Congrès national Agrilocal
Les repas végans font bouillir… les cuisiniers

Cédric Michelin
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Le 2e salon national de la plateforme Agrilocal, plateforme qui favorise le circuit court en restauration collective, s’est tenu le 4 avril dernier à Mâcon. Derrière les portes des établissements scolaires, des débats passionnés ont lieu sur l’alimentation saine, locale ou durable. Et le moins que l’on puisse dire est que la conférence sur la transition alimentaire a suscité les débats.

Les repas végans font bouillir… les cuisiniers

Il en faut visiblement plus pour ébranler Grégoire Maille, formateur et expert cuisinier chez Restau’Co, réseau interprofessionnel qui forme (certifié Qualiopi) nombre de cuisiniers en restauration collective notamment. En ce jour de congrès national d’Agrilocal, les organisateurs lui avaient commandé une conférence sur : « Construisons ensemble le repas de demain », histoire de renouveler le genre, déconstruire les menus et coller aux attentes de la société. À peine son exposé terminé, une cuisinière dans la salle l’interpellait : « cela me dérange que vous n’ayez parlé que de repas végétariens et pas de produits locaux ou de saisonnalité ». Le débat rebondissait alors parmi la cinquantaine de cuisiniers, ayant toutes et tous des recettes pour le futur bien différentes. « La saisonnalité, cela ne veut rien dire. On a des tomates sous serre en février », rétorquait un cuistot au fond de la salle. Nouvelle grogne, « pas de légume sous serre chauffée », revendiquaient d’autres chefs. Grégoire Maille reprenait le contrôle : « je ne suis pas là pour opposer carné contre végan. L’alimentation de demain, on ne la connaît pas, même si aujourd’hui, on reçoit des injonctions pour 1, 2, 3 repas végétariens par semaine. L’idée était de vous interroger sur vos pratiques, d’inventer. Il faut déconstruire nos recettes de choucroute où avant, il y avait un peu de viandes et beaucoup de choux. Aujourd’hui, la viande c’est moitié de l’assiette, c’est trop ! », s’auto-critiquait-il, se disant lui-même pourtant dans le camp des « viandards ». Ramen, tacos, légumineuses, céréales… au menu était donc un tas de contradictions à l’image de notre société : influence multiculturelle (worldfood) avec produits locaux, produits de saison avec recommandations alimentaires constantes, mise en avant des bons produits du terroir et repas vegan au pays de la gastronomie…

« Troisième génération de malbouffe »

Chacun revenait donc à la base, les sensations physiques, les goûts et les saveurs. Des basiques perdus. « On est à la troisième génération de malbouffe avec des parents qui donnent des chips à la sortie de la crèche », regrettait une cheffe. La salle s’interrogeait alors sur comment « aller progressivement, sans trop de changements, sinon, c’est voué à l’échec », pour faire aimer et surtout « réapprendre à manger » aux jeunes générations (et leurs parents ?, NDLR) des courges, des panais… En faisant des compromis et en associant les saveurs, conseillait Grégoire Maillard, lui le périgourdin qui sait que la « graisse de canard avec des légumes » donnent des accords fantastiques, mais ce type de plat sort des recommandations du programme nutrition du Ministère de la Santé, définit aussi par le GEM-RCN. Le GEM-RCN, ou groupe d’étude des marchés de restauration collective et nutrition, a vu le jour en réponse à l’inquiétante augmentation du surpoids et de l’obésité en France. Il a pour mission d’améliorer la qualité nutritionnelle des repas servis dans des établissements collectifs tels que les cantines scolaires, les crèches, les hôpitaux, les restaurants d’universités, les EHPAD…

Jeunes et vieux, même combat

Reste la question principale : comment éduquer les jeunes ? Grégoire Maillard confirmait que les cuistots se trouvent en face de plusieurs publics : « les primaires sont faciles. Les collégiens suivent sauf si un dit beurk avant. Les lycéens commencent à avoir une cervelle » et penser leur alimentation. Pour autant, dans les Ehpad, « on écoute maintenant Mick Jagger des Rolling Stones ou Grandmaster Flash », rappelant que ces générations « contestataires », ne cuisinaient déjà guère plus les plats de la gastronomie à la Française lorsqu’ils étaient actifs. Dans les deux cas mais pas pour les mêmes raisons, « 60 % des viandes sont du haché », les chefs cherchant maintenant comment « remettre un steak de 150 g une fois par semaine pour remettre de la mâche » mais ne sachant pas faire avec leurs gestionnaires pour que le budget « passe sur les quatre autres jours ».

Revenir aux goûts

« On a des jeunes noyés par la culture manga, qui aiment les tacos, les burgers et les frites. Il ne faut pas oublier notre culture », plaidaient les cuisiniers, visiblement majoritairement en établissements scolaires. En France, les plats préférés des Français sont pourtant la pizza, le couscous ou le poulet-frites. C’est là, où « il faut retrouver de l’équilibre et la créativité ». Une cheffe, « petite fille d’éleveurs laitiers », témoignait voir les autres « mamans cuisiner des navets à l’eau, pas bon sans assaisonnement. Alors, elles sortent des frites et steaks hachés congelés le soir pour aller vite aussi. Mais ce n’est pas bon ».

Grégoire Maillard retombait sur ses pattes, content de lui, de voir que finalement : « on sait tous cuisiner des plats à base de viande. Mais sur 400 couverts, 20 % ne mangent pas de bœuf bourguignon », expliquait-il pour inviter ces convives du jour, à essayer de « revoir l’alimentation française locale qui a du goût » à l’aune des codes de toutes les générations.