Social
Femmes et agriculture, des avancés sociales à poursuivre
Nombre de cheffes d'exploitations en stagnation, tâches genrées, charge mentale... Les agricultrices sont encore trop soumises à leur genre à défaut de leurs compétences.
La place et la considération des femmes dans l'agriculture ont véritablement évolué en 1999, date de la création du statut de conjoint collaborateur permettant une reconnaissance professionnelle du travail des femmes et une amélioration de leur protection sociale. « Depuis, l’emploi agricole féminin a connu une transition vers des statuts reconnus comme celui de coexploitante ou de cheffe d’exploitation, délaissant le statut d’active familiale », mentionne la note Agreste du recensement agricole de 2020. Dès lors, la part d'agricultrices cheffes d'exploitation n'a de cesse d'augmenter. « Près d’une exploitation sur cinq est dirigée uniquement par des femmes. » Cette évolution est également le fruit de la transparence Gaec de 2015 qui reconnaît l'activité de la conjointe, comme du conjoint, au sein de la même exploitation. Malgré tout, le rapport du Sénat "Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l'égalité" d’octobre 2021 pointe encore des inégalités.
Abroger le statut de conjoint-collaborateur ?
Dans ce dernier, les sénateurs appellent à dissoudre le statut de « conjoint-collaborateur » le considérant bien trop inégalitaire « les femmes qui bénéficient de ce statut aujourd'hui ont un pouvoir de décision limité sur l'exploitation et cotisent très peu pour leur retraite dans le cadre de ce statut ». Il concernerait encore plus de 17 000 actifs agricoles selon le dernier recensement Agreste. De même, il subsistait encore en France entre 5 000 et 6 000 agricultrices sans statut en 2021, note le rapport du Sénat. Malgré leur reconnaissance et leur progression, le nombre d'agricultrices cheffes d'exploitations stagne depuis plus de dix ans aux alentours de 25 %. Parmi elle, 62 % exercent leur activité dans une entreprise sociétaire et 38 % exercent en individuelle. Et comme dans bien des domaines professionnels leurs revenus (assiette sociale) sont en moyenne 30 % inférieurs à ceux des hommes.
Au moment de s'installer, les femmes rencontrent également davantage de difficultés, liées à un accès plus difficile au foncier notamment. Les agricultrices françaises sont cependant de plus en plus entendues. Témoignant dans le cadre du rapport du Sénat, Jacqueline Cottier, alors présidente de la Commission des agricultrices de la FNSEA, avait indiqué : « La commission des agricultrices a conduit un travail auprès des constructeurs agricoles pour les alerter sur des systèmes d'attelage à l'utilisation plus simple. Nos demandes ont été entendues, ce qui rend également service aux agriculteurs. » La relative amélioration des conditions physiques d'exercice du métier d'agricultrice ne doit pas occulter la persistance du poids de la charge mentale. La délégation a ainsi pu constater, au travers des témoignages qu'elle a recueillis, que de nombreux stéréotypes persistent au sein de la profession agricole. Dans le rapport, Céline Berthier, agricultrice témoigne : « Une femme sur son tracteur (...) pense au rôti à décongeler pour le repas du soir, à la déclaration de TVA à envoyer avant la date butoir, à sa mère qui devrait garder les enfants durant quinze jours cet été, pendant la moisson, à la réinscription de sa fille au foot, à la réunion parents profs au lycée se situant à trente-cinq kilomètres... »
Des progrès à parfaire dans les instances agricoles
La place des femmes dans les instances représentatives de la profession agricole en France a également été posée lors des travaux de la délégation sur cette thématique. « Que ce soit au sein des chambres d'agriculture, des syndicats professionnels, des coopératives agricoles ou des interprofessions, la question de la place des femmes au sein de la gouvernance importe si l'on veut améliorer la place des agricultrices dans le monde agricole », note le rapport. Plusieurs témoignages mettent en évidence cependant des difficultés pour les agricultrices de s'investir dans ces instances en raison des contraintes domestiques et parentales qui pèsent sur leurs épaules, mais aussi une légitimité et des compétences « sans cesse mises en doute » par leurs homologues masculins.
Mélodie Comte