, FDSEA et JA ont aussi défendu un fonds de compensation destiné à « mutualiser le coût du raccordement ».