Vendanges 2024
Une année de Bourguignon, la Saône-et-Loire s’en sort avec les honneurs
Toute la France viticole est unanime sur le sujet, la campagne 2024 aura été éprouvante. La Bourgogne et la Saône-et-Loire ne font pas exceptions. Après une floraison difficile et un record de pluie, provoquant un record d’attaques de mildiou, c’est le retour des pluies en pleines vendanges qui a retardé les maturités. Heureusement, le vent du nord a permis de concentrer et récolter des raisins qui devraient, au final, donner des vins équilibrés. Ce qui n’est pas le cas plus au nord de la Bourgogne.
« La Côte Chalonnaise est bénie des Dieux » ; « On s’en sort plutôt bien » ; « On a au final de bonnes surprises »… Lorsqu’on interroge, du nord au sud, les responsables des crus de Saône-et-Loire ou les principaux acteurs économiques, le soulagement se fait sentir même si des nuances sont rapidement apportées.
Si tout le monde a vécu une année éprouvante, marquée par un temps froid lors de la floraison qui a causé des coulures, et des pluies incessantes quasiment qui a provoqué des attaques de mildiou records, les vendanges sont revenues à un calendrier « normal de Bourguignon ». Comprendre en septembre et non plus en plein mois d’août comme ces dernières années, en raison des chaleurs et sous une météo caniculaire. Pour autant, les vendangeurs et les vignerons n’ont pas été au bout de leurs peines avec un mois de septembre où la pluie s’est invitée. Se posant alors la question de « l’éternel dilemme » entre attendre la maturité optimale et craindre de voir l’emporter la pourriture dans ce combat épique.
Commençons par le sud de la Saône-et-Loire. Président du cru saint-véran, Vincent Nectoux fait le constat que dans l’ensemble, « sur Prissé, cela s’est bien passé. Sur Davayé, c’est plus faible et au Sud de l’appellation, la grêle avait frappé ». De quoi conclure que tout ceci donne des résultats « très hétérogènes » en termes de rendements et qu’il n’y a pas une seule tendance en la matière. Pour autant, le vent du Nord, la bise, « a fait du bien pour que les raisins mûrissent sans pourriture et pour concentrer les grumes ». Résultat, aucun souci pour atteindre les degrés minimums de l’appellation. « Il fallait être patient » même si cela dépend de « la situation sanitaire qui était différente d’une parcelle à l’autre » et selon la charge. La fermentation suit son cours et « avance doucement, mais sûrement ». Les analyses pointent un « bon équilibre naturel qu’on n’avait pas ces dernières années », plutôt des millésimes solaires chargés en sucre. Là les acidités sont présentes « juste ce qu’il faut » et les aromatiques « goûtent bien ». En ce 1ᵉʳ octobre, le président de la cave des Vignerons des Terres Secrètes, Michel Barraud est comme ses collègues en train de ranger son hangar et son bureau. Les récoltes sont terminées et se sont « plutôt bien passées » malgré d’important cumul de pluie : 100 mm d’eau sur certains secteurs compliquant la vendange. Heureusement, le « vent a assaini » et les raisins ont « mûri gentiment », même s’il a fallu « patienter pas mal ». Au final, un coup d’« accélération » avant de nouvelles pluies du 25 septembre, aura permis de tout rentrer. « On a de bonnes surprises et de moins bonnes ». En chardonnay, la maturité est « bonne » et les degrés « corrects », atteignant les standards de l’appellation. Reste que sur la cave de Prissé, les coopérateurs vont compter entre « -10 et -30 % de pertes » de rendements, même si certains arrivent à faire le plein. « Loin donc de la catastrophe crainte ». La mauvaise surprise vient des pinots, « plutôt faibles entre 35 et 40 hl/ha » alors que tous tablaient sur 50 hl/ha avant les vendanges. Coulures, filage, mildiou… ont « grignoté » bien des secteurs. Par contre, les pinots comme les gamays présentent de « belles maturités et de belles couleurs ». En gamay aussi, « l’aspect visuel de raisin lourd faisait espérer, mais au final, il n’y avait pas tant de grumes ». En ce 1ᵉʳ octobre, la cave faisait de premiers décuvages et les premières dégustations confirment que cela « va faire un bon millésime en blanc comme en rouges ». À confirmer lors des prochaines dégustations puisque les fermentations suivent leurs cours.
Lugny et Viré-Clessé en cours
Dans le Mâconnais nord, l’heure n’était pas encore à souffler. Président de la cave de Lugny, Marc Sangoy avait fermé la cave en ce nouveau jour de pluie ce 2 octobre. Les vendanges touchent presque à leur fin, prévue ce jeudi toutefois. Les pinots et gamays étaient pourtant finis depuis longtemps. « Ils avaient depuis le début 3 degrés de plus que les chardonnays ». Alors qu’il est encore trop tôt pour arrêter les chiffres, les premiers retours des pressoirs laissent craindre une moitié de récolte en rouge et -10 à -20 % en blanc. « C’est très hétérogène et certaines exploitations ont jusqu’à 60 % de pertes », ne sous estime-t-il pas les écarts. « Le mildiou a fait beaucoup de mal ». Président du cru viré-clessé, Benjamin Dananchet fait les mêmes constats, à une nuance près : « tous les domaines n’ont pas commencé à vendanger », comme le veut presque la tradition du cru d’être les « derniers ». Les coups de sécateurs devraient résonner dans les vignes jusqu’au 10-15 octobre. « Ils prennent un risque, mais cela peut aussi faire plus de rendement ». Car l’appellation table sur une perte de -20 % à ce stade aussi en raison du mildiou « qui a fait beaucoup de mal », lui qui est en bio et qui a dû lutter toute l’année, un peu plus encore qu’en conventionnel, pas plus épargné. « On a des belles charges et des raisins bien en chair, mais pas de jus » et il faudra donc attendre les déclarations de récolte pour tirer un bilan définitif.
Du côté de l’Union des producteurs de vins Mâcon (UPVM), un sondage a été envoyé pour faire des estimations.
Une année à 13 lunes
À Mercurey, comme sur le reste de la côte chalonnaise, « les vignerons ont très bien travaillé et les raisins étaient magnifiques en rouge et en blanc », félicite Amaury Devillard. Lui qui a des vignes en Côtes de Beaune et de Nuits, le président du cru mercurey estime même que la côte chalonnaise dans son ensemble a été « bénie des Dieux » en cette année à forte pression sanitaire. Reste une « hétérogénéité » des rendements allant de -30 à -50 % en raison, selon lui, « du double des précipitations habituelles lors de la fleur ». Mais au final, les petites grappes ont de belles couleurs. Le travail de vinification fait ressortir de « beaux équilibres ». « On est sur un millésime bourguignon, jusqu’à 12.5-13 °, pour des vins qui seront beaux et digestes », appréciant visiblement moins les derniers millésimes solaires. En mercurey blanc, « quelques chaptalisations seront peut-être nécessaires » mais dans l’ensemble, là aussi, « c’est très beau ». Finalement, « août et son beau temps a fait le millésime et le vin. Les vignes ont reçu beaucoup d’eau et pourtant n’ont jamais eu les pieds dans l’eau » à Mercurey.
Son confrère président de Bouzeron, Pierre de Benoist voit là l’influence d’une année bissextile à treize lunes. « Bouzeron va tirer son épingle du jeu », a-t-il été patient. Même si « l’aligoté pourri de peur », la semaine du 10 au 18 septembre a permis « d’épaissir et d’attendrir les raisins ». Il prévient : « il y en aura peu, mais c’est très beau » à condition de débourbages « rigoureux ». À Rully, David Lefort imagine déjà un beau millésime 2025 si les années en 5 se confirment puisque le « feuillage n’est pas cramé » à date. À Rully, « tout le monde a réussi à vendanger entre le 12 et le 22 septembre avec la bonne lune », même si le temps séchant à là encore « réduit les volumes ». La qualité est « correcte » avec des sucres « pas trop élevés » et de « belles acidités ».
Du côté des Maranges, Stéphane Monnot a vu le début des vendanges de la côte de Beaune autour du 14-15 septembre, étalé jusqu’au week-end suivant pour les pinots annoncés à un tiers du rendement. Il craint aussi une moitié de récolte en chardonnay, mais de façon « aléatoires » selon que le gel, le froid à la fleur, le mildiou ou l’oïdium ont malheureusement fait leurs œuvres.
À la cave de Buxy, la campagne 2024 s’est achevée. Ces vendanges ont été « denses et exigeantes, rythmées par une météo contrastée ». Les volumes affichent une baisse de 30 % en moyenne sur l’ensemble des AOC récoltées. La « déception est palpable » chez les vignerons qui n’avaient pas ménagé leurs efforts « intenses » tout au long de l’année. « Mais la bonne coordination des services, la création d’un groupe Whatsapp Vendangeurs ont permis de piloter l’arrivée des apports en visant dans les fenêtres météo les plus clémentes, mais quelle année ! » Les premières constatations de l’œnologue des Millebuis, Alain Pierre, annoncent cependant des chardonnays expressifs sur une large palette d’agrumes et ciselés avec une belle longueur, des aligotés précis et aromatiques et enfin des pinots noirs profonds avec une belle structure, une palette aromatique sur des notes de cerises et framboises sur des tanins de velours.